Je râlais (oui, cela m’arrive souvent) dans la chronique du premier tome sur ce positionnement flou entre littérature jeunesse et adulte. « Les filles de mai » nous avaient fait faire un bon pas dans la noirceur, et « Les adieux » marquent la bascule définitive dans l’obscur. Âmes sensibles de moins de 15 ans s’abstenir ! Après les larmes, la colère et la peur : le royaume est à genoux, les caisses vides, la grogne monte. Le roi fait des choix. Certains bons, certains mauvais. Le Thibault, on commence à le connaitre : menacer ses proches lui fait prendre son sang-froid. Et la perte de Myriam, la découverte de la nature du Passeur l’ont fortement ébranlé. Les signes se multiplient, les mystères aussi, comme cette ombre qui hante le château, laissant présager des passages secrets encore non comblés.

Ce troisième volume est donc très sombre, annonçant la chute du jeune couple face à un Mal qui n’a pas leurs limites, leur prudence, et qui mène la danse, les obligeant à suivre sa cadence. Thibault et Ema subissent, en dépit de leurs efforts. Le roi prend des décisions de plus en plus radicales, poussé par l’urgence. Un traître finit par être identifié, et révèle qu’un autre se trouve dans l’entourage direct de la couronne. Des indices sont laissés quant à la prochaine cible, comme si toute tentative de la protéger était vaine. L’autrice installe un véritable climat de tension teintée de fantastique, et révélera en toute fin qu’il n’en est rien, rien que de la malveillance purement humaine. Tout comme l’identité du traître enfin révélée nous semblera évidente, quand bien même nous n’y aurions jamais pensé.

Une nouvelle fois, Pascale Quiviger fait merveille en multipliant les points de vue, les destins. Esmée, chargée de feindre la trahison pour approcher l’Ennemi, est déchirée par son rôle qui se referme sur elle comme un piège à loups. Lysandre, privé de percepteur après la mort de Frenelles, est toujours le vecteur du Destin, dans un sens comme dans l’autre. Et enfin, la conclusion voit son flot de sang couler en marge des noces de Guillaume. Ce ne sont pas les Noces Rouges de « Game of Thrones », mais chaque mort nous perce en plein cœur. Pascale Quiviger est aussi impitoyable avec ses personnages que GRR Martin, pas un, aimé ou honni, n’est à l’abri.

On dévore ce troisième tome, pressé de voir les cieux s’éclaircir, mais l’autrice nous glisse habilement quelques mises en gardes prémonitoires et glaçantes, nous avertissant quelques pages à l’avance que les choses vont empirer. Loin de nous ralentir, cela crée un effet d’emballement, un appétit aiguisé à lever le voile sur la prochaine catastrophe. On continue pourtant d’espérer, alors que chaque tentative de Thibault semble vouée à l’échec, pire, à se retourner contre lui et son trône. Le drame atteint son paroxysme dans les dernières pages, voire la dernière ligne, alors qu’on y croyait encore.

« Courage », le 4e et dernier volume, aura un goût de cendres et de sang.

Titre : Les adieux
Série : Le Royaume de Pierre d’Angle, tome 3/4
Autrice : Pascale Quiviger
Couverture : Aurélien Police
Éditeur : Folio (édition originale : Le Rouergue, épik, 2020)
Collection : Fantasy
Site Internet : page roman (site éditeur)
Numéro : 743
Pages : 490
Format (en cm) : 18 x 11 x 2
Dépôt légal : janvier 2024
ISBN : 9782072999222
Prix : 9,90 €

L’Art du Naufrage
Les Filles de Mai
Les Adieux
Courage