Pour ce polar historique, Olivier Barde-Cabuçon nous envoie dans les États-Unis en septembre 1941, alors qu’une grande partie de l’Europe est tombée sous le joug nazi. De l’autre côté de l’Atlantique, ils sont nombreux à se contenter de regarder les événements sans vouloir y participer. Qu’y aurait-il à gagner, à part de nombreux morts américains ? America First milite en faveur de la non intervention et s’oppose au président Roosevelt. Un petit studio est chargé de tourner un film pour changer les choses, montrer le vrai visage des Nazis et le danger qu’ils représentent. La star Lala est même prêtée pour l’occasion. Peut-être le point faible qui pourrait faire achopper le projet. C’est là que Vicky Mallone intervient. Grande, belle à sa manière et qui ne s’en laisse pas conter, cette privée n’a pas peur des embrouilles, elle semble même s’y jeter tête la première comme le prouvent les quelques passages où un tiers lui sauve la mise. Elle rencontre rapidement un homme de l’ombre, Arkel, qui lui confie par bribes les raisons de son embauche et les enjeux de ce film qui dérange.
Vicky connait Hollywood, elle a tenté sans succès d’y percer, victime de plus d’une main baladeuse. Dans ce milieu, une femme désirant faire carrière est bien peu de choses. Elle le sait, tout comme la faculté d’un acteur à jouer la comédie et donner le change tout en mentant. Elle dépasse rapidement ses prérogatives, creuse pour savoir la vraie raison de sa présence, même si la vérité doit la blesser. Et elle sera servie à plus d’une occasion !
Comme pour ses autres romans, Olivier Barde-Cabuçon insère son intrigue dans l’Histoire. Si Lana Lass, dite Lala, n’est qu’invention pour les besoins du récit, il n’en est pas de même des nombreux personnages croisés, au premier chef Errol Flynn qui n’a de cesse de séduire Vicky, fascinée malgré elle par cet homme hors normes qui a tout connu et se permet toutes les excentricités. Au studio ou lors d’une soirée, les grands noms s’enchaînent et ne peuvent que faire rêver les lecteurs : Marlene Dietrich, Rita Hayworth... Les pages de « Hollywood s’en va en guerre » abritent du beau monde, fiction et réalité sont étroitement imbriquées, laissant plus d’une fois place au doute quant à l’existence réelle de protagonistes. L’auteur est passé maître en la matière et c’est notamment pourquoi il est si plaisant de le suivre.
L’Histoire est bien sûr au cœur du roman avec cette Amérique scindée en deux camps antagonistes, avec le milieu du cinéma à Hollywood qui fascine toujours, fait rêver. Et le tout, alors qu’une vague de puritanisme balaie le pays. En exergue de chaque chapitre figure un principe du code Hays en vigueur à l’époque dans l’industrie cinématographique. La censure veillait à ce que rien ne puisse heurter les spectateurs, préoccupations bien loin des frasques du milieu.
« Hollywood s’en va en guerre » rend aussi hommage au polar hard-boiled avec ses détectives privés durs à cuire, ses truands et femmes fatales. Vicky Mallone n’a pas froid aux yeux, ne recule pas face au danger et prouve qu’elle n’a rien à envier à ses homologues masculins. Elle aime les femmes et ce n’est pas un pasteur fanatique qui pourra la changer, elle apprécie aussi lever le coude. C’est une femme forte, mystérieuse et fascinante à plus d’un titre. Avec Lala, le lecteur découvre la face cachée du succès, toutes les concessions à faire pour rester au sommet. Rien n’est jamais acquis dans ce milieu et les questions de Vicky dérangent, surtout qu’elle n’a pas de limites.
Avec brio, « Hollywood s’en va en guerre » mêle polar et Histoire. Sa lecture se révèle enrichissante pour la culture personnelle, aussi bien du point de vue politique que culturel avec le coup de projecteur sur la fabrique à rêves hollywoodienne, sans que la distraction ne soit jamais oubliée. Et quel meilleur vecteur qu’une détective privée pour visiter cette époque charnière, d’autant que la place d’une femme était alors peu considérée ?
Un roman fascinant à bien des points de vue, une nouvelle plongée dans le passé brillamment orchestrée par Olivier Barde-Cabuçon.
Titre : Hollywood s’en va en guerre
Auteur : Olivier Barde-Cabuçon
Couverture : D’après photo du film The Mask of Fu Manchu de Charles Brabin, 1932. Photo © Collection Christophel./ Production MGM.
Éditeur : Gallimard (Première édition : Gallimard Série Noire, 2023)
Collection : Folio Policier
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 412
Format (en cm) : 10,8 x 17,8
Dépôt légal : avril 2024
ISBN : 9782073044471
Prix : 8,90 €
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