Genre : drame
Durée : 1h30
Avec Glenn Ford (Jeff Warren), Gloria Grahame (Vicki Buckley), Broderick Crawford (Carl Buckley), Edgar Buchanan (Alec Simmons), Kathleen Case (Ellen Simmons), Peggy Maley (Jean), Diane Delaire (Vera Simmons), etc,.
Dans une petite station ferroviaire où les trains et les voies se rencontrent avant d’aller vers d’autres destinations, les désirs et les haines des hommes vont prendre le pas sur la froide logique d’un univers essentiellement composé d’ingénieurs ferroviaires.
Carl Buckley (B. Crawford), menacé de licenciement, est tiré d’affaire par l’intervention de sa femme, Vicky (Gloria Grahame). Très vite, il comprend qu’elle a usé de son influence auprès d’un ancien amant pour arriver à ses fins. La situation lui étant insupportable, c’est rongé par la jalousie qu’il se servira d’elle comme appât afin d’assassiner l’ex.
Malheureusement, Jeff Warren (Glen Ford), le machiniste du train, croise l’épouse de Carl Buckley, juste après le meurtre, en descendant de sa motrice... Vicky se sachant reconnue et impliquée dans le crime, décide de séduire le pauvre Jeff, seul témoin de l’affaire, afin de le pousser à tuer son mari.
Libre adaptation de « La Bête Humaine » d’Émile Zola (et aussi remake du classique de Jean Renoir de 1938), « Désirs Humains » s’inscrit dans la même logique que « Le Démon s’éveille la nuit ».
Les visions naturalistes et presque documentaristes du réalisateur sont autant d’indications sous-jacentes quant aux destinées des personnages et à la future noirceur des événements. Les premiers plans du film et l’entrelacs des voies ciblées par la caméra est ainsi significatif. Cette vision, digne d’une théorie quantique de l’existence, résume et tiendra lieu de fil directeur à tout le film. Les personnages se démènent et s’emmêlent les pinceaux sous la direction d’un aiguilleur fou mais, au final, il restera quand même la possibilité de choisir son chemin. À moins que tout ne soit déjà écrit par avance, évidemment... Le film n’étant alors plus que le compte-rendu d’un voyage déjà organisé auquel nous sommes invités en simple spectateur...
Dans la version de Fritz Lang, le rôle néfaste de l’épouse, deus ex machina de l’histoire, n’égale en rien le plaisir sensuel et pervers qu’éprouvait l’héroïne de Renoir. Il n’en reste pas moins que Vicky exerce une pression constante sur son amant. Le pauvre Jeff Warren (Glen Ford remarquable) cède, hésite, résiste, cède, etc,. Mais là où Renoir utilisait une vision européenne de la femme, maîtresse de ses actes, de son amant et jouissant véritablement d’une situation dont aucun des personnages ne ressortait indemne, Fritz Lang, sous la pression de son producteur, donna franchement le mauvais rôle à Vicky.
« Désirs Humains » est donc une vision américaine de ce thriller. L’héroïne n’utilise pas son amant en s’appuyant sur une exacerbation mutuelle de leurs désirs sexuels. Nulle inflammation perverse des sens et du sexe ici. Tout est logique et calculé. Il s’agit juste de se servir de ce que l’on a pour se tirer d’affaire et disposer d’une autre chance dans la vie. Le sexe disparaissait ainsi face à la froide logique des événements, donnant un aspect moralement acceptable et compréhensible pour le public américain, à une intrigue qui ne l’était pas obligatoirement. Une certaine pruderie US était déjà sauve face aux outrages supposés de la morale européenne (et française, en particulier, avouons-le).
Comme d’habitude chez Fritz Lang, aucun plan n’est le fait du hasard. Les choix de cadrages, de photographie et l’esthétique générale du film sont parfaitement pensés et réfléchis. Le tout est bouclé en 1H30 et donne l’impression tangible d’être une grande leçon de cinéma.
À voir et à revoir.
Stéphane Pons
À NOTER
La rétrospective « Fritz Lang en Amérique » se déroule dans les salles du cinéma Grand Action (5, rue des Ecoles 75005 Paris), proposant des films réédités par Films sans Frontières en copies neuves (et restaurées). Quelques surprises sont donc parfois au programme afin de disposer des versions les plus complètes possibles, ainsi une courte scène d’une minute environ, en version allemande, vient s’insérer dans la version américaine d’origine présentée du « Démon s’éveille la nuit ».
13 films de Fritz Lang seront présentés au public parisien (et les amateurs provinciaux rêveront à quelques futures rééditions DVD ;-)) :
Déjà en salle :
« La Femme au Portrait » (23 mars 2005)
« La Femme au Gardenia » (20 avril 2005)
« L’Ange des Maudits » (18 mai 2005, chef-d’œuvre à ne pas rater)
« Le Démon s’éveille la Nuit » (15 juin 2005)
« Désirs Humains » (13 juillet 2005)
Programmé :
« Casier Judiciaire » (10 août 2005)
A venir :
« Le Retour de Frank James », « Les Pionniers de la Western Union », « Chasse à l’Homme », « Guerillas », « Cape et Poignard », « House by the River », « La Rue Rouge ».
FICHE TECHNIQUE
Titre original : Human Desire
Réalisation : Fritz Lang
Scénario : Alfred Hayes
D’après le roman « La Bête Humaine » d’Émile Zola
Producteur : Lewis J. Rachmil
Photographie : Burnett Guffey
Décors : William Kiernan
Musique : Daniele Amfitheatrof
Montage : Aaron Stell
Production : Columbia (USA)
Distribution France : Films Sans Frontières
Soutien : CNC
Salle : Grand Action (Paris)
Presse : Vanessa Jerrom & Claire Vorger (Paris)
SITE INTERNET
http://www.films-sans-frontieres.fr/fritz-lang-en-amerique/index.html