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Remnant Chronicles (the), tome 2 : The Heart of Betrayal
Mary E. Pearson
La Martinière, Fiction J, roman (USA), fantasy, 472 pages, mai 2022, 20€

A la fin du premier tome, « The Kiss of Deception », nous avions laissé Lia et Rafe captifs de Kaden, dans la capitale de Venda, au-delà d’un fleuve qui empêchait toute évasion.
Kaden a désobéi au Komizar, leur chef, en ramenant une captive. Il prétexte le don de Lia autant que son statut de princesse pour justifier qu’elle pourrait avoir de l’importance vivante plutôt que morte. Rafe cache son identité, se fait passer pour un émissaire du prince venu nouer une alliance. Mais le Komizar est un chef retors et cruel, qui entend bien les utiliser pour parvenir à ses fins. Pour les deux amoureux, il va falloir jouer serré, en espérant que les hommes de Rafe parviennent à les sortir de là... Le ballet des mensonges et des masques peut reprendre.



Comme je l’écrivais, le tour de force et l’originalité de « The Kiss of Deception » tenait, un long moment, au jeux de masques : le lecteur ignore qui, de Rafe ou de Kaden, est le prince et qui l’assassin, et les sentiments de Lia pour les deux brouillent aussi les cartes. Dans ce second volume, les identités sont bien claires pour le lecteur, aussi Mary Pearson va-t-elle baser toute la tension narrative sur d’autres non-dits.

Pour assurer la survie de Lia, Kaden la fait donc passer pour un atout, et convainc le Komizar, qui est à la fois son chef suprême et son mentor, de son utilité. Entre les deux hommes, très liés, il y a de la loyauté, que Kaden écorne un peu en transgressant cette règle sur les prisonniers, et de la fidélité. Mais la société vendaine, sous l’impulsion de son komizar actuel, est très fortement tournée vers la guerre, et le chef exige une obéissance aveugle et pas de commentaire. Toute incartade ou remise en cause se solde souvent par une exécution sommaire. Lia et Rafe se retrouvent au milieu du premier cercle de pouvoir, au palais où vivent les rahtans, les 10 soldats les plus fidèles, les capitaines et les gouverneurs en visite : toute la cour du komizar, qui tremble et obéit. Ils doivent donner le change : Rafe se fait donc passer pour un émissaire secret du prince, et minimise sa passion pour Lia, « une histoire d’été » pour ne pas s’attirer les foudres de Kaden. La princesse encaisse le coup, le premier mensonge d’une longue série pour tromper la vigilance des Vendains.

Si les Vendains ne sont pas tous les barbares qu’on décrit à Morrighan, Lia découvre une société très pauvre, pressurée par les ambitions militaires du Komizar. Ses rencontres, guidées par Calantha, une femme proche du chef au rôle trouble, la conduisent à un clan en particulier, qui voit dans son tatouage de mariage, qui refuse de s’effacer, le signe attendu de la Chanson de Venda. Lia devient un symbole, que le komizar va s’empresser d’exploiter. Elle va entre dans son jeu, espérant en tirer quelques miettes, mais si l’homme sait parfois être tendre, il reste constamment sur ses gardes et ne lui fait que très très peu confiance.

Les épées de Damoclès sont nombreuses au-dessus de la tête des héros : d’abord 30 jours pour vérifier le mensonge de Rafe, qui prétend le roi de la Dalbreck mourant, puis c’est l’annonce du stratagème du komizar (dont je ne vous dit rien) qui réduit à moins de 6 jours le temps imparti aux hommes du prince pour les sauver. Si parfois les jours passent « vite », la proximité de l’échéance fait monter la tension, autant que les coups de poker de Lia pour détourner l’attention et garantir sa sécurité au milieu de toutes ces brutes, surtout quand Kaden est envoyé en mission au loin. Mais la princesse a de la ressource, et compte bien que ses adversaires la sous-estiment. Ce qui n’est pas le cas du komizar...

Sur la trame sentimentale, on s’en doute, les choses ne sont pas simples. Lia est éperdument amoureuse de Rafe, et c’est pour cela qu’elle accepte chaque risque de leur jeu dangereux. Mais Kaden est aussi amoureux d’elle, malgré son serment, malgré son rang, malgré son éducation. Il va donc s’efforcer de protéger Lia jusqu’à ce que le komizar joue au plus fin pour tester sa loyauté. Lia joue également un peu avec ses sentiments, refusant ses avances mais ne refermant pas toutes les portes, et cela entretient son illusion. Enfin, nous en apprendrons beaucoup sur sa jeunesse et ses motivations, notamment, attention, qu’il a lui aussi le don, et que cela l’entretient dans ses espoirs.

Lia a été encouragée par les Vagabonds à cultiver son don. Chose plus facile à dire qu’à faire. Elle s’intéresse davantage aux mythes fondateurs des royaumes, grâce au petit livret qu’elle a volé et traduit, et elle découvre que dans les catacombes, des gens encapuchonnés trient des immenses bibliothèques des Anciens, utilisant certains savoirs, brûlant le reste. Quelques révélations de ce côté, qui trouveront réponses dans le tome 3, mais qui achèvent de dessiller Lia quant aux méandres de la politique et la probité des conseillers de son père. De son côté, elle met en pratique les consignes du komizar : galvaniser le peuple et faire croître la ferveur populaire. Entre son prénom et son tatouage qui la désignent comme déclencheur de la prophétie, Lia s’attire l’adhésion des petites gens si pressurés par le komizar. Et elle différencie clairement les va-t’en-guerre de ses pauvres malheureux affamés, privés de tout au nom de l’effort de guerre.

Mais l’autrice, via son charismatique komizar, parvient régulièrement à nous faire adopter le point de vue vendain, un royaume immense, pauvre et désertique, longtemps rejeté par ses opulents voisins. J’ai toujours quelques petits soucis avec les distances et la géographie, mais on saisit mieux le sentiment de revanche qui les anime. Même si la guerre, et ici la guerre totale, préparée à tout prix, n’est pas la solution.

Les derniers chapitres forment un climax sous encore plus haute tension, puisque tous les plans se télescopent pour le meilleur mais surtout le pire. Difficile d’attendre avant de lire la suite, ce qui je vais m’empresser de faire.

Dans ce second tome, Mary Pearson ne peut donc pas réitérer le jeu de masques des personnages principaux, mais elle y substitue une tension politique forte et des plans secrets d’un adversaire retors, qui sait enfoncer des coins dans chaque faiblesse de ses opposants. Entre la fausse identité de Rafe et les mensonges de Lia, c’est un autre bal masqué qui se joue sur le fil du rasoir, avec la vie comme enjeu. Allié à la découverte de la société locale et le développement de la mythologie fondatrice, c’est plus que suffisant pour produite un second tome captivant.


Titre : The Heart of Betrayal (the heart of betrayal, 2015)
Série : The Remnant Chronicles, livre 2/3
Autrice : Mary E. Pearson
Traduction de l’anglais (Etats-Unis) : Alison Jacquet-Robert
Couverture : Clémence Courot
Éditeur : La Martinière
Collection : Fiction J
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 472
Format (en cm) : 21,5 x 14,5 x 3,5
Dépôt légal : mai 2022
ISBN : 9782732499086
Prix : 20 €


The Remnant Chronicles
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Nicolas Soffray
8 juin 2023


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