Genre : Horreur (Mort-vivants)
Durée : 1h35
Avec Michelle Morgan (Debra), Shawn Roberts (Tony Ravelo), Nick Alachiotis (Fred), Matt Birman (un zombie ), George Buza (un homme à moto), Joshua Close (Jason ), Christopher Cordell (zombie), Wes Craven, Stephen King, Quentin Tarantino, Guillermo Del Toro (journalistes audio), Laura DeCarteret (Bree), Alexandria DeFabiis (un zombie), Joe Dinicol (Eliot), Ciupak Lalonde (Tracy Amy), Tatiana Maslany (Mary), Megan Park (Francine Shane ), Todd Schroeder (Brody), etc.
Ne pas livrer qu’un simple film de morts vivants, sanglant, effrayant, mais offrir ce supplément d’âme et d’idées qui fait toute la différence. Tel est le propos de ce « Diary of The Dead : Chronique des Morts Vivants », cinquième opus du maître George Romero consacré à son dada horrifique.
Loin, très loin de la revisitation basique du genre fournie par de nombreuses séries Z (pour agréables et réussies qu’elles puissent être), « Diary of the Dead » est un film contemporain qui nous parle des grands problèmes de notre temps. Comme souvent, comme toujours depuis « La Nuit des Morts Vivants » son premier opus sur le sujet.
Après avoir frôlé la dissolution hollywoodienne avec son « Land of the Dead », tentative d’approche plus généraliste et œuvre mineure dont seuls les arguments distrayants survivront finalement, George Romero recadre son sujet et accoste sur des rives qu’il n’aurait jamais du quitter depuis ces deux premiers opus : celles du cinéma d’horreur dopé aux idées militantes.
Détricotant l’histoire de sa saga pour la reprendre dans un monde en tout point similaire au nôtre où une étrange épidémie ferait à nouveau son apparition, les morts vivants de George Romero sont le véhicule idéal de l’horreur et du message politique transbahuté par un scénario malin : filmer le retour de l’atroce via une équipe d’apprentis cinéastes et de leur prof érudit, un brin alcolo et misanthrope.
Deux caméras numériques à l’épaule, quelques ordis portables pour le montage, des connexions sans fil pour la diffusion et roulez jeunesse !Un attirail somme toute basique mais qui, utilisé par des presques professionnels de la chose, permettra d’installer l’argument scénaristique “du film dans le film” tout en laissant le réalisateur maître de ses artifices.
Ainsi, les cadrages, la lumière et le montage n’ont d’amateur que ce qui découle directement du ressort artistique logique. Une dérive assumée et volontaire dans des scènes où le suspense doit s’installer. Pour le reste, bien que tourné en seulement 23 jours, le résultat technique est très globalement supérieur à un reportage de Michael Moore.
De fait, cette référence n’est pas balancée au petit bonheur la chance. À l’image du documentariste pamphlétaire US le plus connu au monde, Romero s’empare encore une fois de son sujet fétiche afin de tisser une toile thématique globale, dézinguant avec grand plaisir les travers de notre civilisation.
Le principe de la mise en abîme du sujet et des événements - les étudiants filment un doc sur le retour des morts vivants qui s’appelera “The Death of the Dead” (“La Mort de la Mort”) et nous sommes conviés à la projection de l’ouvrage - ne se heurte pas aux écueils visuels volontairement assumés et recherchés par d’autres projets, étalons grand-public de la mode du faux documentaire et vrai film (cf. « The Blair Witch Project », « Cloverfield », « Rec »).
Si « Diary of the Dead » observe très prosaïquement la plus grande catastrophe rencontrée par l’humanité, Romero n’en livre pas moins un film abouti, parfaitement réalisé et scénarisé également sur le principe du road movie.
Film d’errance, derrière les apparences et le frisson classique de l’aventure, une multitude de sujets passionnnants sont abordés frontalement : l’omniprésence des médias visuels et du tuyau internet étant le sujet central de l’ensemble.
D’autres thématiques s’infiltrent dans l’ouvrage aussi. Les dérives racistes que connaissent nos sociétés en crise et la tentation du bouc émissaire (« ce serait de la faute aux immigrés », la belle nouvelle étant annoncé sur les ondes par George Romero himself en officier de police). Une vision comico-tragique des clichés socioculturels quand des caïds de quartiers reconstituent une société viable et aident nos petits jeunes alors que des éléments de la Garde Nationale vont les braquer ensuite sans vergogne. Une descente en flamme des politiques et des « grands » journalistes (les décideurs de la nation n’apparaissent que sous la forme de vignettes télévisuelles ou en voix off, c’est dire l’intérêt des sornettes qu’ils débitent).
Le fait qu’une bonne partie de ces voix distantes soient la propriété de quelques célébrités et amis des univers de la terreur (Wes Craven, Stephen King, Quentin Tarantino, Guillermo Del Toro !) accentuent le second degré et n’est pas non plus un simple hasard.
Car ce qu’il y a de bien avec les zombies de Romero c’est qu’ils ne pratiquent pas une politique de classe dans le choix de leurs victimes : pauvres, riches, sympas, antipathiques, blancs, jaunes, noirs, etc, tout le monde peut y passer... et y passe. En live, en différé, par hasard, là où l’on ne s’y attend pas, le zombie incarne une grande faucheuse redevenue visible. Il égalise les destinés sans tenir aucunement compte des petits arrangements distillés par cette chienne de vie.
Pensée clef délivrée dès les premières minutes du film, « si ça passe à la télé, c’est que c’est vrai ! »... et voilà, tout est dit ou presque. C’est finalement un vieux papi du cinéma de genre qui nous apporte sur un plateau un film classé « pas sérieux », conceptualisé et écrit le plus sérieusement du monde (cf. sa petite présentation filmée avec les moyens du bord sur le vif).
Sans temps morts, parfaitement interprété par de jeunes acteurs qui donnent vraiment l’impression d’y croire et de s’amuser à y croire, « Diary of the Dead » est sans doute le meilleur Romero (le plus mature ?) sur le sujet. En tout cas, celui qui mixe le plus habilement les préoccupations (les inquiétudes ?) du réalisateur avec son pouvoir contestataire.
La tristesse finale et la mélancolie qui émergent des dernières visions vengeresses proposées -des ploucs dégomment, pendent ou mutilent des zombies à qui mieux mieux- n’en sont que plus fortes.
Après « REC », bombe ibérique pleine de bruit et d’horreur, « Diary of the Dead » débarque au poil pour conforter l’amateur d’imaginaire dans ses choix profonds. L’hémoglobine utilisée à bon escient peut être le parfait carburant de nos neurones cinéphiliques.
FICHE TECHNIQUE
Titre original : Diary of the Dead
Réalisation : George A. Romero
Scénario : George A. Romero
Saga des Morts Vivants : La Nuit des Morts Vivants (1), Zombie (2), Le Jour des Morts Vivants (3), Le Territoire des Morts (4), Diary of the Dead (5).
Producteurs : Sam Englebardt , Peter Grunwald
Photographie Adam Swica
Musique : Norman Orenstein
Son : Zenon Waschuk
Décors : Rupert Lazarus
Costumes : Alex Cavanagh
Montage : Michael Doherty
Production : Artfire Films (USA), Romero-Grunwald Productions (USA)
Distribution : Bac Films (France)
Presse : Laurence Granec, Karine Ménard
INTERNET
Le site officiel : http://www.bacfilms.com/site/diary/ (en Français)