En lisant « Cérès et Vesta », le septième numéro de la collection Une Heure-Lumière, le parallèle avec la situation géopolitique notamment au Moyen-Orient s’impose. Ce court roman de Greg Egan date de 2015 et est donc d’une actualité brûlante avec des problématiques réelles transposées à l’espace dans un système binaire, donc moins complexe que le nôtre.
Une partie de la société de Vesta est montrée du doigt, soit disant que les Sivadier ne mériteraient pas les mêmes droits que ceux qui ont travaillé de leurs mains. D’après ces extrémistes, il leur faut payer pour vivre sur Vesta. Cette haine d’une petite frange de la population se transmet au plus grand nombre qui vote pour l’application d’un impôt spécial Sivadier. Ces derniers essaient de résister, organisent des opérations de protestation, mais ça dégénère. Quitter Vesta, oui, mais à quel prix !
Pour dénoncer l’horreur et les conditions pour fuir le racisme sous toutes ses formes, Greg Egan suit deux trames différentes se déroulant à des années d’intervalle, une sur Vesta et l’autre sur Cérès. Dans la première, Olivier et Camille assistent atterrés à cette montée de l’ostracisme à l’encontre des Sivadiers qui se voient traités de parasites, et de l’autre, Anna est chargée de l’accueil des réfugiés sur Cérès. Le procédé est habile, d’autant que les personnages ont un rôle à jouer tout au long de cette novella d’une centaine de pages.
Le lecteur est pris dans ce drame frappant des hommes et des femmes, des descendants d’intellectuels. L’écrivain montre les causes et les effets, allant même plus loin avec ce qui s’apparente à un chantage au final. Anna est placée face à un choix cornélien, très bien explicité par le titre original « The Four Thousand, The Eight Hundred ». J’avoue avoir été étonné que personne de plus haut placée n’ait pu l’aider, n’ait tapé du poing pour dénoncer cette ignominie et évoqué de possibles représailles, d’autant que la matière échangée par Cérès me semble plus importante à la survie.
La conclusion ne manque pas d’élégance, mais elle reste attachée à la personne et non à la problématique du livre, ce qui est surprenant.
Il est aussi un peu regrettable que les pouvoirs en place ne soient pas plus explicites, ce qui ne permet pas de cerner la manière dont cela fonctionne, mais le format court ne permet pas de rentrer dans les détails.
Il n’empêche que « Cérès et Vesta » relève de la science-fiction de haut vol mais aussi engagée. La situation mise en scène se déroule sous nos yeux depuis plusieurs années. Le cadre spatial imaginé par Greg Egan se prête à cette dénonciation. Bien sûr, l’Australien apporte sa touche personnelle, notamment à travers le mode de locomotion pour fuir Vesta, et ravit par sa capacité à extrapoler le présent dans un cadre science-fictif. Il pousse également à la réflexion, à la remise en question pour chaque individu quant à son rôle dans la société.
Une fois de plus, la collection Une Heure-Lumière marque des points et s’impose comme une très bonne idée. Les novellas se lisent d’une traite et amènent les lecteurs très loin.
Titre : Cérès et Vesta (The Four Thousand, The Eight Hundred, 2015)
Auteur : Greg Egan
Couverture et conception graphique : Aurélien Police
Traduction de l’anglais (Australie) : Erwann Perchoc
Éditeur : Le Bélial’
Collection : Une Heure-Lumière
Numérotation dans la collection : 7
Directeur de collection : Olivier Girard
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 110
Format (en cm) : 12 x 18
Dépôt légal : février 2017
ISBN : 978-2-84344-914-7
Prix : 8,90 €
Autres titres de la collection
1. « Dragon » de Thomas Day
2. « Le nexus du Docteur Erdmann » de Nancy Kress
3. « Cookie Monster » de Vernor Vinge
4. « Le choix » de Paul J. McAuley
5. « Un pont sur la brume » de Kij Johnson
6. « L’homme qui mit fin à l’histoire » de Ken Liu
Pour écrire à l’auteur de cet article :
[email protected]