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Après
Stephen King
Le Livre de Poche, n°36774, traduit de l’anglais (États-Unis), fantastique, 342 pages, 8,90 €

Un nouveau roman de Stephen King dans lequel, une fois de plus, l’enfance se trouve confrontée à l’impossible, à l’effroi, à l’épouvante. Car un gamin qui voit des morts, ça n’est pas tout à fait de la féerie. Ce sont des visions dont on se passerait bien. Et qui pourraient conduire à des mésaventures plus effrayantes encore.



Depuis « Sixième sens », l’astucieux long métrage de M. Night Shyamalan (1999), que Stephen King n’omet pas de citer dans la première partie, un gamin qui voit les morts, on ne peut pas dire que ce soit du jamais vu. Mais la ressemblance s’arrête là. Car dans « Après  », l’enfant n’est pas seulement capable de voir les morts : il peut également converser avec eux, et ces conversations lui semblent obéir à une loi particulière. En effet, au fil de ces échanges s’est imposée à lui une étrange conviction : lorsqu’il leur pose des questions, les morts n’ont d’autre choix que de lui répondre. Ils ne peuvent pas mentir. On devine très vite quelques-unes des possibilités scénaristiques (toutes ne seront pas exploitées) offertes par une telle obligation. Autre particularité, les fantômes sont éminemment transitoires : quelques heures, quelques jours tout au plus, puis eux aussi disparaissent à jamais.

On connaît depuis longtemps la propension de Stephen King à mettre en scène des enfants, et son talent à leur donner une existence pleine et entière. Avec Jamie en tant que personnage central, Stephen King joue donc sur du velours. Un gamin à tel point différent a forcément en lui une part d’intelligence et de maturité que n’ont pas les autres, mais reste sous certains aspects véritablement enfantin. Une fois de plus, le sens de Stephen King pour les détails qui sonnent juste fait merveille. On croit non seulement à l’existence de ce personnage, mais aussi à son don particulier. La complicité avec sa mère, d’un bout à l’autre du roman, sonnera également toujours juste.

On le devine : le don qu’a l’enfant de voir les morts est avant tout un cadeau empoisonné. Comme le précise le narrateur tout juste en milieu de volume, à la fin du chapitre vingt-neuf : “ Ceci est une histoire d’horreur. Je vous avais prévenus.” On s’en doutait un peu. Et tout lecteur de Stephen King en était certain. Il se trouve que certains morts ont plus d’un tour dans leur sac. Et qu’ils pourraient bien être plus forts si d’indéfinissables entités venaient les renforcer, ou, pourquoi pas, se substituer à leur essence passagère.

Toute l’astuce de Stephen King est de confronter l’enfant avec des morts peu ordinaires – assassins ou poseur des bombes – par l’intermédiaire d’une femme-policier, ex-amie de sa mère et en quête de reconnaissance professionnelle, qui n’éprouve aucun scrupule à contraindre Jamie à l’assister dans ses enquêtes : le pouvoir de faire parler les morts peut bien évidemment permettre aux victimes de révéler ce qu’ils savent de l’assassin, mais aussi contraindre un criminel mort à révéler l’emplacement où il a posé son ultime bombe, ou le lieu dans lequel il a dissimulé son magot. Les possibilités sont sans fin, et ce que l’on peut attendre d’un tel don va bien au-delà des capacités habituelles des investigateurs. Jusqu’à avoir affaire à un mort trop puissant, et ce faisant lancer l’inexorable mécanique du drame. L’aspect fantastique classique domine les deux premiers tiers du roman, et la récurrence de la formule « Siffle et je viendrai », qui revient plusieurs fois en seconde partie, est très exactement le titre d’une nouvelle classique et plus que centenaire (1904) de Montague Rhode James, grand écrivain-ès-fantômes des siècles passés.

Avec à peine plus de trois cents pages, « Après  » est loin des pavés habituels de l’auteur, lesquels ne sont pas toujours exempts de longueurs, ni, parfois, de parenthèses de cent ou deux cents pages qui déséquilibrent l’ensemble. Ici, on pourrait presque faire le reproche contraire. Certains éléments semblent parfois précipités, tout particulièrement sur la dernière partie. On aura ainsi plus d’une réserve sur l’aspect policier des quinze derniers chapitres, et plus encore de la fin (la police est bien crédule sur la version de l’enfant qui de toute évidence ne tient pas debout, elle n’investigue manifestement pas et ne s’intéresse pas du tout au téléphone de Liz…). Comme dans « Si ça saigne » ou « Carnets noirs », King a recours à des facilités et donne l’impression de ne pas maîtriser les aspects policier/thriller de son intrigue, espérant peut-être que la tension croissante l’emportera. On ne pourra que le regretter, car la suspension d’incrédulité que l’auteur était jusqu’alors parvenu à préserver pourra être mise à mal pour les lecteurs les plus attentifs.

Pour ces raisons, « Après  » ne pourra pas être considéré comme faisant partie des tout meilleurs romans de l’auteur. Pourtant, on a plaisir à accompagner le petit Jamie depuis ses six ans jusqu’à l’âge adulte, et à découvrir comment il parvient à vivre avec son don. Le sens des personnages et des ambiances propre à Stephen King est bel et bien là, avec une pointe d’humour bienvenue. Sans compter une bonne dose ou surdose d’effroi, mais Jamie ne l’avait pas caché : “ Ceci est une histoire d’horreur. Je vous avais prévenus.

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Titre : Après (Later, 2021)
Auteur : Stephen King
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Marina Boraso
Couverture : Studio LGF / Eziakell / Marzufello / Shutterstock
Éditeur : Le Livre de Poche (édition originale : Albin Michel, 2021)
Site Internet : page roman (site éditeur)
Numéro : 36774
Pages : 342
Format (en cm) : 11 x 17,8
Dépôt légal : 2022
ISBN :9782253937029
Prix : 8,90 €



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Hilaire Alrune
11 février 2023


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