Jean-Claude Dunyach, dont les merveilleuses et truculentes nouvelles en sont au huitième tome à l’Atalante (on vous en parle bientôt, mais sachez que si vous ne les avez pas lues, foncez !) a quelques romans à son actif. Avant même d’écrire à quatre avec Ayerdhal, il raflait déjà la plupart des prix de SF française.
Ce « Jeu des Sabliers », sorti chez Fleuve Noir Anticipation en 1987-88, est emblématique de la SF des années 80, oscillant entre space-opera et réflexion profonde sur le sens de la vie et de l’univers.
Fortement influencé par le Tarot, le roman est découpé en 14 chapitres qui reprennent la signification d’autant de Lames du Tarot, au premier rang desquelles celles incarnées par les personnages : le Bateleur (Jern le jongleur), la Force (Aléna la guerrière), le Mat (Dorian le fou) et l’Ermite (Olym). Tout tourne autour d’une prophétie incomplète, d’une Quête (avec la majuscule) qui transcende les genres : après des premiers pas proches d’une fantasy presque dark, la SF prend son essor tandis que le groupe part pour une autre planète, à la surface sculptée en forme de visage : la Face.
Alterner passages dans l’espace, où la technologie est omniprésente, jusqu’à devenir invisible, et visite de planètes où les civilisations, à des stades divers d’évolution, est typique des romans de SF de l’époque, et véhicule un message discret mais ô combien primordial, surtout dans cette histoire où l’on court après le Temps : le monde, l’univers n’est pas homogène, et la vie se fait des chocs de cultures. Comme Jern n’est guère curieux et Olym et Dorian cachottiers, sans parler de l’impulsivité d’Aléna, lesdits chocs sont souvent violents, ce qui pourrait s’avérer fatal à la Quête. À moins que le Jeu soit déjà joué, et que des tels incidents n’aient guère d’influence sur le résultat...
Les amateurs des titres FNA retrouveront une « patte » de l’époque, notamment les romans publiés par Serge Brussolo (l’animal-temple en est l’exemple le plus évident). Mais là où ce dernier dépeint des tableaux où l’étrange le dispute à l’effrayant, dans le seul but de faire monter le stress chez son personnage comme chez son lecteur, Jean-Claude Dunyach ne fait rien pour rien, et désamorce simplement les situations une fois son but atteint, comme si ce voyage était scandé de courtes mais indispensables leçons, d’épreuves libératrices une fois accomplies.
La dernière partie de la Quête, assez métaphysique, pourra en rebuter certains, même si l’auteur mélange habilement les concepts temporels à un ultime combat titanesque. La révélation finale, relativement devinable pour les lecteurs d’aujourd’hui, ne manque toutefois pas de saveur. La réponse de Jern à l’Univers non plus.
Quelques minuscules coquilles demeurent, mais mon principal reproche à cette réédition de Gallimard est de ne faire nulle part mention de la première date de publication. Celui qui, attiré par le flamboyant jongleur brossé par Yayashin, pensait tomber sur de la SF d’aujourd’hui, avec batailles spatiales et compagnie, risque d’être bien surpris. Qu’il s’accroche cependant, car telle lecture est bonne pour l’esprit, mélangeant réflexion et divertissement tous deux savamment dosés.
Titre : Le Jeu des Sabliers
Auteur : Jean-Claude Dunyach
Couverture : Bruno Wagner - Yayashin
Éditeur : Gallimard (édition originale : Fleuve Noir Anticipation, 2 tomes, 1987-1988)
Collection : Folio SF
Site Internet : page roman (site éditeur)
Numéro : 427
Pages : 328
Format (en cm) : 10,8 x 17,8 x 1,7
Dépôt légal : mai 2012
ISBN : 9782070442171
Prix : 7,50 €