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Dos de crocodile (À)
Greg Egan
Le Bélial’, Une Heure-Lumière, n°30, court roman traduit de l’anglais (Australie), Hard Science, 98 pages, mai 2021, 8,90€

Après dix mille trois cent neuf ans de mariage, Leila et Jasim songent seulement à leur mort, mais ils attendent le signe qu’il est temps d’en finir. Ils pensent avoir tout fait, tout vu dans la limite du raisonnable, mais un dernier défi à relever leur apparaît comme la porte de sortie idéale à une existence déjà bien remplie.
Dans l’Amalgame, des milliers de civilisations extraterrestres et posthumaines cohabitent, mais il reste une zone inconnue : le bulbe galactique central, le territoire des Indifférents. Malgré toutes les tentatives de communication, rien n’a jamais filtré de cette zone protégée par une barrière impénétrable. Les Indifférents incarnent un mystère auquel le couple entend bien s’atteler pour partir en paix.



« À Dos de crocodile » fait clairement dans la démesure, aussi bien dans le temps, l’espace que les moyens. Rien que la durée de mariage laisse déjà pantois. Et quand Leila et Jasim se lancent dans cette folle entreprise vouée à l’échec depuis des centaines de milliers d’années, voire plus, le temps ne signifie plus grand-chose. Les déplacements se font quasi à la vitesse de la lumière, mais les distances sont telles qu’ils demandent des milliers d’années. Bien sûr, il n’est plus question de corps physiques mais de flots de données pour rematérialisation ou non à destination. L’humain semble immortel, uniquement limité par son envie de poursuivre l’aventure ou non. Greg Egan instille un sentiment de vertige à des lecteurs dépassés par l’ampleur du récit. Sur combien de temps se déroule-t-il ? L’échelle doit être graduée en dizaine de milliers d’années pour retranscrire les pérégrinations du couple voyant très grand. Trop grand ? La mission n’est-elle pas vaine ? Rien que pendant le trajet pour se rendre au plus proche du bulbe galactique central, les recherches ont progressé. Qu’importe, le courage ne leur fait pas défaut. Seules les ressources nécessaires peuvent constituer un frein au projet.

Greg Egan se concentre sur l’essentiel, le couple, sans s’attarder sur les sentiments, et leur but : sortir les Indifférents de leur mutisme pour donner un sens à leur vie qui pourra alors s’achever avec la satisfaction du devoir accompli, pourrait-on dire. C’est pour le moins étrange, mais quand on est quasi immortels, l’existence n’est pas appréhendée de la même manière. Sur la durée d’une novella de 90 pages, il est bien sûr impossible de tout explorer, de développer le contexte général pour apporter des explications à cette longévité exceptionnelle, aux cultures croisées... Résultat : le premier plan est privilégié et seule une idée générale est donnée de l’arrière-plan. Le lecteur aurait parfois envie d’en savoir plus, de s’attarder un peu à chaque étape, car chacune apporte son lot de rencontres et de développements scientifiques assez ébouriffants. De plus, le tableau semble bien idyllique, alors que tant de facteurs entrent dans l’équation.
Greg Egan est dans son élément, ses personnages sont lancés dans un défi apparemment insoluble dans un cadre démesuré. Les dimensions ne signifient plus grand-chose, le lecteur tombe dans la littérature du vertige. Mais tout a sens et tient la route. S’immerger dans le récit est proprement jouissif, tant les limites y sont repoussées, tout en conservant une part de mystère avec les Indifférents. Leila et Jasim parviendront-ils à les faire réagir ? Et en conclusion, le lecteur saura-t-il qui ils sont ?

« À dos de crocodile » est un concentré de science-fiction de haut vol, celle du vertige explorant un avenir très lointain et si différent de notre présent. L’humain a toujours besoin de défis pour alimenter son envie d’aller plus loin, les extraterrestres sont une réalité, la science a progressé à bonds de géant... mais l’univers conserve toujours une part de mystère, donc de magie.
Une fois de plus, Greg Egan a frappé !


Titre : À dos de crocodile (Riding the Crocodile, 2005)
Auteur : Greg Egan
Traduction de l’anglais (Australie) : Francis Lustman
Couverture et conception graphique : Aurélien Police
Éditeur : Le Bélial’
Collection : Une Heure-Lumière
Numérotation dans la collection : 30
Directeur de collection : Olivier Girard
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 98
Format (en cm) : 12 x 18
Dépôt légal : mai 2021
ISBN : 9782843449802
Prix : 8,90 €


Autres titres de la collection :
- 1. « Dragon » de Thomas Day
- 2. « Le nexus du Docteur Erdmann » de Nancy Kress
- 3. « Cookie Monster » de Vernor Vinge
- 4. « Le choix » de Paul J. McAuley
- 5. « Un pont sur la brume » de Kij Johnson
- 6. « L’homme qui mit fin à l’histoire » de Ken Liu
- 7. « Cérès et Vesta » de Greg Egan
- 8. « Poumon vert » de Ian R. MacLeod
- 9. « Le regard » de Ken Liu
- 10. « 24 vues du mont Fuji, par Hokusai » de Roger Zelazny
- 11. « Le sultan des nuages » de Geoffrey A. Landis
- 12. « Issa Elohim » de Laurent Kloetzer
- 13. « La ballade de Black Tom » de Victor LaValle
- 14. « Le fini des mers » de Gardner Dozois
- 15. « Les attracteurs de Rose Street » de Lucius Shepard
- 16. « Retour sur Titan » de Stephen Baxter
- 17. « Helstrid » de Christian Léourier
- 18. « Les meurtres de Molly Southbourne » de Tade Thompson
- 19. « Waldo » de Robert A. Heinlein
- 20. « Acadie » de Dave Hutchinson
- 22. « Abimagique » de Lucius Shepard
- 23. « Le temps fut » de Ian McDonald
- 24. « La Survie de Molly Southborne » de Tade Thompson
- 25. « Les Agents de Dreamland » de Caitlin R. Kiernan
- 26. « Vigilance » de Robert Jackson Bennett
- 27. « La Fontaine des âges » de Nancy Kress
- 28. « La Chose » de John W. Campbell
- 29. « Ormeshadow » de Prya Sharma

Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
21 juillet 2021


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