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Summerland
Hannu Rajaniemi
Gallimard, Folio SF, n°745, roman traduit de l’anglais (Finlande), Science-Fiction, 408 pages, janvier 2024, 9,90€

1938. La Grande Guerre a pris fin, mais les grandes puissances s’affrontent sur un nouveau terrain : l’au-delà. Mourir n’est plus une fatalité, du moins une finalité, car détenir un ticket pour l’après-vie revient à renaître à Summerland dans une existence détachée des contingences matérielles avec la possibilité d’interagir avec les vivants. Beaucoup y voient une porte de sortie enviable, n’hésitant pas à prendre des risques inutiles.
Rachel White, une agente britannique du SIS, apprend qu’une taupe soviétique figurerait dans leurs rangs. Problème : cet espion est plus ou moins intouchable de par ses origines et puis il est mort, donc agit à partir de Summerland.



Hannu Rajaniemi est un auteur finlandais vivant aux États-Unis. Après « Le voleur quantique » chez Bragelonne, c’est son second livre traduit en français.
Dès le début, « Summerland » s’avère déstabilisant avec son mélange de genres. Le lecteur a affaire à un roman d’espionnage avec Rachel White qui a mis le nez dans un sacré sac d’embrouilles, lui valant une mise au placard rapide. Agents doubles, filatures, rencontres secrètes... tout y est ! Par contre, le cadre détonne : l’année 1938 s’avère bien différente de celle que nous connaissons, la Grande Guerre a bien eu lieu avec son florilège d’armes dévastatrices, inhumaines, mais encore un cran au-dessus avec l’utilisation d’armes éthériques. Le mari de Rachel White qui appartenait à un tel corps d’armée peine à retrouver une vie normale, à avouer toute l’horreur de tels combats. Le lecteur va ainsi de surprise en surprise, car l’auteur ne dévoile pas le contexte d’un coup mais à petites touches permettant de mieux appréhender cette uchronie et notamment son point de divergence avec la découverte des âmes éthériques et cet au-delà accessible. Le drame ne se joue plus uniquement en surface mais aussi dans cet ailleurs évanescent, intangible. Les Services secrets britanniques se déclinent en deux sections : la cour d’hiver et celle d’été, la seconde étant la division en Summerland, sa dénomination donnant une idée de cette après-vie qui fait envie à beaucoup.
Mourir n’est plus une fatalité, car il y a un au-delà enviable avec la possibilité de se déplacer dans les airs, de toujours interagir avec la surface en empruntant le corps d’un médium ou dans le corps d’un automate éthérique. Le rapport avec la mort diffère pour chaque individu, la possession d’un ticket selon ses mérites revient à en faire fi. Le vrai courage n’est-il pas de s’en défaire pour vivre pleinement ?

Hannu Rajaniemi joue des possibilités de sa création et donne à son intrigue autour du milieu de l’espionnage bien des développements intéressants et attractifs, notamment avec le Dieu technologique du bloc Soviétique. Des figures connues s’invitent aussi dans ses pages : Djougachvili (Staline évincé de sa patrie) apparaît lors de la guerre civile espagnole, le premier ministre anglais, écrivain à se débuts, se nomme H. B. West et certains de ses ouvrages ont des titres détournés bien connus...

Hannu Rajaniemi développe toute son histoire dans une uchronie née de la découverte d’un au-delà accessible et enviable. Il interpelle le lecteur sur cette possibilité : comment chacun de nous appréhenderait-il sa vie dans de telles conditions ? « Summerland » est un concentré d’inventivité, de clins d’œils référentiels, d’action... l’auteur régale, sans jamais lasser. Une fois apprivoisé, il est si facile de s’abandonner à ce récit vivant, jouant avec une pseudo-science qui a fait couler beaucoup d’encre dans la première moitié du XXè siècle. D’ailleurs, l’auteur ne manque pas d’évoquer Conan Doyle à un moment.
De par son mélange des genres, entre espionnage et uchronie éthérique bien sentie,« Summerland » s’avère dépaysant en diable. Un vrai plaisir de lecture !
Et voilà un auteur que l’on espère retrouver. Et pourquoi pas à travers une nouvelle chance donnée à la trilogie « Jean le Flambeur », dont seul le premier tome « Le Voleur quantique » - même pas repris en poche ! - a été traduit ?


Titre : Summerland (2018)
Auteur : Hannu Rajaniemi
Couverture : Anne-Gaëlle Amiot
Traduction de l’anglais (Finlande) : Annaïg Houesnard
Éditeur : Gallimard (1ère édition : ActuSF, 2022)
Collection : Folio SF
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 408
Format (en cm) : 10,8 x 17,8
Dépôt légal : janvier 2024
ISBN : 9782072989537
Prix : 9,90 €


Pour contacter l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
5 mars 2024


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