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Manhattan à l’envers
Peter F. Hamilton
Bragelonne, traduit de l’anglais (Grande-Bretagne), science-fiction, 351 pages, novembre 2012 , 22€

Peter F. Hamilton est connu par ses romans monumentaux (toujours plusieurs centaines de pages) composant des cycles parfois démesurés. Champion de la forme longue, jamais lassant, toujours intéressant, il a offert à la science-fiction, avec ses cycles de Greg Mandel, de l’Aube de la nuit, de Pandore et du Vide d’excellents space-opéras bourrés d’action mais toujours intelligents. On ne le connaissait pas comme artisan de la forme courte ; il révèle ici qu’il est capable d’y faire preuve des mêmes qualités.



Une science-fiction classique

La science-fiction mène à tout, et même à des honneurs inattendus. Bien des chercheurs donneraient cher pour réussir à publier dans Nature, la plus prestigieuse de toutes les revues scientifiques. C’est ce qu’a réussi à faire Peter F.Hamilton, en publiant “Le Chaton éternel ” dans ce support certes ouvert sur l’avenir mais pas précisément axé sur la fiction. Le challenge était, selon l’auteur, assorti d’une limitation de taille : ne pas dépasser mille mots. Consacrée à une forme inattendue de recherche génétique, ce récit souffre quelque peu de cette limite, d’autant que l’idée suggérée par Peter F. Hamilton n’est pas entièrement nouvelle. Un texte néanmoins intéressant et dont la chute, astucieusement menée en retenue et en non-dit, fait frémir.

Si du premier coup...” l’une des autres courtes nouvelles du volume, est une variation sur un ton assez léger, sur le thème déjà bien nourri, mais manifestement inépuisable, du voyage dans le temps. Un observateur attentif découvre qu’un scientifique semble connaître bien des développements futurs de la science. Ce dernier voyage-t-il dans le temps ? Fait-il d’autres types d’aller-retours, projetant sa conscience dans son propre passé de manière à modifier les cours des événements avant de répéter la manœuvre, encore et encore ? Le narrateur est bien décidé à profiter de cette opportunité. Une nouvelle grinçante, avec une chute à la Fredric Brown.

Un électorat qui marche” constitue, par ses aspects sociaux d’un futur proche (le récit se déroule en Angleterre de 2010) et scientifiques (le développement des trous de ver permettant de passer d’une planète à une autre) une sorte de lien entre les préoccupations du cycle de Greg Mandel et les autres cycles de Peter F. Hamilton. Se déroulant dans un passé uchronique à notre histoire, mais aussi par rapport à celle du Commonwealth (les trous de ver n’ont pas été inventés par Ozzie Isaacs et Nigel Sheldon, mais par un scientifique isolé du nom de Bradley Murray), cette nouvelle met en scène les enthousiasmes des uns, les atermoiements et tergiversations des autres, dans un contexte de crise économique global, face à la possibilité de filer vers un monde peut-être pas d’emblée meilleur, un monde où sans doute tout est à faire, mais qui au moins offre des perspectives d’avenir. Une tranche de vie, une tranche d’actualité à laquelle une fin à mi-chemin entre drame et humour donne toute sa saveur.

En regardant pousser les arbres ” débute à Oxford en 1832, se poursuit à Manhattan en 1853, puis sur Ganymède en 1920, dans un monde où est apparue la biononique en 2000, pour enfin se dénouer en 2038. Tout ceci avec les mêmes personnages, car, dans cette réalité parallèle (les choix écologiques ont été faits dès 1832, et la science a évolué plus rapidement que dans notre histoire), l’humanité est scindée entre Éphémères et Élites à espérance de vie fortement augmentée. Un récit d’investigation qui en dépit de ses composantes technologiques conserve des composantes classiques : les indices infimes que seul un enquêteur acharné est capable de remarquer et l’entretien final au cours duquel le criminel est confondu. Un récit qui montre l’exceptionnel acharnement d’un enquêteur sur plusieurs siècles, personnage qui à n’en pas douter est le précurseur de l’incroyable Paula Myo, héroïne des cycles romanesques de l’auteur et des nouvelles qui suivent.

Les aventures de Paula Myo

Le Piège à démons ” de la taille d’une novella, décrit une passionnante et complexe enquête de Paula Myo suite à l’assassinat, sur une lointaine planète agitée par un mouvement indépendantiste, de plusieurs rejetons des grandes familles du Commonwealth. Effacements de mémoire, personnalités variables, cyberpunk à tous les étages et naissance de ces étranges entités humaines nommées « multiples » qui seront développées dans la Trilogie du Vide : une enquête tendue qui fera retourner Paula Myo vers ses origines.

Avec “Manhattan à l’envers ”, mettant une nouvelle fois en scène l’enquêtrice Paula Myo, Peter F. Hamilton nous livre la plus élégante nouvelle du récit. Suite à la guerre contre l’Arpenteur décrite dans la tétralogie de Pandore, des nombreux mondes humains ont été détruits, imposant la colonisation d’autres mondes par des millions de personnes en exil. Sur l’une de ces planètes, que les xénobiologistes certifient dépourvue de forme de vie intelligente, de paisibles marsupiaux herbivores se mettent à attaquer de façon synchronisée les colons. Auraient-ils été insuffisamment étudiés, aurait-on manqué quelque chose ? Une nouvelle très humaine, à la frontière entre Jack Vance et Clifford D. Simak, avec pour thématique non seulement l’évolution de l’homme, mais aussi celle des autres espèces.

La naissance du Vide

Béni par un ange ”, dernier récit du volume, conte, sur un mode assez cyberpunk, les péripéties en rapport avec la naissance d’Inigo, le prophète qui sera à la base de la Trilogie du Vide. Ici encore, on trouve la thématique de la biononique, l’évolution de l’humanité par la fusion organique/biotechnologique tandis que commence à se profiler l’existence dématérialisée, et les réflexions et arguments des enthousiastes et des réfractaires. Un récit ici encore très classique qui plaira aux amateurs de la trilogie du Vide et constituera une bonne introduction pour ceux qui ne l’ont pas encore lue.

Un recueil plaisant

Si « Manhattan à l’envers  » ne contient aucune de ces nouvelles sidérantes qui sont destinées à hanter durablement le lecteur, il n’en est pas pour autant dépourvu d’attraits. Mêlant la science-fiction classique et le genre cyberpunk, ne délaissant pas l’action, souvent caractérisé par ces enquêtes de grande envergure qui s’apparentent au polar mais en dépassent les limites, traversé de réflexions et de questionnements intéressants sur les avenirs possibles de l’humanité, ce recueil séduira les amateurs de Peter F. Hamilton en leur présentant de nouvelles aventures de ses héros du Commonwealth, de nouvelles déclinaisons de ses thématiques fétiches. Ceux qui ne connaissent pas l’auteur trouveront à travers ces sept nouvelles, outre une bonne introduction à son œuvre, une science-fiction à la fois intelligente et distrayante.


Titre : Manhattan à l’envers (Manhattan in Reverse,2011)
Auteur : Peter F. Hamilton
Traduction de l’anglais (Grande Bretagne) : Jean-Claude Mallé, Nenad Savic, Emmanuel Tollé
Couverture : Manchu
Éditeur : Bragelonne
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 351
Format (en cm) : 15,3 x 23,7 x 2,7
Dépôt légal : novembre 2012
ISBN : 978-2-35294-612-0
Prix : 22 €



Peter F. Hamilton sur la Yozone :
- La trilogie du vide
tome I « Vide qui songe »
tome III« Vide en évolution »
- La tétralogie de Pandore
tome I « Pandore Abusée »
tome II « Pandore menacée »
- La trilogie Greg Mandel
tome I « Mindstar »
tome III « Nano »


Hilaire Alrune
17 décembre 2012


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