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Papillon des Étoiles (Le)
Bernard Werber
Albin Michel, roman, 244 pages, octobre 2006, 19€

La Terre est dévastée, l’humanité irrécupérable. Un milliardaire atteint d’un cancer décide finir en beauté. Il va financer un projet refusé par l’Agence Spatiale Européenne, la construction d’un voilier stellaire, un vaisseau-génération qui permettra aux descendants des premiers passagers, à l’issue d’un voyage sans retour de 1000 ans, de coloniser une nouvelle planète.




Cela faisait un bout de temps que j’avais arrêté de suivre l’ “œuvre” de l’auteur des « Fourmis » et des « Thanatonautes ». Titillé par les rumeurs selon lesquelles son dernier roman serait un nanar pur jus, je me suis penché sur « Le Papillon des Étoiles ». Ce dernier m’a laissé sur le cul.

Pour commencer, le style est affligeant. Les chapitres bâclés font, pour la plupart, deux ou trois pages ; autant dire que l’auteur n’a pas le temps d’y développer ses personnages (mon dieu, les personnages : sans épaisseur, ils sont des pantins taillés à coups de clichés) et ni l’intrigue, laquelle, parfois, ressemble plus à un synopsis qu’à un véritable roman. Werber aligne des phrases basiques sujet/verbe/complément dans des paragraphes qui, souvent, ne contiennent pas plus d’une à quatre phrases. Si l’on tient compte du principe “une idée par paragraphe”, vous imaginez le niveau de (non) développement des (non) idées.

Le thème du vaisseau-génération a déjà abordé moult fois par nombre d’auteurs, mais Werber semble le découvrir et accumule les énormités techniques. Quelques perles :
La destination est une étoile située à 2 années-lumière de la Terre. Intéressant, car l’étoile la plus proche de notre planète se trouve deux fois plus loin.
Le vaisseau, 500 mètres de diamètre, haut de un kilomètre, est constitué de 32 cylindres qui se déploieront dans l’espace, comme une longue vue, pour atteindre la longueur finale des 32 km nécessaires aux dizaines de milliers de voyageurs. De plus, il décolle de la Terre, alors qu’un tel engin ne peut qu’être construit en orbite.
Le vaisseau étant un voilier solaire, son pilote sera un marin, car le boulot consistera finalement à tirer des bords, c’est juste que la voile est plus grande.
Etc., etc., etc. Et ce ne sont que quelques exemples. Sans exiger un précis de hard science, on attend d’un auteur le minimum de documentation (et de relecture !) que requiert le respect du lecteur. Cet effort n’a pas été fait.
Et si encore il n’y avait que des erreurs techniques. Mais non : le roman tout entier est une insulte à l’intelligence du lecteur. Allez, encore un exemple. Initialement, l’ingénieur à l’initiative du projet imaginait que les passagers voyageraient assis. Cinquante générations de 100 000 êtres humains, pendant dix siècle, voyageant assis dans des fauteuils, comme dans un avion, avec quand même des salles de repos pour se dégourdir les jambes. Heu, le mec qui pond le projet est censé être un ex-ingénieur de l’ESA...
Heureusement, un psychologue lui explique gentiment que ça va pas trop le faire. Il réfléchit, puis il a une idée géniale que personne n’avait jamais eue avant lui : pourquoi ne pas construire un très très grand vaisseau, qui tournerait sur lui-même pour créer une gravité artificielle, et à l’intérieur duquel les gens vivraient normalement (debout, quoi).
C’est là, entre autres, que réside l’escroquerie intellectuelle de ce « Papillon des Étoiles » : en faisant croire que ses personnages ont tout inventé tous seuls, alors que les idées exploitées, vaisseau-génération, voile solaire, ont été réfléchies de longue date par des scientifiques et des auteurs de science-fiction, Werber les fait siennes implicitement et sous-entend qu’elles sont issues de son génial cerveau.

Quand à l’intrigue, c’est le Grand n’Importe Quoi, le Festival de la Bouffonnerie. Je vous livre un exemple particulièrement gouleyant : la scène du départ.
La fusée, financée par un milliardaire a été construite dans le plus grand secret (l’a fallu rassembler près de 150 000 personnes, quand même, hein), mais le reste de l’humanité entend empêcher le départ, par jalousie. Le gouvernement (lequel, on sait pas trop, à vrai dire) envoie une escouade de 500 gendarmes (!) d’une unité d’élite. Ils arriveront le lendemain, mais la fusée n’est pas tout à fait prête. C’est pas grave, on va bosser toute la nuit, on va bâcler les tests, et roule ma poule : à six heures du matin, ils sont prêts pour le grand départ. Les 144000 passagers embarquent en deux heures (!), les animaux (des plus petits, les insectes, aux plus grands, les vaches) en une demi heure, les réservoirs sont remplis en un quart d’heure. Il était temps : les forces de l’ordre viennent d’arriver.
Soudain, le héros détache sa ceinture de sécurité (!) et se rue à l’extérieur : ils ont oublié le petit chat ! S’ils partent sans leur mascotte, ils auront la mouise pendant tout le voyage (c’est sûr que 1000 ans de mouise, ça fait réfléchir). Il récupère Domino (c’est le nom du chaton), puis court en direction de la fusée, les gendarmes à ses trousses.
Là, il faut que vous visualisiez la scène : le type court sur la passerelle, et le petit chat galope derrière au milieu des pandores (que l’on imagine képi et sifflet au vent).
Ajoutez la musique de Benny Hill : succès garanti.
Bref.
Le héros saute dans la fusée, appuie sur le bouton de fermeture du sas, mais comme ce dernier tombe en panne, il finit le boulot à la manivelle (!). Le petit chat rejoint sont maître in extremis.
Ouf ! Sauvés ?
Que non, les amis, car sachez que la fusée ne veut pas décoller : pendant la nuit, le propergol a gelé dans les tuyères. Dehors, l’officier lance un ultimatum : “Sortez, vous êtes cernés !”. Là encore, je vais vous demander de visualiser la scène. Il y a une super-fusée de 500 mètres de large, plus d’un kilomètre de haut, 500 gendarmes éparpillés autour, et au milieu, l’adjudant-chef, avec son mégaphone : “Sortez, vous êtes cernés !”. Mais ne riez pas, car l’heure est grave : l’ingénieur ne trouve aucune solution, faut attendre que les tuyères se réchauffent au soleil, et pendant ce temps les gendarmes sont en train d’attaquer la carlingue au chalumeau. Soudain, le petit chat échappe à son maître, déambule sur le clavier de contrôle, et -miracle !- la fusée décolle. En fait, l’ingénieur avait oublié ce bouton, installé la semaine dernière, qui “force la pompe en cas de gel”.

Et tout est à l’avenant. TOUT ! Je suis estomaqué, non pas que cette merde ait pu être publiée (Werber pourrait signer un Moltonel triple épaisseur usagé que ça partirait quand même comme des petits pains, alors qu’est-ce que t’en a à foutre, tu prends le pognon et pi c’est tout), mais que l’auteur ait pu écrire cette indignité. D’accord, Werber n’a jamais eu de style, la psychologie de ses personnages a toujours atteint des sommets de naïveté, et ses histoires relèvent le plus souvent de La science-fiction pour les nuls.
Mais là, le pauvre garçon qui avait commencé sa carrière de manière sympathique (« Les Fourmis ») avant de sombrer petit à petit dans la médiocrité, vient de toucher le fond.

« Le Papillon des Étoiles », c’est le zéro degré Kelvin de la science-fiction, de la littérature et de l’Univers en général.

Titre : Le Papillon des Étoiles
Auteur : Bernard Werber
Genre : Science-fiction
Éditeur : Albin Michel
Dépôt légal : octobre 2006
Pages : 244 pages
Format (en cm) : 15 x 24
ISBN : 2-226-17349-8
EAN : 978-2226173492
Prix : 19€


Philippe Heurtel
6 février 2007


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