Corto Maltese, le chemin de l’aventure
Une silhouette si identifiable, un regard charismatique, un visage inoubliable, il marque de son charme désinvolte et de sa sensualité évidente la mémoire féminine. Personnage cultivé et intelligent, inattendu, ivre de liberté, il s’oppose naturellement aux idées étroites. Il est fidèle à ses amis même s’ils sont de sinistres fripouilles comme Raspoutine qu’il sait toujours faire dérailler !
Martin Quénehen est journaliste et scénariste. Depuis qu’il travaille avec Bastien Vivès (« Quatorze Juillet »), il rêve de l’entrainer sur le chemin aventureux de Corto Maltese. Car il y a une certaine parenté entre le style virtuose et élégant de Vivès et celui de Pratt. L’idée était là, pour passer symboliquement le relais entre deux générations de créateurs. Martin Quénehen pouvait jubiler et Bastien Vivès céder, sans doute avec énormément de pression par l’envie de bien faire, sans se renier tout en étant digne de deux légendes de la bande dessinée. “Océan noir” accoste au Japon, territoire inédit pour Corto, dans une temporalité récente mais marquante qui jouxte les attentats du 11 septembre 2001. À Tokyo, il découvre un ouvrage intrigant, « Le commentaire Royal des Incas » et y trouve trace d’un fabuleux trésor et d’une société secrète japonaise ultra-nationaliste qui rêve de restauration impériale.
Son nom est Océan noir, ses traces extrémistes vont vers le Pérou où Corto continuera de chercher, découvrant, tout en frôlant la mort, les rituels des guérisseurs Kallawayas. Il croisera des femmes, belles et indépendantes comme Fréya, reporter de guerre qui rêve de retrouver l’amour de celui qui la surnomme « La déesse du soleil » alors qu’il se sent « Dieu du vent ». Retrouve aussi Raspoutine, beaucoup de salopards, fascistes, pirates (mais pas comme lui !), espions, politiciens et observe les dérives du monde, cette humanité qui se perd et l’Histoire qui, indéniablement, est en train de rebattre toutes les cartes.
Sublime dessin de Bastien Vivès
Le scénario de Quénehen est d’une grande finesse, empli de cette culture et de l’humour qui ont fait cette série, et se traverse dans une grande volonté de toucher à la modernité sans en imposer trop de codes imbéciles à Corto.
Vivès lui a revu sa façon de dessiner, densifiant ses cases, ses décors, souvent sans une bulle, un son, une onomatopée. C’est vivant, clair, limpide, riche, tellement nuancé dans ces gris qui abordent ses noirs profonds, tellement lumineux dans ses blancs qui éclaboussent les ambiances. La ligne narrative est puissante, les temps forts sont nombreux, le dessin sensuel force l’émotion et gère des silences qui discourent admirablement bien.
Ce Corto Maltese fait un bien fou, c’était un pari risqué mais qui est magnifiquement réussi. Il ressemble tant à l’esprit de celui qui, inlassablement cherche des trésors qu’il ne trouve pas. Il s’en fout, on le sait, c’est pour cela qu’on l’aime, le regard fixé sur l’océan et l’anneau de l’aventure accroché à l’oreille.
Corto Maltese - Océan noir
Scénario : Martin Quénehen, d’après l’œuvre d’Hugo Pratt
Dessin : Bastien Vivès
Éditeur : Casterman
Pagination : 168 pages noir et blanc
Format : 19.3 x 27.9 cm
Date de parution : 1er septembre 2021
Numéro ISBN : 9782203224735
Prix public : 22 €
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Illustrations © Bastien Vivès et Éditions Casterman (2021)