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Métempsychogenèses
Gauthier Guillemin
Les éditions 1115, Novella, Science-fiction, premier trimestre 2024, 108 pages, 9€

Tsunamis, tremblements de terre, cataclysmes en tout genre... la Terre est devenue inhabitable. Les survivants n’ont plus le choix, il leur faut quitter le berceau de l’humanité. Mais le voyage vers Alpha du Centaure et ses exoplanètes est long, très long, d’où la solution de la cryogénisation. Problème : les premiers essais n’ont guère été concluants, beaucoup de passagers ne se remettent jamais d’un long sommeil et en sortent à l’état de légume. Contre toute attente, le cerveau a toujours une activité, aussi minime soit-elle, et il faut l’occuper. Et si on l’alimentait sans cesse le temps du voyage en matériel neuf ? Pour cela, il faut des créateurs, des raconteurs d’histoires qui les imagineraient au fil des siècles.
La recherche scientifique permet de fouiller le passé pour trouver de telles personnes et en ramener les esprits dans le corps d’un androïde. Une mission bien compliquée, d’autant que le départ des nefs est imminent.



Gauthier Guillemin est l’auteur des recommandables « Rivages » et « La fin des étiages ». Là, il revient sous une forme plus courte, une novella de 90 pages, et dans un registre différent, la science-fiction. Le récit se déroule dans quelques siècles avec les effets dévastateurs du réchauffement climatique. Le lieu le plus stable, le moins soumis à la furie d’une nature déchaînée, est encore dans le Grand Nord avec ses froids extrêmes. C’est là que les vaisseaux à destination d’Alpha du Centaure décolleront ; les derniers Terriens, quelques centaines de millions, arrivent pour y embarquer et un laboratoire s’attelle à ramener les créateurs qui pourront les protéger de l’ennui. Soma est justement à la tête d’une telle équipe et c’est Gérard de Nerval qui attire toute leur attention.
Le titre à rallonge donne justement une indication sur le postulat de base des scientifiques : la métempsychose, soit une « doctrine selon laquelle une même âme peut animer successivement plusieurs corps (humains ou animaux) », selon Wikipédia. Ils cherchent justement à la capter au moment du décès de son hôte pour l’implanter dans un corps robotique qui passera sans dommage les éons. Il s’agit d’une partie de chasse, de traque minutieuse jusqu’au moment fatidique où les chances de succès sont les meilleures. Le lecteur suit ainsi l’équipe de Soma dans son pistage de Gérard de Nerval, mais aussi ce dernier comprenant qu’il est une proie. C’est intéressant, car l’histoire s’inscrit aussi bien dans le futur que dans le passé. La forme est très travaillée avec des bribes de pensée extraites du flux temporel et tout de suite identifiables avec de grosses coulures sur la page. Une photo, une gravure du lieu où le poète s’est pendu, ainsi qu’une lettre de John-Antoine Nau agrémentent aussi les pages, comme pour donner un pseudo cachet scientifique à l’ensemble.

La métempsychose est bien sûr affaire de croyance, là Gauthier Guillemin en fait une science au service de l’avenir de l’humanité. Le passé doit venir au secours du futur. Le procédé n’est pas sans soulever bien des questions éthiques. Arracher de la sorte des âmes au passé pour leur imposer de vivre dans un corps robotique, afin de créer, d’écrire, revient à les plonger dans une prison sans issue. Une éternité sans retour du public, sans distraction... est-ce encore une vie ? Ou leur refuse-t-on tout droit ? Que feront ceux qu’ils ramèneront ? D’ailleurs, estiment-ils avoir un quelconque devoir envers cette humanité qui leur a succédé bien après ? Les questions existentielles ne manquent pas pour nourrir le récit. Il n’est pas toujours facile de suivre le raisonnement, notamment le processus de « pêche », aussi vaut-il mieux l’accepter pour que la novella fonctionne à plein, entre côté désuet et futuriste.

« Métempsychogenèses » se révèle pour le moins étonnante par son postulat de la métempsychose et de son utilisation au service de l’humanité. Gérard de Nerval s’invite en ses pages, ce qui donne un côté ludique. L’espèce humaine semble condamnée, elle apparait bien désespérée pour se tourner ainsi vers le passé en quête de solution. Une certaine tristesse, de la fatalité se dégagent de ces pages, notamment par le fait de ramener des personnes qui se sont suicidées pour les sauver. Une seconde chance leur est offerte, qu’en feront-ils ? Un cas de conscience bien fascinant...
Une novella riche en questionnements, surprenante et très bien mise en valeur.


Titre : Métempsychogenèses
Auteur : Gauthier Guillemin
Photo de couverture : 2024 © Victor Yale
Éditeur : Les éditions 1115
Collection : Novella
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 108
Format (en cm) : 11 x 15
Dépôt légal : premier trimestre 2024
ISBN : 9782385630140
Prix : 9 €


Gauthier Guillemin sur la Yozone :
- « Rivages »
- « La fin des étiages »

Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
25 mars 2024


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