Le succès est au rendez-vous, mais Ellis a d’autres plans en tête. Il fait imploser “Stormwatch” pour mieux mettre en place “The Authority”, toujours avec Jenny Sparks et Jack Hawksmoor, auxquels il adjoint Apollo, Midnighter ou le Docteur Swift, une palette de personnages aux pouvoirs extraordinaires et aux parts d’ombre très intéressantes. Surtout, il travaille avec Brian Hitch pour le dessin, beaucoup plus spectaculaire que Tom Raney qui opérait sur “Stormwatch”.
Du Porteur, leur vaisseau évoluant entre les dimensions, l’équipe d’Authority entre dans celle des peurs engendrées par l’approche du nouveau millénaire, dont le terrorisme de masse. Aucun pays de la planète ne sera à l’abri des idées folles de Warren Ellis qui cherche aussi bien de très vieilles civilisations enfouies dans les méandres du passé que des terres alternatives ou des menaces extraterrestres pour mettre à feu et à sang notre bonne vieille Terre. Avec une Jenny Sparks, au parlé toujours aussi fleuri, qui sait rappeler aux politiques qu’elle viendra leur botter le cul s’ils intriguent et complotent contre les intérêts de la planète. Par des découpages spectaculaires et de nombreuses doubles pages explosives, Ellis et Hitch poussent les comics vers une nouvelle ère. Une énorme réussite.
Et vient ensuite “Planetary”, série passionnante que le scénariste a réalisé avec l’impressionnant dessinateur John Cassaday, dans les derniers spasmes du XXe siècle. Warren Ellis y ausculte les légendes de la pop culture (Godzilla, Doc Savage, Lovecraft, Wonder Woman, Sherlock Holmes,...), cassant, démontant, ré-associant les grands mythes passés pour les exposer à cette nouvelle ère, celle de tous les dangers, qu’il imagine avec toute la démesure qui fait sa marque de fabrique. Puis il met en abyme l’histoire du comic book dans sa propre création, invitant le lecteur à beaucoup d’attention tant les références se multiplient, et pas toujours de manière si évidente. Énorme Warren Ellis !
Sur ce récit d’une rare exigence, le boulot de John Cassaday est bluffant. L’artiste multiplie les designs, les tonalités, dans un style à la fois épuré, qui relie une classe évidente à un sens affirmé du spectaculaire. Aujourd’hui, “Planetary” n’a perdu ni de sa force, ni de son originalité, grâce aux talents conjugués de deux pointures de l’industrie US des comics, qui avaient fait de leur rencontre un moment d’intense créativité.
Avec “Watchmen”, Alan Moore avait révolutionné les comics leur donnant une dimension adulte. Dans les années 90, Warren Ellis leur a fait prendre un nouveau virage, osant tous les vertiges, les outrances, la critique féroce de nos sociétés, des dérives politiciennes, avec ce ton politiquement incorrect qui le démarque des autres. Ce souffle nouveau s’inspire aussi des techniques du cinéma, auquel il donnera de nombreuses nouvelles idées !
Ces trois séries sont rééditées chez Urban Comics, dans la collection DC Essentiels, “The Authority : les Années Stormwatch” (2 volumes), “The Authority” (1 volume paru, le tome 2 en 2018) et “Planetary” (2 volumes). Des versions Intégrales qui sont de fait les beaux écrins dont manquaient ses séries cultes.
À lire sur la Yozone :
The Authority - Les années Stormwatch (T1)
Planetary (Volume 1)
Publiés aux éditions Urban Comics :
The Authority, les années Stormwatch Volume 1, par Warren Ellis et Tom Raney, 296 pages couleurs, 22,50 €
The Authority, les années Stormwatch Volume 2, par Warren Ellis, Tom Raney et Brian Hitch, 432 pages couleurs, 35 €
The Authority Volume 1, par Warren Ellis et Brian Hitch, 336 pages couleurs, 28 €
Planetary Volume 1, par Warren Ellis et John Cassaday, 408 pages couleurs, 28 €
Planetary Volume 2, par Warren Ellis, John Cassaday et Clémentine Mélois, 488 pages couleurs, 28 €
Illustrations © Warren Ellis, Tom Raney, Brian Hitch, John Cassaday et Éditions Urban Comics (2017)