Avec « L’enfant étoile », Katrine Engberg a signé son premier roman en 2016. Un polar scandinave de plus, pourrait-on penser, danois en la circonstance. Le lecteur se retrouve vite en terrain connu avec un personnage central Jeppe Kørner de retour d’un long arrêt pour dépression (sa femme l’a quitté !). Il a du mal à tenir la pression, manger est un calvaire, il dort mal, son dos le fait souffrir (douleur fantôme ?), il carbure aux cachets anti-douleurs, mais ne sombre pas dans l’alcool. Voilà le genre de personnes souvent croisées dans un polar scandinave et pourtant cela fonctionne quasiment toujours, car la mécanique du récit en appelle au passé, à des secrets enfouis et tus, alors qu’ils expliquent grandement les meurtres. « L’enfant étoile » ne déroge pas à la règle et attrape rapidement le lecteur dans les mailles de son filet.
Jeppe et Anette doivent se confronter à des interlocuteurs peu loquaces, aux importants egos, comme le père de la victime dévasté par le chagrin mais qui livre peu d’informations et notamment à Kingo, un écrivain qui a eu accès au manuscrit d’Esther et connaissait donc le déroulement du crime à venir. Anette est du type sanguin, monte vite dans les tours quand elle sent que l’on se fout d’elle. L’équipe autour des deux se révèle pour le moins disparate, mais le lecteur sent que Katrine Engberg est appelée à la faire évoluer, qu’ils ne sont pas là pour un petit tour et puis s’en va. D’ailleurs, Fleuve Noir publie en même temps « Le papillon de verre », une nouvelle enquête de Jeppe et Annette.
L’intrigue est particulièrement retorse, trouver le coupable tient longtemps de la gageure et finalement c’est loin d’être aussi simple qu’il le semblait. L’affaire se révèle complexe, embrouillée au fil des informations glanées à droite à gauche, difficiles à soutirer aux intervenants qui refusent souvent de remuer un passé qui apparaît sordide. Quel facteur a déclenché ce meurtre ? Des hypothèses sont échafaudées, souvent des impasses, mais l’enquête avance par paliers, cernant au fur et à mesure des points sensibles et dérangeants. La conclusion ne déçoit pas, elle met le doigt sur le point de départ de l’ensemble, l’élément qui débouche sur l’imbroglio sanglant.
Jeppe passe par toutes les émotions dans ce roman. Le temps d’une rencontre, il retrouve une énergie et une envie qu’il pensait définitivement enfouies. Il est peut-être temps pour lui de tourner la page, de laisser partir son ex-femme vers une vie où elle pourra enfin s’épanouir. Il n’en finit pas moins rincé, totalement épuisé, mais semble-t-il prêt pour un nouveau départ dans l’existence. En général, le lecteur s’attache à ces personnages scandinaves torturés, mis à mal par la vie, peinant à l’affronter mais faisant face, écoutant leur devoir envers et contre tout. Katrine Engberg connaît ses classiques et se les approprie très bien, apportant sa propre sensibilité, sa patte qui fait mouche dès le premier essai et qui donne envie de poursuivre le chemin aux côtés de Jeppe et Anette.
Dans la lignée des polars scandinaves, Katrine Engberg signe avec « L’enfant étoile » un premier roman attractif, bien construit et qui ménage le suspense jusqu’au bout. Une auteure à suivre et qui montre une fois de plus l’important vivier scandinave en la matière.
Titre : L’enfant étoile (Krokodillevogteren, 2016)
Auteur : Katrine Engberg
Traduction du danois : Catherine Renaud
Couverture : Nicolas Caminade
Éditeur : Pocket (1ère édition : Fleuve Noir, 2021)
Collection : Thriller
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 464
Format (en cm) : 10,8 x 17,7
Dépôt légal : février 2022
ISBN : 9782266324755
Prix : 8,20 €
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