Sonja Delzongle livre un thriller qui n’arrête pas de surprendre le lecteur. Plus d’une fois, il imagine le salut venir d’untel, avant que celui-ci ne faillisse. À l’image des protagonistes se débattant dans le grand froid sévissant lors des nuits perpétuelles, il avance dans l’inconnu, celui de la suite des événements.
« Boréal » se situe dans la droite lignée des trois romans mettant en scène Hannah Baxter, l’auteure multiplie les fausses pistes, laissant chacun s’y engager avant de devoir faire machine arrière. Elle excelle dans le genre, n’hésitant pas à décrire certaines personnes sans que finalement cela importe beaucoup. Tout est fait pour ménager le suspense et donner envie de tourner les pages.
Alors que l’on pense au début se diriger vers un huis-clos, les grands espaces s’ouvrent à l’histoire ; le vent, la glace fouettent ceux qui se risquent sur l’inlandsis et abritent le danger. Sonja Delzongle n’est pas tendre avec ses personnages. D’ailleurs aucun n’est vraiment intact, ils abritent tous leurs fêlures, vivent avec un passé vrillé au fond d’eux et qui se rappelle souvent à leur mémoire de façon douloureuse. Une mission au Groenland constitue déjà une épreuve en soi, chaque fragilité l’amplifie et la rend encore plus difficile à surmonter.
Pas d’enquête au programme si l’on excepte ce qui a pu arriver aux bœufs musqués et qui est lié à l’intrigue principale, mais un combat permanent contre les éléments, la nature, les animaux sauvages et... les hommes, finalement le plus grand danger. L’atmosphère provoque des frissons, aussi bien à cause du froid que de ce qui se cache sur la calotte glaciaire. Même si des passages semblent gratuits, car écrits pour augmenter la tension, « Boréal » se révèle passionnant. Il faut dire que Sonja Delzongle n’est pas avare de ses efforts, le Groenland n’étant pas le seul terrain d’action.
À nouveau, le personnage principal est une femme, Luv Svendsen, et elle prend soin de développer son cercle intime avec des zones d’ombre comme son mari, ce qui pourrait suggérer une exploitation future. Sa précédente héroïne Hannah avait des rapports compliqués avec son père, il en est de même avec Luv pour qui le contact humain est difficile. Même après plus de 400 pages, elle conserve une part de mystère, ainsi que son entourage.
Plusieurs problématiques se dégagent du roman : le secret, la vengeance, la vie en société, le réchauffement climatique avec un constat alarmant mais ô combien juste... sans oublier les enfants. Rien n’est simple dans ce dernier cas : consanguinité, le compagnon de Luv est stérile, la fille décédée de Luv devait porter un enfant dans un couple lesbien... Sonja Delzongle risque d’en choquer certains, ce qui n’est pas forcément le but, elle cherche plutôt à montrer que les mentalités changent, que le monde évolue et qu’il faut s’adapter, ne pas rester dans un ancien modèle restrictif et discriminant.
Riche en péripéties, « Boréal » tient facilement les lecteurs en haleine jusqu’à la fin. En maîtresse du suspense, Sonja Delzongle les fait passer par toutes les émotions, n’hésitant pas à surenchérir dans l’horreur pour mieux faire réagir et pousser ses personnages du côté sombre. Le frisson ne naît pas seulement des condition extrêmes sévissant sur l’inlandsis, mais d’une suite d’événements inéluctables, impitoyables, obéissant à une logique effrayante.
Luv Svendsen est-elle appelée à revenir ? Pour le savoir, il ne faut pas manquer de suivre Sonja Delzongle qui s’impose comme un grand nom du thriller français.
Titre : Boréal
Auteur : Sonja Delzongle
Couverture : Constance Clavel, Image : © David & Myrtille / Arcangel
Éditeur : Denoël
Collection : Sueurs Froides
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 448
Format (en cm) : 15,5 x 22,5
Dépôt légal : février 2018
ISBN : 9782207139141
Prix : 20,50 €
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« Quand la neige danse »
« Récidive »
et
un entretien avec Sonja Delzongle
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