Le jour de ses dix-huit ans, Rebecca Bertrand tue sa mère à coups de couteau. Un acte incompréhensible, alors qu’elle vient juste d’atteindre la majorité et est donc considérée comme adulte devant la justice. Effondré, son père Stéphane Bertrand, précurseur des neurosciences qui s’est considérablement enrichi avec sa firme Neurotech, appelle à la rescousse une ancienne connaissance, Amélie Lua, brillante avocate au barreau qui sombre dans l’alcool. Étonnant choix alors qu’ils ne se sont plus vus depuis 18 ans, soit l’âge de Rebecca.
Olivier Caruso développe le récit à travers deux axes principaux : la relation tripartite entre Amélie, Stéphane et Rose la victime, musicienne célèbre, et bien sûr le procès de Rebecca, le tout sur fond de réseaux sociaux et d’implants neuronaux développés par Neurotech et donc inventés par Stéphane Bertrand, L’auteur alterne les points de vues entre Amélie et Stéphane. Le lecteur découvre ainsi ce qui les lie et les divise à la fois : Rose et Rebecca. Amélie fait de ce cas une affaire personnelle, Rebecca ne saurait être responsable des errements de son père qui, tout génie qu’il soit, n’a pu éviter ce qui est arrivé, alors que le handicap de Rebecca a depuis longtemps été diagnostiqué. Un lourd contentieux existe entre les deux personnages, alors pourquoi ce choix de renouer avec le passé ? Le développement s’avère habile et l’auteur joue avec les lecteurs qui éprouveront des sentiments divers envers les personnages. Amélie gagne peu à peu la sympathie, alors que Stéphane reste toujours distant et mystérieux. Quant à Rebecca, il est difficile de s’y attacher, tant elle semble incontrôlable. L’opinion publique se déchaîne, en la personne de Rose c’est la musique qu’on assassine. Les réseaux sociaux reflètent ce sentiment et clouent la tueuse au pilori en place publique. Les tribunaux ne font que suivre la tendance et manier cette dernière revient à influencer le jury, ce à quoi Amélie va s’évertuer. Ici on est bien loin d’une relation normale entre client et avocat, chacun joue avant tout sa partition nourrie par un lourd passé. C’est très bien mené et l’intérêt est régulièrement relancé.
Stéphane est riche, très riche, tant Neurotech rencontre le succès. Les implants neuronaux deviennent toujours plus intrusifs, la vie privée s’efface tant les données sont partagées, ce qui n’est pas sans poser problème. Le futur écrase l’individu au profit de la société qui le contrôle de plus en plus. L’état ou Neurotech, soit Stéphane Bertrand ? Olivier Caruso soulève bien des questions avec ce modèle d’avenir qui pousse le curseur de notre présent plus loin, afin d’en montrer toute la perversité.
Servi par une plume nerveuse, incisive, le court roman « Symposium Inc. » se lit vite, tant l’histoire est absorbante. Les événement d’un passé déjà ancien conditionnent l’affaire Rebecca Bertrand, tueuse et victime à la fois, jouet aux mains de forces qui la dépassent. Le talent d’Olivier Caruso était déjà connu, il lui restait toutefois à passer à la distance supérieure pour franchir un nouveau palier, ce qu’il fait brillamment avec cette très bonne publication d’Une Heure-Lumière
Titre : Symposium Inc.
Auteur : Olivier Caruso
Couverture et conception graphique : Aurélien Police
Éditeur : Le Bélial’
Collection : Une Heure-Lumière
Numérotation dans la collection : 33
Directeur de collection : Olivier Girard
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 174
Format (en cm) : 12 x 18
Dépôt légal : août 2021
ISBN : 9782843449796
Prix : 9,90 €
Autres titres de la collection :
1. « Dragon » de Thomas Day
2. « Le nexus du Docteur Erdmann » de Nancy Kress
3. « Cookie Monster » de Vernor Vinge
4. « Le choix » de Paul J. McAuley
5. « Un pont sur la brume » de Kij Johnson
6. « L’homme qui mit fin à l’histoire » de Ken Liu
7. « Cérès et Vesta » de Greg Egan
8. « Poumon vert » de Ian R. MacLeod
9. « Le regard » de Ken Liu
10. « 24 vues du mont Fuji, par Hokusai » de Roger Zelazny
11. « Le sultan des nuages » de Geoffrey A. Landis
12. « Issa Elohim » de Laurent Kloetzer
13. « La ballade de Black Tom » de Victor LaValle
14. « Le fini des mers » de Gardner Dozois
15. « Les attracteurs de Rose Street » de Lucius Shepard
16. « Retour sur Titan » de Stephen Baxter
17. « Helstrid » de Christian Léourier
18. « Les meurtres de Molly Southbourne » de Tade Thompson
19. « Waldo » de Robert A. Heinlein
20. « Acadie » de Dave Hutchinson
22. « Abimagique » de Lucius Shepard
23. « Le temps fut » de Ian McDonald
24. « La Survie de Molly Southborne » de Tade Thompson
25. « Les Agents de Dreamland » de Caitlin R. Kiernan
26. « Vigilance » de Robert Jackson Bennett
27. « La Fontaine des âges » de Nancy Kress
28. « La Chose » de John W. Campbell
29. « Ormeshadow » de Prya Sharma
30. « À dos de crocodile » de Greg Egan
31. « Toutes les saveurs » de Ken Liu
32. « Le livre écorné de ma vie » de Lucius Shepard
Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr