Dylan arbore deux visages : celui froid du tueur, celui qui a fait un pacte avec un démon exigeant une victime par mois, et celui d’un jeune homme qui souhaiterait une vie normale. Au fil de ses victimes, il a acquis une certaine assurance qui transparait dans son quotidien. C’est ainsi qu’il retrouve une ex et renoue une relation avec elle. Il n’a pas oublié Kira, loin de là, et cette dernière pense toujours à lui, mais quelque chose semble brisé entre eux, à l’image des cheveux bleus arborés par Kira.
Ed Brubaker se plaît toujours à malmener la chronologie, à revenir sur les éléments qui ont amené à telle situation. Les effets arrivent souvent avant les causes et il noue une sorte de dialogue entre Dylan et le lecteur transformé en voyeur. Ce tome 2 est riche en péripéties et la trouvaille de Kira au sujet des médicaments pris par Dylan remet pratiquement en cause l’existence du démon auquel il obéit, du moins jusqu’à la dernière page... C’est violent, moins que le premier qui donnait le ton, et sans complaisance envers certaines catégories de personnes qui échappent à la justice et que Dylan a dans le collimateur. Ce justicier masqué devient l’ennemi public numéro 1, rendant sa situation plus fragile, d’autant que la police n’est pas la seule à sa poursuite. Dans ces conditions, nouer une relation avec autrui n’est-ce pas trop risquée, n’est-ce pas mettre cette personne en danger ?
Le scénariste mène toute une réflexion autour de “Kill or be Killed”, il égratigne la société, la déshumanise aussi, car le malaise permanent de Dylan l’a transformé en monstre.
La violence très bien mise en scène par Sean Phlilips et colorisée par Elizabeth Breitweiser apparaît au premier degré gratuite et en aucun cas ne peut être cautionnée, mais une logique s’en dégage : les victimes ne sont jamais innocentes, elles ont fait le mal d’une façon ou d’une autre pour mériter l’attention de Dylan, placé dans la position du juge et du bourreau. Tous les personnages abritent des failles, chacun est hanté par son passé, la figure du père demeure toujours à l’esprit de Dylan et Kira, comme une alerte.
Que peut-il ressortir de tout ça ? Sûrement rien de bon, le ton général est noir. « Lecteur, toi qui ouvre ses pages abandonne tout espoir » pourrait remplacer la mention « Pour lecteur averti ».
Le graphisme faisant la part belle aux ombres, comme celles que chacun de nous abrite, rend parfaitement compte de l’horreur de l’histoire, tout en sachant ménager des temps calmes, plus intimistes pour sortir la tête de l’eau et reprendre sa respiration. L’ambiance est lourde, pesante, une chape de plomb s’abat sur les têtes. Rien que feuilleter ce comic suggère déjà sa noirceur.
Ce deuxième tome de “Kill or be killed” s’avère dans la droite lignée du premier. Sombre et violent, il expose la plongée d’un jeune homme ayant perdu foi en l’avenir. Alors qu’il se déshumanise, ses affaires de cœur s’améliorent comme pour compenser sa plongée dans l’horreur. Obéit-il à un démon ou à ses propres démons, ceux qui l’obsèdent ? Les lecteurs ne sont pas épargnés, aussi bien par les scènes de tueries que par la réflexion soulevée par cette série, pas avare en critique sociétale.
À découvrir, tout en sachant à quoi vous vous exposez !
Kill or be killed (T2)
Scénario : Ed Brubaker
Dessin : Sean Phillips
Couleurs : Elizabeth Breitweiser
Traduction : Jacques Collin
Éditeur : Delcourt Comics
Collection : Contrebande
Dépôt légal : 6 juin 2018
Format : 19 x 28,4 cm
Pagination : 168 pages couleurs
Numéro ISBN : 9782413002376
Prix public : 16,50 €
À lire sur la Yozone :
Kill or be killed (T1)
Fondu au Noir
Brubaker/Phillips - L’élégance raffinée de Fondu au Noir
Incognito (T1) Projet Overkill
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Criminal : Morts en sursis
Sleeper (T1) Seul contre tous
Velvet (T1) Avant le crépuscule
Illustrations © Sean Philips, Elizabeth Breitweiser et Éditions Delcourt (2018)