(Relire la chronique du tome 1 : Le Pacte de la Voleuse)
Un second volume n’est pas chose facile. Ari Marmell s’en tire haut la main, et même mieux.
Son héroïne, initialement rongée par la mort de ses proches, n’en demeure pas moins fidèle à ses habitudes de voleuse, seul moyen pour elle d’entretenir sa taverne en cette époque de crise et de morosité. Elle continue à jouer plusieurs rôles, et le visage d’Adrienne Satti est toujours présent dans les réceptions mondaines. La présence de Bouniard, qui se sert de tels événements pour coincer les voleurs de la Guilde, met en péril ce double jeu. Enfin, un mystérieux épéiste lui court après, en dissimulant ses intentions, ce qui épaissit encore le mystère.
Car à la sinistrose ambiance viennent s’ajouter d’abord des agressions, puis des meurtres. Étrangement, cela semble être lié au nouvel archevêque, qui se frotte les mains du résultat engendré par cette menace nocturne : son église ne désemplit pas, la crainte ayant ramené dans le giron de la foi les brebis égarées de Davillon. Néanmoins, comme l’enquête de Widdershins et Bouniard va le démontrer, si le prélat est à l’origine d’une partie des troubles, pour le reste, c’est bel et bien un croquemitaine qui erre dans les rues, bientôt de jour et sans se cacher.
Car tout comme c’est la foi en lui de Widdershins qui maintient Olgun « en vie », c’est la croyance populaire, issue des contes pour enfants, qui a donné corps à Iruoch, une créature mortellement effrayante. Exactement la chose qui va venir nous visiter et s’emparer de nous si on ne finit pas notre assiette ou qu’on ne range pas notre chambre.
Mais voilà, quand une terreur issue des contes envahit le monde des adultes, ça ne rigole plus. Du tout.
Et c’est encore un coup de maître pour Ari Marmell. Si la première partie de son livre se concentre sur le mystère qui entoure les agressions, et que le lecteur sentira l’entourloupe quelques pages avant les personnages, la seconde moitié nous plonge en pleine dark fantasy terrifiante, car comment abattre un dieu qui bénéficie de la foi de toute une ville (au minimum) et qui effraie même Olgun, dont l’existence fragile est suspendue à la vie de sa seule adoratrice ?
Une bataille épique attend nos héros, et la victoire ne se fera pas sans pertes, histoire de noircir encire un peu le tableau des événements.
J’avais déjà été enchanté par « Le Pacte de la Voleuse », et ce « Pacte du Mensonge » vient renforcer mon impression qu’il y a chez Ari Marmell un talent évident pour la fantasy pour jeunes adultes. L’intrigue, avec ses secrets et ses fausses pistes, est suffisamment complexe pour que les lecteurs entre 12 et 30 ans y trouvent leur bonheur, le rythme est soutenu, la narration de qualité. La noirceur s’accroit progressivement, tandis que l’humour né de la désinvolture de l’héroïne s’estompe. Il y a juste ce qu’il faut de romance (avec la rivalité entre Bouniard et Renard) pour aborder la question sentimentale, et il est d’autant plus plaisant que Widdershins y soit totalement aveugle que cela en devient presque drôle.
Bref, on attend impatiemment la suite. Le temps de se plonger dans la prose adulte de Marmell, parue en partie chez Bragelonne.
Mais vite vite vite, Lumen, ramenez-nous Widdershins ! D’autant que le tome 4 « Covenant’s End », sortira en février en langue anglaise.
Titre : Le Pacte du Mensonge (False Covenant, a Widdershins Adventure, 2012)
Série : Widdershins, tome 2/4
Auteur : Ari Marmell
Traduction de l’anglais (USA) : Émilie Gourdet
Couverture : Paolo Barbieri
Éditeur : Lumen
Site Internet : (pas encore de site éditeur à cette heure)
Pages : 405
Format (en cm) : 22,5 x 14 x 3,8
Dépôt légal : 2014
ISBN : 9782371020245
Prix : 15 €
I Le pacte de la voleuse
II Le pacte du mensonge
III Le pacte brisé
IV (2016)