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Lune et de Sang (De), tome 2 : De Silence et d’Ombre
Erin Beaty
Lumen, roman (USA), thriller fantastique, 624 pages, février 2024, 17€

Catrin et Simon se sont réfugiés à Londunium. Ils espèrent y étudier la médecine à l’akademium selenae, et Catrin pourra apprendre à maîtriser sa magie lunaire. Hélas, le conseil qui dirige la communauté selenae n’est pas très ouvert aux Hadriens, et la relation entre les deux jeunes gens est source de tension. Caerus, leur chef, est cependant très intéressé par la puissance de Catrin. Par contre, la médecin légiste, Hespera, est assez cassante et hostile.
En ville, Simon et Catrin on fait la connaissance d’un sergent, Martin, qui les informe que de nombreux meurtres étranges, non résolus, pourraient être selon lui l’affaire d’un seul assassin. Fort de leur expérience, les deux jeunes gens lui prêtent main-forte, au détriment des règles sévères de la ville et des Selenae.



On ne change pas une bonne recette : comme dans « De Lune et de sang », Erin Beaty mélange adroitement romance compliquée, fantasy historique et thriller.

Ce sont les deux premiers genres qui occupent le début du récit : arrivés à Londunium, Catrin et Simon pensent pouvoir rester ensemble, même s’ils se doutent que les Selenae ne seront pas de cet avis. La communauté de la Nuit, souvent mise à mal par les Hadriens, leur fait peu confiance. Si l’akademium forment des médecins hadriens, et qu’ils se mettent au service de tous, la préférence va à leur peuple. un petit mensonge de nos héros va avoir de multiples conséquences : ils se prétendent mariés pour obliger le conseil à accepter Simon.
Bien évidemment, cela va les obliger à jouer la comédie. Mais en est-ce vraiment ? Catrin s’interroge, sur ses sentiments, et ceux de Simon, qu’il ne laisse pas transparaître. Maladroits tous les deux, ils vont essayer de sauter le pas, se rater, se méprendre... La capacité de Catrin à lire dans les pensées, mais leur incapacité à se parler, ou leur habitude de trop réfléchir et surinterpréter, tout cela va s’ajouter aux multiples rebondissements de l’intrigue. Cerise sur le gâteau, comme ils vivent décalés, lui le jour et elle la nuit, réduit les occasions d’ouvrir son cœur.

Et bien sûr, il y a les meurtres : des gens torturés retrouvés dans la forêt. Grâce à sa magie du sang exacerbée, Catrin peut aiguiller l’enquête. Je vais m’efforcer de ne pas trop en dire : comme dans le tome précédent, et tout bon thriller qui se respecte, les autorités piétinent, se trompent de coupable, nos héros empiètent sur leurs droits et s’ils découvrent de nouveaux indices décisifs, ils s’attirent des ennuis.
Il est cependant plaisant, dans une narration focalisée sur Catrin, de la voir prise en défaut régulièrement par d’autres, notamment Hespera. Il faut dire que ce second volume abonde en gens intelligents, notamment à la tête de l’akademium. Intelligents, rivaux et cachottiers. Caerus semble prendre le parti de Catrin, mais ne cache pas son rejet de Simon, tandis qu’Hespera est très exigeante avec la jeune sang-mêlé, comme si elle voulait la pousser à bout pour qu’elle abandonne tout et quitte la ville. Il faudra du temps à Catrin pour déceler les pièges et les coups de main discrets venant des uns et des autres.

Au cœur de toute l’intrigue, tant policière que sentimentale, les pierres de souvenir et la capacité d’Hespera s’effacer la mémoire des gens. Si une scène centrale de pilonnage des pierres est un peu trop hollywoodienne pour que le lecteur ne comprenne immédiatement qu’il y a un loup, la variété des usages qui en sont fait permet au récit de toucher à toutes les émotions, de la nostalgie au soulagement.

Autre brin que l’autrice tresse à la perfection dans sa trame, la quête de la femme de Thomas, le père de substitution de Catrin. Heureux hasard de la fiction oblige, Catrin rencontre Philippa, la nièce d’une victime, qui s’avère la fille de Thomas, et comme une sorte de demi-sœur. Si leur relation, après cette révélation (et d’autres) a des hauts et des bas, elle offre aussi à l’héroïne une amie de son âge, elle aussi abimée par la vie, avec qui parler (de Simon, notamment).

Un dernier mot sur la forme : l’illustration de couverture est très belle (même si Catrin est plus châtain que brune), et l’embossage avec vernis sélectif, du plus bel effet. Sur le texte, vu qu’une seule coquille, une phrase un peu bancale, et un petit oubli au début du chapitre 34 : Londres au lieu de Londiunium (si jamais vous n’aviez pas fait le rapprochement). Les autres noms de lieu sont assez faciles à associer (la Tamise sans i, un pays en Eire... qui exporte des rouquins, etc), et ancrent encore davantage l’histoire dans une Europe médiévale, post-chute de l’empire romain, entre élévation de cathédrales et oppression d’une minorité détentrice d’un savoir médical ancestral. Vous avez tout ? Je butais sur Collis, le blog de l’autrice dévoile son inspiration : Laon...

Donc, malgré deux ficelles scénaristiques un peu grosses, quelques difficultés parfois à comprendre si on est le jour ou la nuit (et surtout si la lune est levée), des points techniques un peu complexes sur les pierres magiques, j’ai adoré ce second tome, dense, trépidant et plein de pièges, certains pour nous permettre d’avoir un temps d’avance sur les héros, et d’autres pour nous laisser mariner en plein doute. Le côté thriller est vraiment terrifiant, encore une fois digne de criminels contemporains, et l’aspect romance, encore embrouilles et première fois tant attendue, est loin d’être déplaisant. La fantasy historique fait son très bon office de liant de tout cela, et le résultat a été dévoré en trois jours, à mon grand dam, puisque l’histoire de Cat et Simon s’arrêtera là. Mais quel feu d’artifice !


Titre : De Silence et d’Ombre (silence and shadow, 2023)
Série : De lune et de sang, tome 2/2
Autrice : Erin Beaty
Traduction de l’anglais (Etats-Unis) : Marie Kempf
Couverture : Sasha Vinogradova
Éditeur : Lumen
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 624
Format (en cm) : 22,5 x 14 x 4,5
Dépôt légal : février 2024
ISBN : 9782371024069
Prix : 17 €



Nicolas Soffray
8 février 2024


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