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Premier fils (Le)
Roy Braverman
Hugo Publishing, collection Hugo Thrillers, thriller, 438 pages, juin 2023, 19,95€


Tout commence par un assassinat peu ordinaire. Dans le delta du Tigre, en Argentine, un enfant apparemment sans histoires est tué à l’arme de guerre. Un fusil de sniper – un redoutable M40A3 – bientôt retrouvé sur le lieu même du tir, avec deux balles non percutées de calibre 7.65 portant le sigle TFS, lequel ne correspond à aucun fabriquant de munitions. À Saint Pierre et Miquelon un second enfant est tué selon le même modus operandi. Un troisième près de Marseille. À chaque fois, le tueur signe ses crimes en abandonnant, comme une signature, le même type de fusil d’assaut accompagné de munitions semblables. L’inspecteur Karakozian, témoin du troisième crime – il surveillait alors le père et le grand-père de l’enfant, de sulfureux marchands d’armes – ne tarde pas à faire le lien et à réaliser que ces trois crimes ne sont pas isolés.

Une investigatrice argentine qui est une véritable tigresse, un trafiquant d’armes rendu fou par la douleur, un programme de protection de témoins, des embrouilles entre les services israéliens – le Mossad, le Shabak et l’Aman –, la CIA, les renseignements libanais, les ONG en Palestine, les anciens de l’ETA et autres mouvements et factions vont dès lors s’entrecroiser en un kaléidoscope constellé de morts violentes au sein duquel Karakozian trouvera bien du fil à retordre avant de comprendre – nous ne révélons rien puisque la quatrième de couverture le précise – que beaucoup converge vers un dramatique épisode remontant aux années deux mille et dont tout un chacun se souvient, une scène filmée par des caméras de télévision dans le contexte des éternels affrontements israélo-palestiniens. On connaît Braverman  : pas de temps mort, une tendance à forcer le trait, des personnages généreux, des dialogues qui fonctionnent, des répliques qui tuent. Saint Pierre et Miquelon, l’Arménie et le Pays Basque, la bande de Gaza et l’Argentine, le panorama est riche et généreux, et le lecteur apprendra ici et là détails architecturaux, des liens historiques et des spécificités culinaires dont la connaissance pourra toujours être utile.

Pour tenir une cadence quelque peu effrénée, difficile d’échapper aux clichés du genre. Impossible de circuler en périphérie de Paris sans être pris pour cible par des tueurs à moto, de prendre le train sans être abordé par un agent d’une puissance étrangère, de séjourner à l’hôtel sans être déjà sous écoute, sous surveillance et bientôt kidnappé, d’écarter ses propres rideaux ou ceux des autres sans apercevoir une camionnette de « plombiers », ou de ne pas reconnaître à un détail révélateur, dans un aéroport bondé, les mille et un agents ou barbouzes pourtant formés à se fondre dans la foule.

Le lecteur attentif pourra nourrir quelques soupçons concernant l’identité du tueur et les voir confirmés par l’artifice, quelque peu capillotracté, permettant à celui-ci de n’être pas démasqué d’emblée par Karakozian. La pierre fragile d’un édifice qui, dès lors que l’on prend un minimum de recul, ne semble guère inébranlable mais peu importe : comme dans un épisode de « Mission Impossible », le rythme l’emporte sur la vraisemblance. On se déplace d’un bout à l’autre du globe pour s’entretenir avec des collègues ou examiner une scène de crime comme si les budgets des polices ou les finances personnelles des agents étaient illimités et l’on se traque d’un continent à l’autre et de pays en pays comme dans un simple jeu de piste. Un rythme et des dépaysements qui ne cessent d’accélérer et de monter en tension jusqu’à des scènes finales très cinématographiques.

Nombreux sont les lecteurs de Roy Braverman à garder un souvenir particulier de « Crow », et à attendre de sa part un nouvel ouvrage aussi marquant. Si, malgré une conclusion philosophique à vocation universelle, « Le Premier fils » n’a pas cette ambition, il brasse, pour composer les destins de ses personnages, un vaste éventail d’acteurs étatiques et de courants historiques. Richement documenté, ce « Premier fils » confirme ce que l’on savait déjà : contrairement à nombre d’auteurs de genre dont le lecteur finit par avoir le sentiment de lire toujours le même livre, Braverman varie sans cesse ses schémas, ses approches, ses contextes, ses ambiances, ses intrigues, et apporte à chaque fois quelque chose de différent. Thriller à rebondissements, ce « Premier fils », inscrit dans la douloureuse histoire du siècle, apparaît donc comme une bonne lecture pour l’été.


Titre : Le Premier fils
Auteur : Roy Braverman
Couverture : Getty Images / ImagePatch / R. Pépin
Éditeur : Hugo Publishing
Collection : Hugo Thriller
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 438
Format (en cm) :14 x 21
Dépôt légal : juin 2023
ISBN : 9782755665130
Prix : 19.95 €



Roy Braverman sur la Yozone :

- « Hunter » de Roy Braverman
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- « Manhattan Sunset » de Roy Braverman
- « Pasakukoo » de Roy Braverman
- « Le cas Chakkamuk » de Roy Braverman
- « Le dossier iO » (sous le pseudonyme de Hugo Tosi)



Hilaire Alrune
29 juin 2023


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