« Dragon » est le premier titre de la nouvelle collection Une Heure-Lumière consacrée aux courts romans. Que ce soit Thomas Day qui l’inaugure en quelque sorte n’est que justice, car son nom est lié au Bélial’, maison d’édition au sein de laquelle il a sorti de nombreux romans et recueils, aussi bien que des nouvelles isolées dans « Bifrost ». De plus, ses écrits ne sont jamais vains, ils laissent toujours une empreinte sur les lecteurs. À l’image de « Dragon », il les fait réagir..
Le portrait de cette Bangkok d’un proche avenir qui lutte contre la montée des eaux pour garder les pieds des touristes au sec n’est guère flatteur. Pour schématiser, cela ressemble à une gigantesque cuvette de WC à ciel ouvert. Les touristes n’y vont pas pour les temples pittoresques mais pour assouvir leurs penchants inavouables, car tout y est permis. Les autorités ferment partiellement les yeux, désireuses de ne pas couper cette manne financière.
Dans « Women in Chains », Thomas Day dénonçait la condition des femmes ; là, son message porte sur celle des enfants exploités pour le plaisir de déviants sexuels qui ont perdu tout sens des valeurs. Suivant les personnes, les massacres de Dragon n’ont pas le même accueil : pour les autorités et les profiteurs de ce système, il est à abattre, alors que pour ceux qui luttent contre ce trafic, il mériterait une médaille.
Le portrait du lieutenant chargé d’éradiquer la menace s’avère complexe. Ce dernier cherche le ladyboy parfait, celui de ses fantasmes et qui relève quasi d’une nouvelle forme de vie. Il fréquente et connaît donc cette Bangkok de l’ombre. L’auteur n’a de cesse d’approfondir ce personnage dans une histoire loin d’être linéaire.
La tâche de bien suivre le fil des événements nous est facilitée par une numérotation des chapitres. Souvent le lecteur découvre les effets avant la cause, ce qui n’a rien de gênant et rend le roman plus percutant, adjectif de mise dans ce livre.
En effet, « Dragon » se révèle très dur, car il met en scène des enfants victimes d’adultes dépravés. Finalement, c’est plus cet aspect qui interpellera le lecteur que les massacres de Dragon. Pourtant, rien ne nous est épargné : une scène de torture est exposée en détails et quiconque la lit ne pourra s’empêcher de frissonner. Un sujet choc pour un traitement coup de poing.
L’intrigue est très loin de se limiter à la poursuite de Dragon par Tann Ruedpokanon. Cela va bien plus loin. Le choix du nom Dragon n’est pas anodin, mais bien plus profond, et l’auteur dépasse le cadre du thriller futuriste décrit jusqu’alors.
Les 150 pages de « Dragon » se lisent d’une traite. Avec des chapitres souvent très courts, le rythme est soutenu, d’autant que les moments calmes sont rares.
« Dragon » traite d’un sujet très sensible sur lequel fermer les yeux n’est pas une option. Thomas Day donne vie à cette Bangkok de demain et hélas si proche de celle d’aujourd’hui. Il en révèle le visage caché, du moins celui que la majorité préfère ignorer, et nous plonge sans complaisance dans l’histoire qui n’est pas pour un jeune public. Il s’agit d’un roman coup-de-poing qui sait interpeller avec justesse les lecteurs sur une triste réalité. Une fois achevé, bien des questions s’imposeront dans nos esprits.
Ce premier titre de la collection Une heure-Lumière marquera ses lecteurs, ce qui est la marque de fabrique de Thomas Day. Un démarrage des plus réussis !
Titre : Dragon
Auteur : Thomas Day
Couverture et conception graphique : Aurélien Police
Éditeur : Le Bélial’
Collection : Une Heure-Lumière
Numérotation dans la collection : 1
Directeur de collection : Olivier Girard
Site Internet : Roman (site éditeur) ; le blog Sur la piste du dragon
Pages : 160
Format (en cm) : 12 x 18
Dépôt légal : janvier 2016
ISBN : 978-2-84344-139-4
Prix : 8,90 €
Autres œuvres de Thomas Day chroniquées sur la Yozone :
« 7 Secondes pour devenir un aigle » (Le Bélial’)
« Sympathies for the Devil » (Folio SF)
« Du Sel sous les Paupières » (Folio SF)
« La Cité des Crânes » (Le Bélial’)
« Le Trône d’Ébène : Naissance, Vie et Mort de Chaka, roi des Zoulous » (Le Bélial’)
« L’Automate de Nuremberg » (Gallimard, Folio 2€)
« La Maison aux Fenêtres de Papier » (Folio SF)
Pour écrire à l’auteur de cet article :
[email protected]