Chargement...
YOZONE
Le cyberespace de l'imaginaire




Maison des Soleils (La)
Alastair Reynolds
Le Bélial’, roman traduit de l’anglais, science-fiction, 506 pages, avril 2024, 24,90€

Campion et Purslane sont à la bourre pour rejoindre à temps la millième nuit, soit la réunion des clones de la lignée Gentiane qui a lieu tous les 200 000 ans. La faute au vaisseau vieillissant de Campion et à ses tentatives infructueuses de transactions, ainsi qu’à un hôte envahissant qu’il doit conduire à un lieu de connaissances jalousement gardé. Lors d’une mauvaise rencontre, Purslane le tire des griffes d’un pirate de l’espace. À cette occasion, ils libèrent Hespéros, un membre du Peuple Machine. Ils vont se lier d’amitié et ensemble vivre de grandes choses.
Le manque de ponctualité de Campion va aussi leur éviter une attaque foudroyante sur le lieu de rendez-vous de la lignée Gentiane qui se retrouve décimée.



Ceux qui ont lu « La millième nuit » évolueront en territoire connu et ne seront pas déboussolés par l’ampleur du récit, aussi bien dans l’espace que le temps. Purslane et Campion figurent aussi au centre de ce roman. Faisant fi des règles, les deux passent le plus grand de leur temps ensemble, s’aiment tout simplement, alors qu’ils sont issus de la mème souche, Abigail Gentian dont on suit au début de chaque partie les instant clés de sa vie. Pour eux, le temps est une donnée abstraite. En effet, la lignée Gentiane est âgée de 6 millions d’années, ses membres se réunissent tous les 200 000 ans pour relater le fil de leurs pérégrinations dans l’intervalle. Pas de voyages supraluminiques, la stase leur permet de ralentir leur perception du temps et ainsi passer les milliers d’années sans encombre. Les clones de la lignée défient les siècles, mais ne sont pas immortels pour autant comme « La Maison des Soleils » le montre. Ce roman est largement un cran au-dessus de la novella, l’auteur lâche clairement les chevaux. L’échelle de temps, les réalisations grandioses, les plans cosmiques, les formes différentes de vie... autant de facteurs alimentant ces cinq cents pages de science-fiction à classer dans le space opera avec batailles spatiales, poursuites, découvertes d’espaces nouveaux, menaces d’extinction de l’espèce humaine ... mais aussi dans la hard SF. La richesse des idées déployées ici ne peut qu’impressionner, aucun répit n’est laissé aux lecteurs qui en prennent pleins les neurones. Très rapidement, l’ampleur et l’ambition de « La Maison des Soleils » sont appréhendées. Comment ce roman de 2008 a-t-il pu rester inédit jusqu’à maintenant ? Voilà une anomalie heureusement réparée pour profiter d’une SF au souffle puissant. Le Sense of Wonder prend ici tout son sens. Comment ne pas s’émerveiller des différentes étapes du récit qui prend bien des formes ? L’amour entre Purslane et Campion les motive à se dépasser pour surmonter tous les obstacles, à survivre pour encore croire en un avenir ensemble. Les autres Gentians condamnent cette liaison, mais l’attaque qu’ils subissent avec toutes les implications allant avec les font changer d’attitude à leurs égards. Les épreuves et la lignée réduite comme peau de chagrin poussent les tourtereaux à ne plus se cacher. Rien ne sera plus comme avant. Il s’agit de deux personnages inoubliables qui, malgré leur apparente immortalité, leur toute-puissance, révèlent des sentiments très humains, ne les rendant que plus attachants. Il faut un petit moment pour comprendre que, d’un chapitre à l’autre, l’auteur alterne les narrateurs, le lecteur se retrouvant dans la peau de l’un puis de l’autre, chacun se souvenant être Abigail Gentian, ce qui lui permet d’appréhender leur condition de clone, même si leur aspect diffère. Hespéros les accompagne, interpelle plus d’une fois sur ses motivations, il apparait pour un robot comme des plus humains, réservant plus d’une surprise au long du roman.
Tout immortels, expérimentés qu’ils sont avec les millénaires franchis, les Gentians ne sont pas moins soumis aux mêmes affres que tout un chacun après l’attaque et le massacre de leur lignée. Même s’ils se connaissent, la seule explication revient à reconnaître qu’au moins l’un d’eux les a trahis. En découlent le doute, la suspicion, la méfiance, car il faut sauver ce qui peut encore l’être. Le facteur humain n’est ici jamais négligé au profit de l’action.

Par son ambition et son ampleur, « La maison des soleils » s’inscrit indiscutablement dans les œuvres phares de la SF. Alastair Reynolds pousse le curseur du Sense of Wonder très loin. Si la lignée Gentiane est connue comme la Maison des Fleurs, qu’est-ce que la Maison des Soleils, inconnue jusqu’alors ? Pour le savoir, il faudra se plonger dans cet épais roman et vous ne le regretterez pas. Vous en redemanderez même.
Il est à noter que si « La millième nuit » se situe avant « La Maison des Soleils », la nouvelle “Les Nuits de Belladone” au sommaire du « Bifrost 114 » se place après.


Titre : La Maison des Soleils (House of Suns, 2008)
Auteur : Alastair Reynolds
Couverture : Amir Zand
Traduction de l’anglais : Pierre-Paul Durastanti
Éditeur : Le Bélial’
Directeur de collection : Olivier Girard
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 506
Format (en cm) : 13,9 x 20,4
Dépôt légal : avril 2024
ISBN : 9782381631295
Prix : 24,90 €


Du même auteur :
- « De l’espace et du temps »
- « Bifrost n°110 » spécial Alastair Reynolds
- « Éversion »
- « La millième nuit »
- « Mémoire de métal »
- « Vengeresse »
- « Le gouffre de l’absolution »
- « La cité du gouffre »

Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
25 avril 2024


JPEG - 29.5 ko



Chargement...
WebAnalytics