C’est depuis quelques années le grand retour du cosy mystery. La regrettée M.C. Beaton a rouvert un sillon tracée par Agatha Christie et Ngaio Marsh, et tout le monde s’y met (même en France). La série du « Chat du bibliothécaire », avec déjà 4 tomes parus et traduits, rencontre chez nous un petit succès, et aux USA un gros.
Tous les ingrédients sont sur la table, et la recette exécutée sans fausse note. L’auteur Dean James a même pris un pseudo féminin pour mieux coller aux attentes du lectorat du genre. Son détective est un quinqua tranquille, à la vie pépère et bien réglée, un homme intelligent, affable et calme, qui comme originalité un GROS CHAT, un maine coon qu’on confondrait presque avec un petit chien ou un lynx, et qui attire neuf fois sur dix la sympathie des gens.
L’intrigue se développe gentiment, tandis que Godfrey revient inquiéter ses anciens camarades de lycée en imposant de nouveau sa loi et ses désirs, dont le principal serait de ramener Justin avec lui en Californie. Alors que Charlie essaie de jouer les médiateurs, on voit fleurir les personnages qui préféreraient voir Godfrey mort : la mère de Justin qui a « fauté » avec lui 18 ans plus tôt, son mari qui est pasteur, la librairie du centre-ville à qui il a fait rater de super ventes en refusant de dédicacer chez elle, le directeur de l’université à qui Godfrey a volé sa femme...
Charlie, natif d’Athena mais n’y habitant que depuis peu, use de son affabilité, de ses racines et de son chat pour mener sa petite enquête en interrogeant les piliers de la communauté, la bibliothécaire, la pâtissière, la secrétaire de son chef - une vraie pipelette. Une piste sérieuse émerge lorsqu’il reçoit les œuvres de Godfrey, auxquelles s’ajoute un carton de sa correspondance avec ses fans... et un mystérieux inconnu qui écrivait ses livres ! Après nous avoir répété tant et tant qu’il avait changé de style pour écrire du thriller sombre et sanglant, on n’est guère surpris par ce genre de rebondissement. Mais cela fait un suspect de plus...
Rien de bien neuf, donc, mais une intrigue rondement menée, pleine de fausses pistes. On appréciera (ou pas) la description par le détail du train-train un peu chamboulé de Charlie : l’auteur accorde une place convenable aux gestes du quotidien, donnant du réalisme à cette histoire. En effet, Charlie ne se change pas brutalement en enquêteur chevronné. Il va au travail, tient sa maison (enfin, sa gouvernante fait l’essentiel), se brosse les dents, s’habille, se change... On suit la routine de tous les jours, jusqu’aux passages de Diesel dans sa litière ou à sa gamelle. On ne le voit jamais enlever des poils de chat de ses vêtements, c’est peut-être la seule incohérence ! Les esprits chagrins noteront que notre détective contemporain, à l’image de ses modèles classiques, est à l’abri du besoin et dégagé d’une bonne part des contingences matérielles, ce qui lui donne une assez grande liberté d’action. Tellement qu’en une occasion, une petite incohérence le fait rentrer chez lui (avec son chat) alors qu’il est censé rester à son travail (et entre autres attendre que la police vienne récupérer des preuves).
C’est donc un bon roman de plage ou de soirée d’hiver au coin du feu, un page-turner agréable, qui fera frétiller les petites cellules grises juste ce qu’il faut, mais sans jamais non plus faire lever un sourcil trop haut. Une lecture détente, sympathique, intemporelle et aussitôt oubliable. Exactement ce qu’on lui demande.
Titre : Succès mortel (murder past due, 2010)
Série : Le Chat du bibliothécaire, tome 1
Auteur : Miranda (Dean) James
Traduction de l’anglais (USA) : Guillaume Le Pennec
Couverture : Studio J’ai Lu
Éditeur : J’ai Lu (édition originale : J’ai Lu, 2021)
Site Internet : page roman (site éditeur)
Numéro : 13678
Pages : 378
Format (en cm) : 18 x 11 x 1,2
Dépôt légal : janvier 2023
ISBN : 9782290388341
Prix : 7,50 €
PS : Charlie est décrit comme « bibliothécaire et archiviste », ce qui est une hérésie : en fait il catalogue des ouvrages universitaires et les dons faits à l’université. Et pas bien vite.
Une poignée de scories relevées, rien de bien méchant.