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Arrière-goût amer (un)
Raphaël Guillet
Favre, Thriller, 259 pages, mars 2024, 18 €

Après « Doux comme le silence » et « Les Lunettes de sommeil », la troisième enquête de l’inspectrice Alice Ginier



En Suisse comme ailleurs, l’ambiance dans la police est quelque peu machiste et tout est fait pour mettre à l’écart l’inspectrice Alice Ginier. À la police judiciaire de Lausanne, on ne lui confie que des affaires secondaires, qui plus est en espérant qu’elle sera incapable de les mener à bien. Son chef, surnommé Nobel parce qu’il pense tout savoir, ne manque pas une occasion de la rabaisser. Et parmi ses collègues, même si l’un ou l’autre n’en pense pas moins, il ne se trouve vraiment personne pour l’aider, ni pour la défendre.

« Quelque chose clochait aussi dans l’apparence de cet homme très maigre d’environ soixante ans qui en paraissait beaucoup plus avec sa peau grise de fumeur, ses dents jaunes, ses cheveux en bataille et ses yeux de vautour. »

Voilà donc les raisons pour lesquelles on lui confie une affaire dont manifestement personne ne veut. Des décès en maison de retraite : rien de plus normal pourrait-on penser ; sans doute le directeur de l’établissement se fait-il des idées devant une simple coïncidence temporelle. Mais les choses se décantent lorsque les analyses toxicologiques montrent que plusieurs résidents avaient dans le sang de fortes doses d’un médicament dépresseur respiratoire. De véritables crimes, sans doute. Pire encore : malgré l’enquête, les cadavres continuent à s’accumuler. L’euthanasie serait-elle devenue un loisir, un simple passe-temps ? Et surtout, pour qui ? L’inspectrice Alice Ginier en fait désormais une affaire personnelle : dans trois semaines, au commissariat, elle fera connaître le coupable. La pression monte : l’enquête n’avance pas aussi vite qu’elle le voudrait, et ses collègues mâles l’attendent au tournant.

« Vous savez, en Suisse, la plupart des crimes ont lieu dans le cercle familial. C’est quand vous rentrez chez vous et que vous refermez la porte que le danger commence… »

Un coach culturiste féru d’écrivains subtils, une réfugiée afghane, un médecin pas vraiment empathe, un directeur d’établissement noeudelerophile, c’est-à-dire collectionneur de nœuds papillons, le procureur Schuler, une amie médecin légiste qui se déplace à moto avec un casque à tête de mort “comme si elle voulait faire connaître sa profession aux automobilistes qu’elle dépassait”, un résident qui dort à la maison de retraite mais passe beaucoup de temps en face, dans une pension pour déshérités qu’il a contribué à créer, l’Apache, ami de ce dernier, gérant d’une décharge et vaguement trafiquant, le Milord, une sorte de Beau Brumell refroidi, un autre retraité qui converse avec ses propres organes, des personnages disposant encore d’une lucidité à éclipses, une ancienne danseuse aimant encore la vie : autant de personnages qui contribuent à nourrir une intrigue d’autant plus touffue qu’apparaissent des liens inattendus entre les uns et les autres.

Mais Alice Ginier est prête à résoudre l’affaire à tout prix. Elle s’investit dans l’affaire sur son temps personnel, allant jusqu’à promener elle-même des résidents en ville. Pour une victoire à la Pyrrhus ? Peut-être. Planquer devant une maison de retraite, un comble – mais au moins les suspects ne sont-ils pas capables de détaler en courant. Chacun ne lui dit qu’une fraction de la vérité. On ment beaucoup par omission, et pas seulement à cause de la maladie d’Alzheimer. Heureusement son co-enquêteur, au départ un peu chien fou, finit par lui apporter une aide précieuse.

Sur une thématique éternelle – jusqu’à quand la vie en vaut-elle vraiment la peine ? – et sur les difficiles problèmes éthiques de la fin de vie et du vieillissement, Raphaël Guillet déroule son intrigue sans temps mort. L’enquête est narrée avec simplicité et de jolies pointes d’humour. Mais on sait qu’un bon polar est comme un bon café, s’il n’est pas très noir avec un arrière-goût amer, il lui manque un petit quelque chose. Le lecteur prendra donc sur la fin un uppercut d’autant plus raide que rien ne le laissait vraiment voir venir – sauf peut-être le titre. En moins de trois cents pages, un bon petit polar qui en dit beaucoup.


Titre : Un arrière-goût amer
Série : Les enquêtes de l’inspectrice Alice Ginier
Auteur : Raphaël Guillet
Couverture : Idéesse / Steve Guenat
Éditeur : Favre
Collection : Thriller
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 259
Format (en cm) : 14 x 23
Dépôt légal : mars 2024
ISBN : 9782828921453
Prix : 18 €


Les éditions Favre sur la Yozone :

- « Aveuglément » par Laurence Volta
- « Terres sauvages » de Lionel Tardy



Hilaire Alrune
17 avril 2024


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