Bienvenue dans la vie de Bernard Werber, depuis ses premières rencontres durant l’enfance avec les fourmis, mais aussi avec un assassin en puissance et d’autres personnages inattendus. Un Bernard Werber handicapé par une myopie et une maladie rhumatologique, profil que l’on aurait tendance à associer à celui d’un bon élève, mais qui se décrit plutôt comme un cancre, qui dessine non pas par vocation mais parce que sa mère l’a vu comme un futur artiste graphique, ce qu’il ne sera jamais. Mais le fait de dessiner l’aura peut-être finalement conduit sur sa voie : dessiner des histoires, puis les raconter, puis les écrire.
« Bientôt, je m’aperçus que plus cela faisait peur, plus j’obtenais l’attention de ceux qui écoutaient. »
Un Bernard Werber qui sans vocation oscillera entre divers métiers, manquera de s’enferrer dans le journalisme alcoolisé de Province et sera un moment chroniqueur scientifique au Nouvel Observateur avant de devenir l’auteur que l’on sait. Mais ces années professionnelles sont surtout celles des mésaventures de son énorme manuscrit des Fourmis – bien plus de mille pages dans sa version d’origine – qui durant plus de dix ans sera décliné en bien des moutures et subira presque autant de refus, jusqu’à se voir finalement publié par Albin Michel en 1991, avant d’accéder au fil du temps – et deux suites aidant – à une renommée considérable. Une série d’espoirs et de déceptions éditoriales avant une réussite enviable, mais des péripéties encore après sa parution, puisque Bernard Werber régale le lecteur d’anecdotes en lien avec ses versions en langues étrangères – par exemple aux États-Unis par un traducteur fou qui, croyant comprendre qu’il s’agit d’un récit de science-fiction, y ajoute de lui-même des passages où les fourmis sont dotées d’armes laser, et au Japon par un traducteur non moins excentrique qui y insère des strophes de Rimbaud.
Mais la vie de Bernard Werber ne se résume pas à la trilogie des « Fourmis ». C’est aussi un parcours comme en ont connu bon nombre d’auteurs et de créateurs de sa génération, avec les découvertes successives de Philip K. Dick, de Frank Herbert, de Stephen King, mais aussi, celles des échecs et de l’informatique et, à travers quelques voyages (États-Unis, Inde, Russie…), la découverte du vaste monde et des autres points de vue. D’autres points de vue dont Bernard Werber raffole, lui qui tout petit se demandait comment les humains pouvaient être vus par les fourmis, mais aussi par bien d’autres animaux.
Un Bernard Werber perpétuellement curieux qui ne se contente pas de tout noter et d’installer des fourmilières dans ses appartement successifs, mais apparaît particulièrement avide d’expériences autres que scientifiques. Après avoir appris enfant lors d’une colonie de vacances à pratiquer le raja yoga et le voyage astral, il se découvrira au fil des années des talents d’hypnotiseur, sera capable de plonger son assistance en stase méditative dans l’espace public d’une librairie, prendra conscience de l’existence de son ange gardien, fréquentera médiums et autres entremetteuses entre vivants et fantômes, pratiquera l’hypnose régressive avec le batteur de Bernard Lavilliers et voyagera dans plusieurs de ses vies antérieures, ce qui lui permettra incidemment de visiter l’Atlantide.
« Pour moi, l’écriture est comme un art martial qu’on pourrait baptiser le “roman qwan do”. De cet art, il faut savoir maîtriser toutes les formes. »
Dans cette autobiographie dépourvue de table des matières mais chapitrée selon les arcanes du tarot apparaissent ici et là quelques personnages connus. C’est ainsi, par exemple, que Bernard Werber dispute une partie d’échecs avec le légendaire Boris Spassky (il ne précise pas qui l’emporte), discute discipline d’écriture avec Claude Klotz, échange des vues spirituelles avec un Alejandro Jodorowsky fidèle à son image et voit Serge Gainsbourg prédire son avenir. Au fil des chapitres, Bernard Werber décrit ses sources d’inspiration et explique comment ses rencontres et ses découvertes ont nourri ses techniques d’écriture et les structures de ses histoires. On a l’impression, dans ces « Mémoires d’une fourmi », d’être encore dans un roman de l’auteur : son style très oral et le caractère très simple, voire simpliste, de bien des personnages donnent à son existence cette tonalité particulière, presque de bande dessinée, que l’on retrouve souvent dans ses fictions.
Titre : Mémoires d’une fourmi
Auteur : Bernard Werber
Couverture : Gérald Wassen / idée Denis Pépin
Éditeur : Le Livre de Poche (édition originale : Albin Michel, 2022)
Site Internet : page roman (site éditeur)
Numéro : 36880
Pages : 444
Format (en cm) : 11 x 17,5
Dépôt légal : mai 2023
ISBN : 9782253245001
Prix : 9,40 €
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