Noah Wallace, autrefois enquêteur et profileur de haut vol, est un homme brisé, à la fois physiquement et mentalement. La mort de son épouse enlevée par un tueur, un accident de la route qui lui a laissé de graves séquelles : celui qu’il était avant, il le nomme l’Autre. Celui qu’il est à présent, avec sa canne, ses consultations psychiatriques, sa mémoire perdue, son accident vasculaire cérébral, il préfère ne pas trop y penser.
« Face au cadavre de l’homme, une silhouette se tient à genoux, dans une parodie de prière. Mais sa tête n’est plus qu’un morceau de charbon sur un crâne apparent, et un pneu de voiture à demi fondu lui encercle le cou. »
Des déboires qui ne sont hélas pas près d’être terminés. Steve Raymond, son ancien coéquipier, le relance sur une enquête, au Canada, de l’autre côté de la frontière. Ni l’un ni l’autre n’ont le choix : sur les sites de crimes atroces, on retrouve des messages adressés à Noah Wallace lui-même. Des mises en scène macabres qui ressemblent trait pour trait à celles du tueur à la myrrhe, responsable de la mort de son épouse. Mais ledit tueur est mort lui aussi.
« Mon passé et le tien pourrissent dans le même tombeau. »
Un copycat ? Peut-être… Mais les choses n’apparaissent pas aussi simples. Steve Raymond, le policier canadien Bernard Tremblay, inspecteur et puzzliste, Clémence Leduc, la nièce de ce dernier, une profileuse particulièrement perspicace, investiguent, officiellement en commun, mais en réalité, et pour des raisons parfois bonnes et parfois mauvaises, se cachent des choses. Il est vrai qu’il est difficile de faire confiance à Noah Wallace. Ses malaises sur les scènes des crimes, ses visions comme en flash, qu’il nomme intuitions mais qui se rapprochent beaucoup plus des phénomènes paranormaux, et, qui, de manière totalement inexplicable, se révèlent à chaque fois justes, mettent ses collègues assez mal à l’aise. Peu à peu, l’enquête s’oriente vers un passé que personne ne souhaite vraiment voir resurgir. Il est question d’enlèvements d’enfants, de CIA, de projets secrets, de manipulations mentales. Et sur une ligne de narration parallèle, ou plutôt tangentielle, la jeune journaliste Sophie, qui investigue sur la disparition inexpliquée d’un journaliste quelques décennies plus tôt, réalise bientôt qu’elle frôle de hideux secrets, et qu’elle s’est lancée dans une enquête bien trop dangereuse pour elle.
« C’est un démon, dit-elle. C’est Adramalech, le huitième archidiable, chancelier de l’ordre de la mouche. Le tueur veut nous dire que sa victime est un juge ou un procureur. »
On retrouve donc bien des ingrédients classiques, le retour impossible du criminel mort, le serial-killer qui joue au chat et à la souris avec l’enquêteur, les mises en scène abominables de crimes – même si elles sont décrites sans excès gore et avec une froideur toute clinique, on conseillera aux âmes sensibles de sauter quelques paragraphes –, les allusions ésotériques à des démons comme Belphégor et Adramalech, les complots et projets classés secret défense, et enfin les inévitables dérives pédophiles, sans doute placées là pour satisfaire aux diktats contemporains du genre. En reprenant et en mélangeant bien des ingrédients à la mode, l’auteur prenait le risque de construire une histoire de serial-killer de plus. Mais il se trouve que le mélange prend, et que le récit, en s’écartant peu à peu des sentiers battus et rebattus, en s’orientant vers des directions inattendues, happe rapidement le lecteur, qui aura du mal à lâcher le roman avant la fin.
Un lecteur, toutefois, qui aura dû considérer quelques éléments avec indulgence : tout d’abord les chapitres intitulés « tant va la cruche à l’eau » et « qu’à la fin elle se casse » (le comportement du mafieux, tout comme le contenu de son récit, ne sont ni cohérents ni crédibles), puis les passages dévolus aux techniques de conditionnement mental, bien trop outrancières pour apparaître vraisemblables. Mais il est vrai que les impératifs du genre imposent de toujours en rajouter pour essayer de frapper les esprits, et qu’il est difficile de trouver le juste équilibre entre révélations et vraisemblance, entre crédibilité et surenchère. Si l’on excepte ces détails, « Le Tricycle rouge » apparaît donc comme un thriller plus qu’honorable, avec suffisamment de détails et de rebondissements pour nourrir les cinq cents pages sans aucun temps mort. La narration au présent, en chapitres très courts, cinq pages en moyenne, permet au lecteur de ne jamais décrocher. Une série d’astuces originales – par exemple la recherche perpétuelle de Noah Wallace de mots rares ou savants pour reconstruire sa mémoire, que l’on retrouve dans les titres de chapitres – permettent de donner une certaine densité aux personnages. Une bonne maîtrise technique pour un premier roman, qui vient d’obtenir le prix Michel Bussi du meilleur thriller français, et un auteur qu’il sera sans doute intéressant de suivre dans les années à venir.
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Titre : Le Tricycle rouge
Auteur : Vincent Hauuy
Couverture : R. Pépin / Wendy Stevenson / Arcangel
Éditeur : Hugo et Cie
Collection : Thriller
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 490
Format (en cm) : 14 x 21
Dépôt légal : mai 2017
ISBN : 9782755633429
Prix : 19,95€
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