Si Aubier, au coeur de l’hiver, semble une bourgade endormie, Widdershins y découvre que les conflits entre maisons y sont aussi féroces qu’à Davillon. Elle échoue à prouver la culpabilité des Carnot de Lourveaux dans les étranges destructions des champs des Delacroix. Elle échoue même à retrouver la déplaisante famille, qui semble s’être volatilisée entre la cité pontificale et Aubier. Quant aux Delacroix, qu’elle n’aborde pas frontalement, elle se met très vite à douter de la parenté entre Alexandre et ses tordus, de la matriarche froide comme la glace aux multiples enfants guère recommandables, à l’exception du plus jeune, Cyrille, qui est rapidement tombé sous son charme (sans qu’elle le remarque) et le seul à l’écouter. Son enquête va l’orienter vers les Mille Corbeaux, un groupe de brigands qu’on ne qualifierait pas de guilde de voleurs, mais qui s’avère néanmoins redoutable.
Mais Widdershins n’est pas au mieux de sa forme. Fragilisée psychologiquement par les morts autour d’elle, elle semble déterminée à vivre en solitaire. Sa fusion avec Olgun décuple ses humeurs, accroît la force de ses colères, et comme elle s’emporte de plus en plus facilement, les conséquences frôlent parfois le tragique. Elle arrive également dans une ville dont elle ne connaît rien, et son impatience, mêlée au sentiment de grande puissance que lui confèrent les coups de pouce divins d’Olgun, ne l’encourage pas à faire preuve de finesse. Ainsi aborde-t-elle frontalement tous les patrons d’auberge pour demander à rencontrer les malfrats, quitte à s’attirer des regards noirs ou à se faire jeter dehors. Son isolement social, ses monologues intérieurs (ou ses dialogues avec Olgun) la déconnectent fréquemment de la réalité et obscurcissent parfois son jugement. Et elle finit toujours par s’en mordre les doigts.
L’intrigue est encore une fois complexe, d’autant qu’ainsi que dit plus haut, Widdershins, sûre de son hypothèse, ne trouve aucune preuve. Lorsque tout va s’éclairer, obligeant les masques à tomber, la paix à Aubier sera fortement secouée. D’autant que les acteurs sont nombreux et chacun cache son jeu à ses alliés. La voleuse va se révéler un sacré pavé dans la mare, et on compte bien lui faire payer les remous qu’elle provoque.
Pendant ce temps, à Davillon, quelqu’un était parti et rentre au bercail, déterminé à se venger en prenant la tête des Dénicheurs, quitte à affronter frontalement le Seigneur Voilé. Je vous laisse deviner de quels pouvoirs on doit disposer pour affronter le représentant d’un dieu du pacte...
Cela laisse augurer les pires dangers pour Widdershins dans le dernier volume de ses aventures que, j’espère, Lumen nous traduira vite.
Oui, je suis impatient. Déjà.
Car la prose d’Ari Marmell, sous des dehors young adult fantasy, est de plus en plus profonde, et ses intrigues de plus en plus sombres. Les morts pleuvent, les choix ont des conséquences fatales, la psychologie de son héroïne est très fouillée, oscillant entre sa décontraction apparente, son omniprésente ironie et ses réparties absurdes, et les grandes plaies intérieures qui la font devenir, page après page, bien plus adulte...
Titre : Le Pacte brisé (Lost Covenant, a Widdershins Adventure, 2013)
Série : Widdershins, tome 3/4
Auteur : Ari Marmell
Traduction de l’anglais (USA) : Émilie Gourdet
Couverture : Paolo Barbieri
Éditeur : Lumen
Site Internet : (pas encore de site éditeur à cette heure)
Pages : 408
Format (en cm) : 22,5 x 14 x 3,8
Dépôt légal : juillet 2015
ISBN : 9782371020498
Prix : 15 €
Widdershins :
I Le pacte de la voleuse
II Le pacte du mensonge
III Le pacte brisé
IV (2016)