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Axiomatique
Greg Egan
Le Livre de Poche, n°31549, traduit de l’anglais (Australie), hard-science métaphysique, 506 pages, octobre 2009, 7,50€

Greg Egan est l’un des grands noms de la science-fiction anglo-saxonne de ces dernières années. Dans les pages de la mirifique revue « Interzone », avec d’autres, il fut l’un des fers de lance du renouveau du genre outre-Manche.
Introduite dans le paysage français grâce à Francis Valéry et la revue « CyberDreams », sa science-fiction tendance métaphysico-hard SF a plu ou heurté, sans jamais laisser indifférent.
Ce recueil pose un auteur, avec ses qualités, mais aussi, hélas, ses défauts...



Un recueil de Greg Egan, ça se déguste peu à peu, et ne croyez pas pouvoir, en quelques heures, venir à bout des 18 textes proposés dans ce recueil, le premier de la publication de l’intégrale raisonnée de ses nouvelles. La science-fiction qu’il propose est une science-fiction lourde, tant au point de vue Hard SF qu’au point de vue philosophique.

Je reprends : la science-Fiction, dans son cœur de fonctionnement, est une littérature de la mise à l’épreuve d’idées. Comme l’exprime mieux que moi Guy Lardreau dans son ouvrage « Fictions philosophiques et science-fiction », la science-fiction est la version moderne de ce que les philosophes classiques appelaient une « fiction philosophique », ou « expérience de pensée ». Ces philosophes prenaient une idée, une question philosophique, et, pour l’éprouver, en découvrir les implications, les impasses et les éclaircissements, la mettaient à l’épreuve dans un cadre fictionnel. C’est ainsi que certaines pages de traités proposent de nombreuses utopies, c’est ainsi aussi qu’a été discuté la plus célèbre expérience de pensée : le problème de Molyneux, etc.
Greg Egan prend totalement à son compte ce mode de fonctionnement science-fictif, et ce, sur des sujets très actuels : chacune de ses nouvelles pose un problème, philosophique, métaphysique même, au sujet de telle ou telle avancée technique possible.

Que se passerait-il si, par exemple, on pouvait copier votre cerveau sur un support informatique ? Ou plus précisément : qu’est-ce que cela impliquerait sur le statut de cette copie ? Peut-on la considérer comme un être humain, ou n’est-ce qu’un simple artefact ? Et avec quels droits ? (“L’Enlèvement”, “En Apprenant à être moi”...)
Ou, pour sauver son mari, et en attendant que son enveloppe corporelle clonée soit à maturité, si un femme portait le cerveau de son compagnon dans son ventre, comme un enfant à venir, quel rapport humain s’installerait au sein du couple ? (“Un Amour approprié”, publié antérieurement sous le titre “Baby Brain”)
Ou encore, la génétique étant ce qu’elle est, quel fondement éthique peut-il y avoir à créer des êtres humains quasiment semblables à nous, mais modifiés de telle manière qu’ils seraient résistants aux virus et autres soucis ? Est-ce une avancée progressiste ou réactionnaire ? Sans parler de notre possibilité de créer des virus génétiquement modifiés... (“Eugène”, “La Morale et le virologue”...)
Ou bien... ou bien...

L’une des très grandes forces de Greg Egan, c’est de poser toutes ces questions, sans jamais y apporter de réponses absolues et grandiloquentes. Dans certaines nouvelles, son approche sera d’un matérialisme pur et dur, dans d’autres, elle se teintera de spiritualisme, et au final, le lecteur sort de chaque nouvelle non pas avec une idée et une certitude, mais avec du grain à moudre pour sa propre réflexion.

Cependant (car il y a un cependant...), ce recueil a le défaut de ses qualités. Afin d’écrire ces nouvelles, Greg Egan, on le sent, on le sait, est très proche du monde scientifique, et, comme Isaac Asimov à son époque, son écriture est trop souvent lourde et malhabile.
L’une des meilleures choses qui soient arrivées à Greg Egan en France, c’est d’avoir eu comme traducteur Francis Valéry, qui ne se gênait pas (et il avait bien raison !) pour reprendre des bouts de textes, et les rendre plus lisibles.
C’est cette démarche de traduction qui a fait connaître l’auteur australien en France. D’abord avec une nouvelle dans « Century XXI » (un volume essentiel, si vous ne l’avez pas lu), puis dans les pages de « CyberDreams » ou dans les publications associées (un volume également intitulé « Axiomatique », ou la nouvelle “Baby Brain”), et je dois dire que, même si le travail de Francis Lustmann est intéressant, j’ai traîné un peu plus à la lecture des nouvelles qu’il avait traduites qu’à celles venant du « fonds » Valéry, même revues et harmonisées par Quarante-Deux.

Il me reste à vous conseiller, tout de même, de vous plonger dans ce recueil, avec toute la circonspection mais aussi toute la curiosité intellectuelle nécessaire. J’ai le défaut de lui préférer les volumes, même partiels, publié à l’époque « CyberDreams », mais le travail de Greg Egan dans ses nouvelles est trop fascinant pour faire la fine bouche...


Titre : Axiomatique (Axiomatic, 1995) (nouvelles)
Auteur : Greg Egan
Traduction de l’anglais (Australie) : Sylvie Denis, Francis Lustman, Francis Valéry, harmonisée par Quarante-Deux
Couverture : Manchu
Éditeur : Le Livre de Poche
Collection : Science-Fiction
Site Internet : page recueil (site éditeur)
Numéro : 31549
Pages : 506
Format (en cm) : 11 x 18 x 2,5
Dépôt légal : octobre 2009
ISBN : 2253087831
Prix : 7,50 €



À lire également sur la Yozone :
- Chronique du grand format publié au Bélial’, par Philippe Heurtel.
- Chronique d’Henri Bademoude au sein des Délices & Daubes.


Jérôme Charlet
14 octobre 2010


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La couverture du poche



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« Axiomatique » chez DLM



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« Century XXI »



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« Baby Brain »



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