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Décharnés (Les)
Paul Clément
PostApo éditions, roman (France) apocalypse zombie, 320 pages, décembre 2015, 12,99€

Patrick, agriculteur dans le Sud, veuf misanthrope, soigne une entorse en se moquant des automobilistes coincés dans un bouchon, devant sa ferme, en plein soleil, quand lui est peinard dans sa chaise longue avec une bière. Un étrange incident dégénère en vague de panique : les chauffeurs impatients se muent en mangeurs de chair humaine et rallient sa maison. Patrick défend chèrement sa peau, quitte à refuser un asile salvateur aux survivants terrorisés qui rejoignent la meute. Néanmoins, sans qu’il sache pourquoi, il prend tous les risques pour sauver une fillette.
Après quelques jours enfermés, à guetter les failles des monstres, le papy boiteux et la gamine qui se laisse lentement apprivoiser décident de rejoindre, à travers bois et champs, la ville proche où ils espèrent retrouver le père de la gamine... et du secours ?
Mais quand les zombies rôdent, le pire monstre n’est-il pas tapi au fond des survivants ?



Je ne suis pas très zombie. « The Walking Dead », en comics ou adapté à l’écran, très peu pour moi. Mais je reconnais à ce genre (littéraire ou télévisuel) ses qualités, quand il est bien traité. Depuis George Romero, on l’a compris : le vrai sujet d’une histoire de zombies, c’est l’attitude des personnages humains, poussés dans leurs retranchements. De cette situation de tension extrême peut égermer le meilleur (des leaders positifs) ou le pire (des dictateurs, des fanatiques...). On suit alors les interactions entre héros, anti-héros, affrontements, compromissions, trahisons, alliances... L’être humain n’en ressort que rarement grandi.
« Les Décharnés » n’échappe pas à cette règle immuable. Son « héros », vieillissant, initialement présenté comme misanthrope, férocement individualiste, se rachète à nos yeux en sauvant une fillette dont la mère s’est sacrifiée. Paul Clément brosse petit à petit, au fil des rebondissements forcés de son intrigue, le portrait d’un homme brisé par la vie, déçu par ses semblables mais pas foncièrement mauvais. Un pessimiste.
Malgré des débuts un peu rudes, on s’attache donc à Patrick. L’arrivée en ville, la découverte d’autres survivants va faire ressurgir son dégoût de l’autre. Une pointe de racisme émerge à la rencontre de Karim, mais va vite être balayée par le bon sens. Ralliant l’école de la gamine, où s’est retranché un petit groupe, nos personnages vont rencontrer Gérald, le leader autoproclamé, hâbleur comme un VRP et aussi fou qu’on peut le craindre. Les frictions avec Patrick sont immédiates. Je vous laisse la surprise des coups bas et autres manipulations. L’auteur prend néanmoins soin de nuancer son méchant par quelques circonstances « atténuantes » rapportées par d’autres survivants, mais on ne s’y trompera pas, l’épidémie zombifiante aura bien révélé la nature profonde de chacun.

Du haut de ma faible connaissance du genre, bien moindre que celle de l’auteur-fondateur du site My Zombie Culture, « Les Décharnés » est un bon roman de zombie, qui n’a comme gros défaut que justement celui de son genre : d’être archétypal. Censé se dérouler en Provence, on n’y trouve guère de détails pour l’y ancrer, mis à part un soleil écrasant, quelques vignes et des résidences secondaires vides. Je ne demande pas que les personnages aient tous un accent typique... juste un ou deux ^_^. Cela n’enlève rien au fond, à la psychologie des personnages, à la logique du déroulé, encore une fois tout cela de très bonne qualité, d’un grand réalisme.
Il y manque donc juste quelque chose de mémorable, un angle de vue comme le « Manuel de survie en territoire zombie » de Max Brooks, le prisme d’une idéologie politique à l’image du « Club des punks contre l’apocalypse zombie » de Karim Berrouka, le pastiche d’un classique comme « Orgueil et préjugés et zombies » de Seth Grahame-Smith, pour n’en citer que quelques-uns. Voire l’excellentissime « l’Éducation de Stony Mayhall » de Daryl Gregory, qui nous place de l’autre point de vue.
Sachons cependant toutes proportions garder face à ces auteurs confirmés. Pour un premier roman, « Les Décharnés » recèle une maîtrise narrative et un sens de la psychologie plutôt pointus, et si sur la forme il mériterait un peu de retravail (restent quelques coquilles, lourdeurs stylistiques, répétitions, défauts inhérents à l’autoédition), sur le fond il fait honneur au genre, négociant avec brio les « passages obligés », nous tenant en haleine jusqu’aux dernières lignes.


Titre : Les Décharnés, une lueur au crépuscule
Auteur : Paul Clément
Couverture : (non créditée)
Éditeur : PostApo (autoédition)
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 320
Format (en cm) : 20 x 13
Dépôt légal : décembre 2015
ISBN : 9781516971640
Prix : 12,99 €



Nicolas Soffray
9 mars 2017


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