Ce serait une erreur de ramener « Thanatea » à la seule Esther, car ce roman, c’est l’histoire de ces trois femmes. Layla élève seule sa petite fille Nour qui a vu son père battre sa mère. Maintenant qu’il est libéré, ce dernier veut la garde exclusive, au grand dam de Layla. La passion du rugby a réuni Hélène et Gauthier, mais ce dernier la trompe à présent et la quitte pour une autre. En même temps, elle apprend la récidive de son cancer. Leur monde à tous trois s’écroule, mais il s’agit de trois battantes qui ne baissent jamais les bras et font front dans un entourage souvent macho qui ne leur facilite pas la vie. Même si Esther les a semble-t-il abandonnées pour fuir, Layla et Hélène ne l’oublient pas et, quand elles apprennent sa disparition, elles mènent de front leur quotidien de policières, leurs ennuis personnels et la recherche de leur amie. Pour autant connaissent-elles vraiment leur amie ? En effet, en creusant son passé, elles découvrent des pans qui leur sont totalement méconnus et qui dressent le portrait d’une Esther différente dont il faut démêler le vrai du faux, la réalité de l’affabulation.
C’est là où Sonja Delzongle peut lâcher la bride à son imagination et jouer avec ses personnages et ses lecteurs. Ces derniers suivent les débuts d’Esther à Thanatea, la froideur et la beauté des lieux qui dégagent un parfum inquiétant. L’emploi semble trop beau pour être vrai, tombé du ciel pour Esther au moment où elle avait besoin d’une bouffée d’oxygène. Son passé s’invite par bribes dans sa nouvelle vie, les circonstances et son choix la coupent de son entourage et la fragilisent. Est-ce la fin, la porte de sortie recherchée en vain ?
Entre corps de femmes qui disparaissent de la morgue, investigations dans les pas d’Esther qui les inquiètent plus qu’elles ne les rassurent, suicide apparent de l’avocate de Layla, flic inquiétant traînant dans leur sillage... Layla et Esther montrent une abnégation exemplaire pour leur amie, une force de caractère qui suscite l’admiration. Qui est vraiment Esther ? Qu’a-t-elle fait avant de partir ? Chacun imagine le pire, une Esther bien différente de ce que le début laissait penser. L’auteure se plaît à semer le doute, à travestir la réalité à travers des perceptions faussées. C’est très bien fait et ne permet pas de relâcher son attention.
« Thanatea » se révèle un page turner des plus efficaces avec une histoire intrigante tout du long. Porté par trois femmes, amies pour la vie, amies pour la mort, ce qui n’est pas une vaine formule, ce thriller est d’une redoutable efficacité, car rien n’est à prendre au pied de la lettre. La psychologie y joue un rôle actif, permet d’évoluer sur des territoires mouvants qui autorisent bien des déviations sans que le lecteur n’y trouve à redire si ce n’est à se perdre dans des fausses pistes. C’est habile, particulièrement bien mené et il est visible que l’auteure y a pris plaisir, notamment à travers quelques clins d’œil, comme la référence à Abby de la série « NCIS ».
Par ses développements, son inspiration, « Thanatea » n’est pas sans évoquer « Cataractes », un registre dans lequel Sonja Delzongle excelle et qui livre ses œuvres les plus fortes à mon sens. Ces trois femmes disposent de toutes les qualités pour séduire le lectorat et l’amener très loin dans les sensations fortes.
Titre : Thanatea
Auteur : Sonja Delzongle
Couverture : © www.freepik.com........... created-with-generative-ai_43744421
Éditeur : Pocket (1ère édition : Fleuve Noir, 2023)
Collection : Thriller
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 464
Format (en cm) : 10,7 x 17,7
Dépôt légal : janvier 2024
ISBN : 9782266337793
Prix : 9,20 €
Également sur la Yozone :
« Cataractes »
« Quand la neige danse »
« Récidive »
« Boréal »
« Le hameau des Purs »
un entretien avec Sonja Delzongle
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