Troisième et (hélas) dernier volume de « Tarot », avec comme on le pressentait après « le Pendu », un combat contre le temps. Rune, adoubé parmi les Arcanes, dans le secret de l’Arcane Majeur, va encore une fois devoir jongler entre ses obligations de plus en plus grandissantes et sauver le monde.
Réinvestissant le domaine du Soleil, il peut y loger toute sa famille. La fortune suite au raid contre le Pendu les a sortis de la misère, et ils laissent derrière eux le Réduit, leur minuscule maison. Mais le gain de place va de pair avec le gain de soucis, et entre son Acolyte, son amant-consort, les post-ados Matthias et Quinn, et les enfants (un nécromancien, une principauté et le petit troisième qui se lie d’amitié avec le dinosaure du parc), Rune est au bord de l’implosion, car il veut protéger tout le monde. Même si c’est Brand qui veille sur lui. Mais on découvrira que la réciproque est vraie, en plongeant dans le passé et cette nuit tragique. Au-delà des aventures hautes en effets spéciaux qui rythment tambour battant cette saga, ce sont les liens très forts entre les garçons qui entourent Rune qui la rendent si vivante et émouvante. Tous sont tellement bien intentionnés, maladroits, que leurs échanges sont souvent savoureux, plein d’ironie et de mordant, mais toujours remplis de tendresse et d’inquiétude pour les autres. Rune fera sa demande à Addam de la moins romantique des façons, pétri de stress, et c’est heureux que son consort soit un peu plus posé.
Mais trêve de sentiments, pour mieux les mettre en lumière, il faut que ça tremble. Le Pendu était un redoutable et cruel adversaire, ici « dame Jade » comme ils surnomment la mystérieuse patiente de la clinique, joue à un autre niveau. Enfuie dans le Dédale, le sous-sol de l’île de Nantucket où s’entassent les transferts un peu ratés de bâtiments, elle contraint les Arcanes à avancer en terrain inconnu. Le Fou, qui recueille dans sa cour les laissés-pour-compte de ce territoire, est aux abonnés absents. Et dans les souterrains, notre trio Rune-Brand-Addam, épaulé de Dame Mort et La Tour, va faire de terribles découvertes, leur confirmant que dame Jade n’est pas juste une folle mais l’organisatrice d’un plan longuement mûri contre Rune et la Nouvelle-Atlantide. Si le sadisme du Pendu était glauque, les ramifications de ce plan sont très dérangeantes, et vont mettre à rude épreuve la santé mentale des protagonistes.
Comme tout dernier volume de trilogie qui se respecte (j’ai repensé à « Power Club » d’Alain Gagnol), on sort l’artillerie lourde, les armes interdites pour mettre fin à un danger universel, on se sacrifie encore plus, on y laisse des plumes. Attendez-vous à voir mourir des personnages pas si secondaires et verser une petite larme, c’est le prix de la victoire du Bien contre le Mal.
Edwards laisse la fin ouverte, et si vous lisez en anglais, vous trouverez quelques nouvelles complémentaires en attendant que peut-être Bragelonne fasse traduire « Magnus Academy », la nouvelle saga sur la génération des petits jeunes.
Qu’en retenir au sortir de ce dernier volume ? Derrière l’action bourrée d’adrénaline, on aura apprécié de suivre la renaissance d’un héritier déchu, rendu plus fort par une vie plus humble, plus sensible et attentif aux autres qui ont veillé sur lui. Brisé par son agression, même s’il n’a pas renoncé à un mélange de vengeance et de justice, Rune (se) reconstruit en prenant à son tour soin des autres, des plus faibles. Entre ses anciens devoirs et son expérience personnelle, il apparaît comme le renouveau dont la Nouvelle-Atlantide aura besoin, dont le monde aurait besoin, confirmant que l’école de la rue vous rend plus empathique que l’ENA.
C’était chouette, très en prise avec notre monde actuel et ses préoccupations, avec l’isolationnisme politique et social, mené à un rythme fort maîtrisé de série TV, alternant action et émotion, rires et larmes. Trop « classique » dans plein de domaines pour devenir un classique, largement assez époustouflant pour être le coup de cœur de l’année à mettre entre les mains des 15-30 ans. Une gourmandise de lecture comme on en voudrait tous les mois.
Titre : Le Trône de Sablier (the hourglass throne, 2022)
Série : Tarot, tome 3/3
Auteur : K.D. Edwards
Traduction de l’anglais (USA) : Alix Dewez
Couverture : Xavier Collette
Éditeur : Bragelonne
Collection : Fantasy
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 444
Format (en cm) : 21,5 x 14 x 3
Dépôt légal : octobre 2023
ISBN : 9791028117276
Prix : 19,95 €
Tarot :
1 : Le Dernier Soleil
2 : Le Pendu
3 : Le Trône de Sablier