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Trilogie des Joyaux (La), tome 1 : Le Trône de Diamant
David Eddings
Pocket, Fantasy, roman (USA), fantasy, 570 pages, avril 2022, 10,30€

Emouchet revient en Elénie après dix années d’exil, pour découvrir que la jeune reine dont il est le Champion est atteinte d’un mal inconnu. Son Ordre, les Chevaliers pandions, pratiquant la magie, l’ont placée en stase dans une sphère de diamant, à l’abri de ses ennemis, le temps de trouver un remède.
Emouchet suspecte fortement le primat Annias, plus haute autorité religieuse du royaume, qui voudrait placer sur le trône un bâtard du défunt roi, plus malléable. D’ailleurs, il multiplie les complots contre les pandions, pour faire dissoudre l’Ordre qui se dresse en travers de son chemin.



Grands classiques des années 80-90, les romans de David Eddings ont les honneurs d’un retirage chez Pocket. Si les cycles de « La Belgariade » et « la Mallorée » ont bénéficié d’une illustration de couverture très fantasy, la « trilogie des joyaux » ressort sous un visuel plus épuré mais très évocateur signé Nicolas Galkowski.
Et si les aventures de Belgarath le sorcier me tombaient des mains, celles d’Émouchet ont été beaucoup plus dans mon genre, contrairement à ce qu’écrivait notre ancien collègue Henri Bademoude il y a 15 ans ici même, comme quoi il en faut pour tous les goûts.

Dans ce premier tome, Émouchet rentre d’un long exil à jouer aux espions dans un royaume du sud à la population remuante mais aux élites un peu basses du front. Il replonge directement au cœur des intrigues de cour, même si elles sont cousues de fil blanc : le primat Annias veut profiter de la maladie de la reine pour l’écarter, placer son pantin sur le trône, et pourquoi pas briguer en plus le trône épiscopal des Élènes, quand le pape actuel montera aux cieux. Dans ses sombres manigances, il a fait appel à Martel, un pandion renégat, ami d’enfance d’Émouchet. À la défense de l’ordre et du bien vient s’ajouter un conflit personnel, puisque les anciens amis attendent d’en découdre depuis la déchéance de Martel. Tous deux sont des esprits retors et d’assez bons pratiquants des secrets, la magie des pandions.

Après une moitié consacrée à mettre des bâtons dans les roues d’Annias et faire capoter ses plans, en faisant au passage le compte des partisans encore fidèles à la reine, les ordres combattants se réunissent et partent au-delà de la sphère d’influence du primat pour trouver un remède. Hélas, la guerre gronde dans les royaumes voisins, attisée par les Anciens et les Petits Dieux, et Martel et ses troupes semblent avoir un coup d’avance. Surtout, un mystérieux étranger les accompagne, et maîtrise la magie styrique. Émouchet et ses compagnons doivent voyager discrètement en territoires hostiles.
Le début est assez vivant, avec des intrigues politiques, des rendez-vous secrets espionnés, des embuscades, il mélangeait politique et décors urbains typiques (petites rues, caches de voleurs, bordels...) et surtout des échanges à fleurets pas toujours mouchetés, des allusions à peine voilées, des piques tout sourires : Émouchet est un noble chevalier, et son statut de Champion lui permet de marcher sur les pieds de beaucoup de gens. Il a du culot, la langue bien pendue et acérée, comme tout son entourage : son écuyer Kulik, très pragmatique, son compagnon Kalten toujours très à boire un coup ou trancher quelqu’un en deux... Seule Séphrénia, leur maîtresse de magie styrique, à l’âge inconnu mais qui semble les avoir tous connu enfant, ramène un peu de sagesse dans tout cela en jouant le rôle de mère supérieure.
La seconde partie, la quête du remède, eh bien est une quête, un voyage, un genre dans lequel l’auteur excelle : paysage, peuples, coutumes, la balade est agréable et moins touristique que dans « la Belgariade », car l’intrigue avance sensiblement, nos héros comprenant que leur véritable ennemi manipule sans doute Annias et Martel, en paraissant à leur service. Le passage en Rendor permet d’éclairer les dix années d’exil d’Émouchet.
Enfin, tout cela est largement saupoudré d’humour, pas toujours fin : les compagnons se lancent régulièrement des piques, appuyant sur les faiblesses des autres. La bande de quadras typique, à avoir fait la même école, la même carrière, fréquenté les mêmes cercles...
Bien sûr, il y a une véritable trame dramatique de fond pour contrebalancer cette légèreté de façade : la reine se meurt et le sort du trône de diamant coûte la vie d’un chevalier chaque mois, et le poids de sa mort s’abat sur Séphrénia. Le contre-la-montre est double pour les pandions, qui perdront leur mère à tous en même temps que la reine.

Il est plaisant d’avoir affaire à un héros un peu plus expérimenté que les habituels jeunes Élus, et un entourage pas entièrement pétri de son rôle primordial pour la Destinée du monde (même si ce couplet ressort dans le dernier chapitre). Il y a ce côté développé par Alexandre Astier dans « Kaamelott » : les héros ne sont pas des héros tout le temps. Voire parfois, les actes héroïques contés dans les légendes n’ont pas été totalement héroïques (comme se faire passer pour un aveugle et payer une prostituée pour espionner depuis une chambre), et on peut empêcher des guerres en montant (ou en démontant) des coups foireux, pas seulement au fil de l’épée. L’équilibrage entre actes de chevalerie et vie quotidienne est bon, et rend la lecture plaisante d’un bout à l’autre de ce premier tome.

Les deux enfants, Talen et Flûte, sont l’occasion de beaucoup d’échanges entre les personnages. Le premier, petit voleur de rues à la main leste et l’oreille aiguisée, s’avère le fils de Kulik. Un moment d’égarement de l’écuyer, par ailleurs marié et père de grands enfants, dont la femme est appréciée de tous, voire lui est enviée. Mais pas un ne mettra en péril leur bonheur en vendant la mèche. Flûte, gamine styrique recueillie par Séphrénia, ne parle pas, mais on le découvre peu à peu, déteint une magie peut-être plus puissante que sa tutrice. Si les pandions la négligent en raison de son apparent jeune âge et son mutisme, elle leur montre régulièrement qu’elle est plus intelligente qu’il y a paraît. Face au fardeau qui s’abat chaque mois sur Séphrénia, il devient évident pour Émouchet que la gamine lui succédera comme maîtresse des secrets.

Les deux prochains volumes sont un peu plus épais, j’espère que la quête d’un joyau perdu qui s’annonce n’oblitérera pas tous les autres aspects de cette histoire ! A suivre sous peu...


Titre : Le trône de diamant (the diamant throne, 1989)
Série : La trilogie des joyaux, 1/3
Auteur : David (et Leigh) Eddings
Traduction de l’anglais (USA) : E.C.L. Meistermann
Couverture : Nicolas Galkowski
Éditeur : Pocket
Collection : SF/Fantasy
Site Internet : page roman (site éditeur)
Numéro : 5555
Pages : 570
Format (en cm) : 18 x 11 x 2,5
Dépôt légal : avril 2022
ISBN : 9782266170642
Prix : 10,30 €


Quasi pas de coquilles, mais page 159 une confusion entre Kalten et Kurik demeure.

La trilogie des Joyaux :
Le trône de diamant
Le chevalier de rubis
La rose de saphir


Nicolas Soffray
1er juillet 2023


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