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Pandore Menacée
Peter F. Hamilton
Milady, traduit de l’anglais (Grande-Bretagne), avril 2010, space-opera, 695 pages, 9€

Essentiellement connu pour son monumental opus intitulé « L’Aube de la Nuit », Peter F. Hamilton est également l’auteur de deux trilogies, l’une consacrée à l’enquêteur Greg Mandel, l’autre se déroulant dans le vaste univers futur du Commonwealth. Faisant suite à « Pandore Abusée », « Pandore Menacée » poursuit la tétralogie de l’Étoile de Pandore, qui se déroule dans ce même Commonwealth, à travers six cents mondes et un peu plus de deux mille neuf cents pages.



« Pandore Menacée » se développe sur la base de l’univers et de l’intrigue mis en place au long des sept cents pages du volume précédent. Dans ce premier tome, l’Humanité des années 2380, ayant, grâce à la technologie des trous de ver, essaimé sur près de six cents planètes, découvrait dans les profondeurs de l’espace un artefact titanesque – des superstructures suffisamment vastes pour englober des étoiles – et lançait une expédition pour l’étudier. Mais à son arrivée cette impensable barrière cosmique s’effaçait, dévoilant des planètes habitées par une race intelligente qui, à peine libérée, attaquait les vaisseaux d’exploration.

Le premier volume se terminait donc en point d’orgue, et appelait une suite tout aussi ambitieuse. « Pandore Menacée » ne se limite toutefois pas, loin s’en faut, à un simple affrontement technologique entre puissances spatiales. Car la capture par les Primiens de Dudley Bose – astronome à l’origine de la découverte des sphères de Dyson et membre de la première mission d’exploration – ainsi que l’intégration de sa mémoire au sein d’une entité extra-terrestre a permis aux nouveaux ennemis de l’Humanité de s’approprier les secrets du voyage par trous de ver, qui lui donne accès aux planètes du Commonwealth. Débute alors un immense jeu d’échecs où interviennent non seulement règlements de comptes spatiaux, mais aussi combats orbitaux et guérillas planétaires.

Tout ceci ne serait guère qu’une énième redite de thèmes conventionnels si Peter F. Hamilton ne tissait au fil des chapitres une toile infiniment plus complexe que celle d’un space-opera classique. Ce conflit galactique longtemps craint, anticipé par la mise en construction d’une flotte de guerre, puis éclatant plus rapidement que prévu, est abordé également sous l’angle politique et industriel (notons ici que le chapitre consacré au partage de la manne que représente la construction de vaisseaux de guerre par les grandes familles, long d’une cinquantaine de pages, nous semble constituer le seul passage peu convaincant du roman), et également sociologique avec la description d’évacuation de planètes entières et l’apparition de groupes humains candidats à un exode irrationnel qui, compte tenu des technologies développées par les Primiens, ne pourrait ne les mettre nulle part à l’abri. De surcroît, Peter F. Hamilton décrit avec force détails l’histoire complète de cette civilisation étrangère qu’est celle des Primiens, et parvient à rendre crédible l’évolution et l’acquisition des technologies développées par une forme de vie totalement autre et selon des voies différentes de celles qui furent empruntées par les êtres humains.

Une toile complexe également car « Pandore Menacée » ne néglige pas pour autant les intrigues parallèles esquissées dans le premier volume. Ainsi, la quête d’Ozzie Fernandez Isaacs - le génial et quelque peu dément inventeur de la technologie des trous de ver - sur les mystérieux et incompréhensibles chemins entre les mondes des Silfens, qui relève à la fois de la poésie et du pur récit d’aventures, apparaît comme un contrepoint à l’aspect high-tech et essentiellement rationnel de l’intrigue principale. En compagnie d’un jeune garçon et d’un nouveau type d’extraterrestre, le Tochee, Ozzie Isaacs découvre des horizons et des phénomènes physiques inattendus.

De même, l’intrigue policière entamée dans le premier volume se poursuit à rythme soutenu. Paulo Myo, qui depuis des décennies piste le présumé terroriste Adam Elvin, à la solde des Gardiens de l’Individualité – lesquels estiment que l’humanité est secrètement sous la coupe de l’Arpenteur des Mondes, un extra-terrestre que nul n’a jamais vu et dont on ne connaît que le vaisseau échoué sur la planète Far Away – se rapproche peu à peu de sa proie. Mais, dans le jeu permanent du chat et de la souris qui s’est installée entre l’enquêtrice et Adam Elvin vient s’insérer une tierce partie, un assassin doté d’une technologie a priori inaccessible dont l’irruption redistribue les cartes, pimente considérablement l’intrigue, et ouvre des pistes toujours plus nombreuses.

Bien d’autres questions, bien d’autres intrigues secondaires viennent nourrir ce roman. Ainsi de la survie de la personnalité de l’astronome Dudley Bose dans une entité primienne, qui n’est pas sans évoquer, à rebours, le célèbre passage, dans « Eon » de Greg Bear, où le Jarte parvient à déjouer les défenses d’un être humain. Ainsi, par exemple, l’existence de l’Arpenteur des Mondes, qui n’apparaissait jusqu’alors que comme une théorie totalement délirante, se précise peu à peu. Si cette théorie ne repose sur rien d’autre que des éléments indirects, les arguments en sa faveur s’accumulent et convergent, jetant le doute dans les esprits les plus cartésiens et conduisant à de nouvelles questions. N’y aurait-il pas eu, sur la mission exploratoire initiale, un agent à la solde de cette mystérieuse entité ? Alessandra Baron, une des journalistes la plus en vue du Commonwealth, ne serait-elle pas elle aussi une créature de l’Arpenteur ? La police, les grandes familles ne seraient-elles pas également infiltrées ?

Au fil de ces questionnements et de ces intrigues, certains personnages très secondaires du premier volume prennent ici des dimensions inattendues. Ainsi de Mellanie Rescoraï qui de jeune championne de natation passablement potiche se métamorphose, grâce au soutien d’une intelligence artificielle, en journaliste à l’arrivisme implacable, puis, au cours des premiers affrontements au sol, en créature dotée de pouvoirs capables de mettre transitoirement en échec les Primiens. Il en est de même pour Justine Burnelli, auparavant décrite comme une simple aristocrate pratiquant les sports extrêmes, mais dont l’influence au sein des grandes familles se révélera prépondérante. Et la place initialement accordée à la présentation de tels personnages, qui avait pu alors apparaître excessive, trouve ici sa pleine justification.

Si « Pandore Abusée », premier volume de la quadrilogie, pouvait apparaître comme un roman appelant une suite, « Pandore Menacée » révèle plus clairement sa structure feuilletonesque, tout particulièrement avec une fin en « cliffhanger », que l’on qualifierait ici plus précisément de « waterfallhanger » puisque trois des protagonistes, à la toute dernière page et à bord d’un frêle esquif, se retrouvent, après avoir passé la limite d’une chute d’eau vertigineuse, littéralement suspendus au-dessus du vide.

Malgré cette appartenance on ne peut plus clairement revendiquée à un genre narratif au sein d’un immense space-opéra qui est déjà un genre en lui-même, « Pandore Menacée » mérite la lecture. Les qualités du premier volume se retrouvent ici à l’identique : démesure assumée de l’univers du Commonwealth, multiplicité des personnages et des points de vue, narration dense et profuse. La générosité de l’écriture de Peter F. Hamilton, son aptitude à planter avec efficacité des décors nouveaux, et souvent titanesques, séduisent une fois encore. Et son aptitude à répondre à des interrogations multiples sans jamais cesser de revenir sur d’immenses mystères – la nature de l’intelligence ayant enfermé les Primiens dans des sphères de dimensions cosmiques et celle d’un hypothétique Arpenteur exerçant son emprise sur l’Humanité – maintient sans cesse le lecteur en éveil. « Pandore Menacée » parvient donc non seulement à tenir la distance sans jamais ennuyer, mais aussi à ménager suffisamment de zones d’ombre pour donner au lecteur l’envie d’aller plus avant.


Titre : Pandore Menacée (Pandora’s Star, 2004)
Auteur : Peter F. Hamilton
Série : Étoile de Pandore (L’), tome 2 : Pandore Menacée
Traduction de l’anglais (Grande-Bretagne) : Nenad Savic
Couverture : Manchu
Éditeur : Milady (édition originale : Bragelonne
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 695
Format (en cm) : 11 x 17,9 x 3,9
Dépôt légal : avril 2010
ISBN : 978-2811200367
Prix : 9 €



Peter F. Hamilton sur la Yozone :

La critique de la tétralogie de Pandore tome I « Pandore Abusée »
La critique de la Trilogie du Vide tome I « Vide qui songe »
La critique de Greg Mandel tome I « Mindstar »
La critique de Greg Mandel tome III « Nano »


Hilaire Alrune
24 juin 2012


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