Désolé je suis, oui vraiment. Je me faisais une joie et j’étais très fier que la dame m’envoie les épreuves de son roman à paraître. Mais je n’ai pas aimé le bouquin.
D’abord et surtout il y a la forme. C’est l’histoire d’un gamin, Marquis, qui a provoqué la révolution dans ce monde du début du 24e siècle, racontée par une foultitude de personnages qui l’ont rencontré. Un peu comme dans « La Horde du Contrevent » de Damasio, roman adulé ou pas. Le seul qui n’intervient pas c’est le héros. Comme ce sont des jeunes ou des toujours jeunes, ils parlent comme tels. Fini les jolies phrases et le style élégant et poétique. Que du dialogue, vivant certes, avec des « haha » ou des « oshi ! » pour individualiser les intervenants mais je les ai tous mélangés ; il y en a trop et ils pensent presque tous pareils.
La première partie du roman se passe en pension’ (avec une apostrophe, parce que diminutif de pensionnat ?). Dès 13 ans ces encore gamins ne pensent qu’à baiser et se défoncer, baiser n’importe comment et avec n’importe qui et se défoncer à n’importe quoi. Là, Marquis se démarque du lot par ses excès dans ces deux domaines, sa crasse et sa révolte qu’il exprime en faisant une sorte de musique. Catherine Dufour est particulièrement douée pour l’écriture mais rendre la musique avec des mots, ce n’est tout simplement pas possible.
Après 2 ans dans cet endroit à la surface protégé de l’atmosphère toxique où les ados sont vaguement surveillés par les monos, Marquis disparaît et se retrouve dans les caves. On apprend alors qui est Marquis.
Les caves sont l’endroit le plus horrible, toxique et dangereux de la planète, entre les Tours des nantis qui vivent dans le monde virtuel et les suburbs qui ont leurs propres organisation, économie parallèle et système politique policier et tyrannique. C’est le même monde que celui du « Goût de l’Immortalité ».
La baise et la défonce, avec un peu de musique, continuent à être les seules activités de Marquis et des gens qui tournent autour de lui. La plupart des « rats », les habitants des caves, sont multisexuels, avec les deux sexes, qu’ils se font greffer au bon endroit ou sur le front ou ailleurs. Ce qui fait qu’on ne sait plus de quel sexe ils sont, ce qui n’empêche pas l’amour, vache en général. Marquis continue sa musique, il fait des adeptes, d’autres groupes se forment et cette expression de la révolte (la défonce, la méchanceté, le look destroy, l’amoralité) finit par gagner des milliers de jeunes.
Comme il ne se passe pas grand-chose, à part la baise, la défonce et la musique, c’est long et répétitif. On nage dans le sperme, le pipi, le caca et le vomi. Cette histoire a lieu en Extrême-Orient, avec beaucoup de vocabulaires mandchou, japonais, coréen ou sibérien qui ne font pas partie de mes humanités. Par contre ma culture de biologiste a été mise à rude épreuve à trois ou quatre reprises mais ça n’a pas d’importance, on n’est pas dans la hard science.
Alors bien sûr la construction est impeccable et, malgré sa lenteur, le talent de l’auteure vous entraîne vers une fin aussi inéluctable que prévisible.
Les dernières pages sont très belles et on retrouve enfin la qualité de l’écriture de Catherine Dufour. Le roman se termine par une espèce de générique interminable et illisible.
Je vais sans doute être des très rares à ne pas aimer ce roman mais je n’ai ni le goût ni la culture qui me permettraient de le comprendre, d’y trouver de l’humour et de l’humanité et d’en comprendre la philosophie.
Les critiques officiels et intelligents feront ce travail (lisez par exemple cette belle chronique « à la manière de » d’Oman de SFU) et y admireront un message profondément humaniste, une ode à la musique, à la liberté, un questionnement sur l’amour et la mort. Mais ce n’est pas mon ressenti. Sans doute suis-je trop vieux d’au moins une génération. Dommage pour moi.
Une interview de la dame
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