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Sweet Harmony
Claire North
Le Bélial’, Une Heure-Lumière, n°49, court roman traduit de l’anglais (Grande-Bretagne), Science-Fiction, 160 pages, janvier 2024, 11,90€

Dans un futur proche à Londres, Harmony Meads découvre un matin une étrange protubérance sur son menton. Un bouton ? Impossible ! Son lot de nanos et extensions diverses made in Fullife, fournisseur de santé, sert justement à faire d’elle une reine de beauté, de sureté... Un problème de configuration ? Un conflit entre les routines programmées ? La réalité se révèle plus basique et c’est le début de la chute d’Harmony Meads perdant tous ses repères dans une société du paraître.



Voilà une dizaine d’années que Claire North séduit le lectorat avec des œuvres fortes et inventives. Après la trilogie de « La maison des jeux », la collection Une Heure-Lumière commence l’année 2024 avec « Sweet Harmony », un court roman centré sur Harmony Meads dont le monde est chamboulé par une éruption cutanée.
Agente immobilière cotée, jeune et belle, confiante en ses capacités, personne, surtout pas elle, ne pouvait imaginer que c’était le signe que quelque chose n’allait pas, qu’elle vivait sur des mensonges achetés à crédit. Et pourtant si. Ce n’est pas elle qui a sculpté sa silhouette parfaite à travers d’incessants efforts, mais des nanos et des extensions pour des dents blanches, un maintien droit, une implantation capillaire optimale... Bien sûr, tout cela à un coût et c’est là que le bât blesse pour Harmony. Le surendettement, les crédits à la consommation facilement accordés, voilà des travers pas prêts de disparaître, car ils asservissent l’individu.
Mais comment en est-elle arrivée à cette situation désespérée et visiblement sans issue ?
Habilement, Claire North commence par le point de bascule, l’apparition de ce bouton. Le récit suit Harmony à partir de ce moment charnière, mais aussi les étapes clés de sa vie, celles où elle a décidé d’être actrice de son destin en plongeant dans les possibilités des nanos. La démonstration de leur efficience est terrible, car pour réussir, elle n’a pas le choix. La bonne volonté, les capacités ne suffisent pas, il faut aussi bien présenter, être parfaite sous tous les angles et là, seule la technologie le permet sans coup férir. S’élever dans la société demande donc un investissement de départ et, pour rester au sommet, se contenter de ce que l’on a ne suffit pas, il faut toujours aller plus loin. C’est un cycle infernal dans lequel il faut toujours gagner plus, pour se payer toujours plus d’extensions. L’image que l’on donne de soi, la persona, est plus importante que sa propre personnalité.
Et la santé dans tout ça ? Harmony comprend que jouer avec elle n’est pas une bonne idée et la voilà obligée d’ouvrir les yeux sur ce qu’est devenue sa vie. Mais cette prise de conscience n’est-elle pas trop tardive ?

« Sweet Harmony » se situe dans un proche avenir qui, sur certains points, est déjà arrivé avec la société du paraître. L’apparence prime souvent sur les capacités, la vue supplante la raison. S’il était possible de se refaire pour évoluer, s’élever socialement, qui choisirait de se contenter de ce qu’il est ? Pour Claire North, le prix à payer détruit Harmony. Et quand on a tutoyé le soleil, retomber sur le plancher des vaches et voir le regard sur soi changer en mal s’avère destructeur. Heureusement Harmony a une mère qui a gardé les pieds sur terre. Ce point d’appui peut-il suffire à sa reconstruction ? Claire North prend le lecteur à témoin de l’ascension d’Harmony, avant sa chute au fur et à mesure des désactivations. Elle le fait avec style, le pousse à réagir, à s’interroger sur cette situation sans issue claire.
« Sweet Harmony » se révèle fascinant, possède un côté voyeur qui participe à son charme. Ce proche avenir n’est rien moins que terrible avec cette mainmise du paraître que la technologie rend inéluctable. La démonstration de Claire North est limpide, imparable et pose bien des questions sur la personnalité. Au passage, elle n’oublie pas le surendettement, les relations toxiques, autant de facteurs aggravants dans le cas d’Harmony. Et la fin dégage des notes aigres douces qui montrent que personne n’est finalement blanc comme neige dans cette affaire.
Si vous ne connaissez pas encore Claire North, il est plus que temps de réparer cette anomalie.


Titre : Sweet Harmony (Sweet Harmony, 2020)
Auteur : Claire North
Traduction de l’anglais (Grande-Bretagne) : Michel Pagel
Couverture et conception graphique : Aurélien Police
Éditeur : Le Bélial’
Collection : Une Heure-Lumière
Numérotation dans la collection : 49
Directeur de collection : Olivier Girard
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 160
Format (en cm) : 12 x 18
Dépôt légal : janvier 2024
ISBN : 9782381631110
Prix : 11,90 €


Claire North sur la Yozone :
- « La Maison des Jeux, tome 1 : Le serpent »
- « La Maison des Jeux, tome 2 : Le voleur »
- « La Maison des Jeux, tome 3 : Le maître »
- « 84K »
- « La Soudaine apparition de Hope Arden »
- « Touch »
- « Les Quinze premières vies d’Harry August »

Derniers titres de la collection :
- 36. « La Maison des Jeux, tome 1 : Le serpent » de Claire North
- 37. « Un an dans la « ville-rue » » de Paul Di Filippo
- 38. « Opexx » de Laurent Genefort
- 39. « La millième nuit » d’Alastair Reynolds
- 40. « La Maison des Jeux, tome 2 : Le voleur » de Claire North
- 41. « L’Héritage de Molly Southbourne » de Tade Thompson
- 42. « La Maison des Jeux, tome 3 : Le maître » de Claire North
- 43. « Connexions » de Michael F. Flynn
- 46.« Le dernier des Aînés » de Adrian Tchaikovsky
- 47. « La peste du léopard vert » de Walter Jon Williams
- 48. « Barbares » de Rich Larson

Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
27 janvier 2024


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