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Isolation
Greg Egan
Le Bélial’, roman traduit de l’anglais (Australie), Science-Fiction, 312 pages, février 2024, 21,90€

Un jour de novembre 2034, le système solaire a été isolé du reste de l’univers par une bulle qui cache dorénavant les étoiles aux humains et les prive de toutes portes de sortie vers l’espace lointain. Nick Stavrianos avait 8 ans quand le phénomène s’est produit, créant bien des troubles. Bien des décennies plus tard, après une carrière dans la police, il est devenu détective privé. C’est en cette qualité qu’il est contacté pour retrouver une femme disparue d’un hôpital. Rien dans son état ne laisse présager qu’elle a pu partir d’elle-même et pourtant elle reste introuvable. Ses recherches vont le mener jusqu’à New Hong Kong et l’amener à comprendre bien des choses, notamment sur la possible origine de la bulle.



Datant de 1992, « Isolation » est le premier roman que Greg Egan a reconnu. Sa lecture ne laisse aucune place au doute, il s’agit d’un roman pur jus de l’auteur, à savoir baignant dans la science, avec des idées ébouriffantes.
Rien que la situation de départ avec cette gigantesque bulle coiffant le système solaire, cet artefact à l’origine inconnue privant l’humanité des étoiles, aussi bien à la vue que physiquement, donne le tournis. L’échelle dépasse la compréhension. Et n’est-ce pas une part de rêve que les Terriens ont dû abandonner ? Ne plus voir les étoiles, cet horizon lointain, ne revient-il pas à perdre toute ambition, toute volonté d’aller toujours plus loin, de découvrir l’espace ? Résultat : l’humain a en quelque sorte opéré un repli sur soi, développant les implants cérébraux. Nick en est un exemple vivant. Il a perdu sa femme de manière violente sans en souffrir, toutes émotions bridées par un mod. Cette technologie sert justement de moteur au récit, car elle autorise bien des exploits.

Le contexte est fascinant avec cet artefact isolant la Terre. Son irruption soudaine a été cause de bien des troubles que le lecteur discerne au détour des pages. Il y a notamment une secte qui terrorise la population par des attentats meurtriers. Ayant déjà été sa cible, Nick s’en méfie toujours, voyant dans sa mission une possible intervention des Enfants de la bulle. L’auteur décrit aussi le nouvel ordre sur Terre, notamment la Nouvelle Hong Kong, dont il explique la création, sans que le lecteur ait à redire sur sa logique. Greg Egan extrapole de manière juste, ce qui rend son livre d’autant plus prenant.
Au premier abord, l’intrigue repose sur la recherche de la femme mystérieusement disparue. Son état végétatif lui empêchant toute autonomie indique une intervention extérieure, donc un enlèvement, malgré d’étonnantes absences remarquées dans le passé. À force d’astucieuses recherches, Nick subodore la façon dont elle a quitté le pays et où elle est séquestrée. Reste à la vérifier. C’est là que sa vie bascule... Ce serait dommage de trop en dévoiler, mais Nick abandonne sa mission de départ, obligé d’emprunter une autre voie lui ouvrant des perspectives insoupçonnés. Il est loin d’en imaginer les possibilités, tout comme le lecteur qui entre dans la mécanique quantique et ses fonctions d’ondes. Greg Egan développe cet aspect, le combinant avec les implants cérébraux, les mods, pour nous emmener très loin. « Isolation » relève en partie de la science dure, sans que le lecteur un tant soit peu attentif se perde en route. Il en prend plein les neurones, mais c’est assez digeste pour apprécier la performance à sa juste valeur, ce qui n’est pas toujours le cas de tous ses romans.
L’auteur referme alors la boucle, donnant une explication à l’enfermement terrien et au pourquoi de la disparition de la femme de l’hôpital. Tout du long, le lecteur se retrouve enfermé dans les pensées de Nick qui ne manqueront pas de le glacer par une certaine inhumanité, le fruit de ses mods. Sa vraie personnalité existe-t-elle encore ? Qui se cache vraiment derrière Nick qui se pose toujours plus de questions au fur et à mesure qu’il comprend l’ampleur de ce qui lui est dévoilé ?

« Isolation » se révèle un roman brillant, aussi bien par les idées que les développements. Greg Egan possède le niveau de ses ambitions, le soufflé ne se dégonfle jamais, car il a de la ressource et la science alimente avec brio son imaginaire.
« Isolation » représente une belle porte d’entrée dans l’univers exigeant de cet auteur majeur de la science-fiction.


Titre : Isolation (Quarantine, 1992)
Auteur : Greg Egan
Traduction de l’anglais (Australie) : Francis Lustman et Quarante-Deux
Couverture : Aurélien Police
Éditeur : Le Bélial’ (1ère édition : Denoël Lunes d’Encre, 2000)
Directeur de collection : Olivier Girard
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 312
Format (en cm) : 13,9 x 20,4
Dépôt légal : février 2024
ISBN : 9782381631158
Prix : 21,90 €


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Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
21 mars 2024


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