Ed Brubaker aime ressasser le passé et ce troisième tome débute comme le premier, avec Dylan massacrant tous les hommes qu’il croise dans un hôtel de passe. Comment en est-il parvenu là ? Les deux premiers volets montraient justement son cheminement : le suicide raté, suivi du pacte avec le démon. Là, le scénariste en remet une couche, alors que Dylan était proche de cette scène à laquelle le lecteur assistera deux fois dans le présent album. Cela donne une impression de déjà-vu, le sentiment de tourner en rond, ce qui est dommage, car au final la situation n’a pas tant avancé que cela.
Brubaker désire placer le lecteur dans l’esprit confus de Dylan qui se rend compte qu’il rabâche les choses, ne raconte pas son histoire dans l’ordre. Habilement, le doute est instillé avec le traitement médical que ne suivait plus Dylan. Si finalement il souffrait juste d’une névrose ? Mais cette théorie est vite mise à l’épreuve avec ce démon qui hantait également son père. On peut s’interroger sur l’utilité du frère, mais il est encore trop tôt pour en juger.
Précédemment Dylan a tué le cousin du boss, ce qui explique pourquoi les Russes veulent tant mettre la main sur lui. Pour s’en sortir, il n’a pas le choix, il lui faut éliminer l’adversaire ou être tué. Comme la vie de Kira est aussi menacée, il n’y a qu’une option de bonne. Un peu malgré lui ; dans un premier temps, le justicier masqué reprend du service et ne fait pas dans la dentelle. Le fusil à pompe crache sa colère et emporte les chairs.
Sean Philipps, auquel j’associe Elizabeth Breitweiser avec une colorisation parfaitement raccord, met le tout brillamment en scène. Comme pour ses devanciers, le découpage s’avère original, surprenant à l’occasion quand le texte s’invite en marge. Dans le quotidien, rien ne distingue Dylan, il s’agit d’un étudiant présentant bien, mais quand il endosse sa panoplie (cagoule rouge et capuchon relevé), il se transforme en tueur froid et méthodique. Plus rien à voir avec ses débuts hésitants ! Des déchaînements de violence alternent avec des moments de tranquillité ou de complicité avec Kira. Visuellement, la différence est flagrante avec le choix des couleurs.
Graphiquement “Kill or be killed” marque les esprits, notamment par son côté sale évitant le politiquement correct. L’histoire n’est bien sûr pas en reste, même si l’on peut regretter ses trop nombreuses redites. Le récit conserve toujours sa part de mystère sur ce qui affecte Dylan : démon ou maladie ? Ici seul le résultat compte : un jeune homme devenu un tueur sanguinaire.
Ce comics illustre le passage à l’acte, les motivations qui peuvent pousser quelqu’un à basculer vers le mal, ce qui n’excuse rien, même si des malfrats font les frais de son pacte. “KiIl or be killed” n’édulcore rien et c’est ce qui en fait la force.
Un comics à ne pas mettre entre toutes les mains, mais qui mérite le détour par son côté outrancier.
Kill or be killed (T3)
Scénario : Ed Brubaker
Dessin : Sean Phillips
Couleurs : Elizabeth Breitweiser
Traduction : Jacques Collin
Éditeur : Delcourt Comics
Collection : Contrebande
Dépôt légal : 10 octobre 2018
Format : 19 x 28,4 cm
Pagination : 112 pages couleurs
Numéro ISBN : 9782413010487
Prix public : 16,50 €
À lire sur la Yozone :
Kill or be killed (T1)
Kill or be killed (T2)
Illustrations © Sean Philips, Elizabeth Breitweiser et Éditions Delcourt (2018)