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De l’espace et du temps
Alastair Reynolds
Le Bélial’, Une Heure-Lumière, n°50, court roman traduit de l’anglais (Grande-Bretagne), SF, 112 pages, mars 2023, 10,90€

Après le décès de Katrina Solovyova, John Renfrew se retrouve seul, mais alors vraiment seul. Un virus a décimé la population terrienne et la station basée sur Mars a connu le même sort, épargnant uniquement John livré à lui-même. Dernier humain, est-ce un titre enviable ? Il a promis à Katrina de ne pas en finir, de s’accrocher à la vie. Seule distraction : un piano mystérieusement apparu, un Bösendorfer, suivi d’un musicien assez excentrique dont le nom lui échappe mais avec lequel il arrive à interagir. Il se doute qu’il s’agit sûrement d’une vue de son esprit, une soupape à sa solitude, mais ce musicien le pousse à trouver un centre d’intérêt pour s’occuper. Et pourquoi pas comprendre la réalité, trouver la théorie ultime qui explique tout ?



Un homme seul sur Mars, voilà qui n’est pas sans rappeler « Seul sur Mars », mais là, le registre s’avère différent, car il n’est pas seul uniquement sur Mars, il est seul tout court. Dernier humain, voilà qui n’est pas banal et effraierait n’importe qui. Impossible de s’en vanter, car il n’y a plus personne en face. Il surveille toujours en vain la Terre, espérant capter une émission lui prouvant que, non, il n’est pas seul. Heureusement que ce musicien sorti de nulle part l’empêche de sombrer dans la folie. Les lunettes en couverture, des tenues excentriques, le piano à queue Bösendorfer... vous aurez compris de qui il s’agit. Il sert de raison à John, le pousse à se lever chaque matin, à y trouver un intérêt. D’ailleurs John se lance dans une mission désespérée, trouver la théorie unificatrice ultime. Clairement, une vie d’homme n’y suffit pas.

« De l’espace et du temps » est coupé en deux. Il y a un avant et un après, un John dépositaire de l’humanité et un John différent, mais ce serait dommage de déflorer cet aspect qui fait rebondir ce court roman dans une direction inattendue. On pourrait discuter du point de bascule plutôt artificiel de cette novella, mais cette facilité permet d’aller vers la démesure sur le chemin de la connaissance. John est transformé, tout dévoué à cette soif de comprendre, de découvrir les mécanismes cosmologiques, perdant au passage son humanité. Il est facile d’oublier alors la première partie avec son repli sur soi pour se protéger. Alastair Reynolds trompe bien le lecteur qui ne s’attend pas à cette débauche en seconde partie, découvrant alors une histoire très différente, une espèce de big bang en partant d’un homme, le dernier, qui enfle telle la grenouille, mais ira-t-il jusqu’à exploser ? Ou son destin sera-t-il différent ?

« De l’espace et du temps », le titre est bien trouvé et illustre la direction prise par cette novella. La postface d’Alastair Reynolds est intéressante pour en comprendre la genèse. Cette impression de césure peut s’expliquer par sa gestation assez longue.
Du pathos avec cet homme seul, de la folie avec ce musicien, de l’ambition avec cette volonté dernière de tout expliquer et bien sûr du souffle avec l’ampleur donnée à l’histoire dans la seconde partie.
Depuis deux années, Le Bélial’ remet en avant cet auteur de premier plan de la SF et on ne peut que l’en féliciter, d’autant qu’avril verra la sortie de « La maison des soleils ».
Pour le cinquantième Une Heure-Lumière, un choix de raison que l’on peut qualifier d’excellent.


Titre : De l’espace et du temps (Understanding Space and Time, 2005)
Auteur : Alastair Reynolds
Traduction de l’anglais (Grande-Bretagne) : Laurent Queyssi
Couverture et conception graphique : Aurélien Police
Éditeur : Le Bélial’
Collection : Une Heure-Lumière
Numérotation dans la collection : 50
Directeur de collection : Olivier Girard
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 112
Format (en cm) : 12 x 18
Dépôt légal : mars 2023
ISBN : 9782381631257
Prix : 10,90 €


Du même auteur :
- « Bifrost n°110 » spécial Alastair Reynolds
- « Éversion »
- « La millième nuit »
- « Mémoire de métal »
- « Vengeresse »
- « Le gouffre de l’absolution »
- « La cité du gouffre »

Derniers titres chroniqués de la collection :
- 36. « La Maison des Jeux, tome 1 : Le serpent » de Claire North
- 37. « Un an dans la « ville-rue » » de Paul Di Filippo
- 38. « Opexx » de Laurent Genefort
- 39. « La millième nuit » d’Alastair Reynolds
- 40. « La Maison des Jeux, tome 2 : Le voleur » de Claire North
- 41. « L’Héritage de Molly Southbourne » de Tade Thompson
- 42. « La Maison des Jeux, tome 3 : Le maître » de Claire North
- 43. « Connexions » de Michael F. Flynn
- 46.« Le dernier des Aînés » de Adrian Tchaikovsky
- 47. « La peste du léopard vert » de Walter Jon Williams
- 48. « Barbares » de Rich Larson
- 49. « Sweet Harmony » de Claire North

Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
3 avril 2024


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