Dans quatre millions d’années, l’humanité est omniprésente dans toute la galaxie, elle s’est adaptée à différentes conditions de vie et il existe des générations de clones quasi immortels sillonnant l’espace. La lignée Gentiane figure au nombre, elle regroupe mille individus se retrouvant tous les 200 000 ans afin de partager leurs expériences depuis leurs dernières retrouvailles. La millième nuit est désigné celui qui aura vécu les plus grandes choses. Il sera alors en charge de l’organisation du prochain rendez-vous.
Cette fois-ci, les événements ne suivent pas leur cour immuable, un grain de sable vient s’y glisser...
En 130 pages, Alastair Reynolds offre aux lecteurs un condensé de science-fiction assez ébouriffant. D’emblée il a fait un choix fort : pas de voyages au-delà de la vitesse de la lumière, pas d’artifices pour s’en affranchir et permettant de parcourir des distances considérables le temps d’une vie normale. Découvrir la galaxie demande du temps, beaucoup de temps et ce n’est finalement possible que pour certains, comme les clones de la lignée Gentiane, immortels ou presque. Chaque nuit, l’expérience de l’un d’eux est partagée avec les autres, élargissant le champs de leurs connaissances à tous.
La notion de temps est ici évanescente, l’échelle est si grande qu’elle est difficile à appréhender. La fréquence des retrouvailles de 200 000 ans donne le ton. Et quand Campion, l’organisateur des festivités, avoue avoir passé cette période à admirer des couchers de soleil, il enfonce le clou. Avoir tout le temps n’est pas une vaine expression, mais une réalité. Leur pouvoir semble sans limites, le monde créé spécialement par Campion pour l’occasion témoigne d’un savoir faire et de moyens colossaux. Rien ne semble trop beau pour eux, ni impossible.
Il plane aussi un mystère autour du Grand Œuvre, seuls quelques adeptes savent ce dont il s’agit. Finit le temps de l’insouciance comme dit l’un d’eux. Des choix importants devront être faits. Comme le remarque Purslane, une clone dont Campion est proche, cette énigme soulève bien des questions, surtout de la part de l’un des mille dont le récit comportait des anomalies. Il se trame une sombre affaire comprennent-ils rapidement et ils n’auront de cesse de lever le voile. Ils vont tirer un fil qui n’aura de cesse de grandir, tant les enjeux dépassent ce que des faits de prime abord anodins pouvaient laisser penser.
« La millième nuit » est une novella qui fait dans la démesure au niveau du temps et de ses protagonistes quasi immortels. Pourtant Alastair Reynolds situe l’intrigue sur un planétoïde et la resserre sur à peu près trois années, donnant l’impression que deux humains normaux mènent une enquête surtout pour tromper leur oisiveté. Quand on a l’éternité devant soi, il faut trouver de quoi s’occuper et le moindre prétexte peut éloigner l’ennui. Le choix de la vitesse de la lumière comme limite infranchissable permet un développement très intéressant. L’allongement de la vie n’est finalement que son corollaire. Et cette lignée Gentiane aux pouvoirs quasi divins n’est pas sans soulever des interrogations nourries d’inquiétude.
« La millième nuit » s’avère une novella au souffle puissant qui emporte sans faillir le lecteur dans son sillage. L’imaginaire d’Alastair Reynolds y est envoûtant, intelligent par son parti pris. Un très bon choix !
Titre : La millième nuit (Thousandth Night, 2005)
Auteur : Alastair Reynolds
Traduction de l’anglais (Grande-Bretagne) : Laurent Queyssi
Couverture et conception graphique : Aurélien Police
Éditeur : Le Bélial’
Collection : Une Heure-Lumière
Numérotation dans la collection : 39
Directeur de collection : Olivier Girard
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 138
Format (en cm) : 12 x 18
Dépôt légal : août 2022
ISBN : 9782381630533
Prix : 10,90 €
Du même auteur :
« Mémoire de métal »
« Vengeresse »
« Le gouffre de l’absolution »
« La cité du gouffre »
Derniers titres de la collection :
30. « À dos de crocodile » de Greg Egan
31. « Toutes les saveurs » de Ken Liu
32. « Le livre écorné de ma vie » de Lucius Shepard
33. « Symposium Inc. » de Olivier Caruso
34. « Sur la route d’Aldébaran » de Adrian Tchaikovsky
35. « Simulacres martiens » de Eric Brown
36. « La Maison des Jeux, tome 1 : Le serpent » de Claire North
37. « Un an dans la « ville-rue » » de Paul Di Filippo
38 « Opexx » de Laurent Genefort
Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr