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Thomas le Rimeur
Ellen Kushner
Gallimard, Folio SF, n°116, roman traduit de l’anglais (États-Unis), merveilleux arthurien, 367 pages, octobre 2002, 7,10€

Thomas arrive dans un petit village de la montagne anglaise, ses beaux mots de poètes et ses belles histoires de la cour fleurissant sur ses lèvres, charmant les jeunes filles et les enfants, mais ne trompant pas les anciens. Thomas, sous ses airs de seigneur de la rime, est en exil, pour une faute qui l’a vu bannir de la cour le temps que les esprits se calment et oublient.

Mais le jeune homme vient aussi en quête de quelque chose pour redorer son blason et panser sa fierté blessée : mettre son talent à l’épreuve de la reine d’Avalon, Titania, dont on dit l’entrée de la demeure proche.

Prenant le héraut à son propre jeu, la reine emporte Thomas en sa cour féérique, et lui ôte la parole. Le temps est venu pour le barde de saisir le poids des mots, tandis qu’au village certains se languissent de lui depuis sa soudaine disparition.



Ce n’est pas l’histoire qui prime dans « Thomas le Rimeur ». Encore qu’elle soit d’une simplicité de pure forme, et que sous chaque geste, chaque mot, se cachent secrets et manœuvres.

Non, ce qui fait la grande valeur de ce roman, c’est son style. Primé du Mythopoetic Award à sa sortie, il fait le choix de laisser la parole à un seul protagoniste à la fois, biaisant forcément la compréhension de certains actes, laissant le lecteur dans l’ignorance de faits, mais le faisant coller au plus près des pensées de son narrateur.
Ainsi, à son arrivée au village, c’est par les yeux et les pensées de la vieille qui lui offre gîte et couvert que nous le découvrons, piteux et crotté, trempé comme un chien, et le voyons se remettre, puis se rengorger, retrouvant ses attitudes de cour, lorsqu’une charmante fille de ferme vient régulièrement le visiter. Et la vieille de nous faire partager ses mauvais pressentiments.
Lors de sa captivité, une année durant, en Avalon, c’est bien sûr Thomas qui nous fait partager ce qu’il voit, vit, entend, mais ne peut prononcer. Et son retour laissera la parole au mari de la vieille, la conclusion à la jeune fille. Conclusion des plus tragiques, et tout à fait dans le ton de l’époque.

J’ai lu « Thomas le Rimeur » il y a quelques années, prenant son édition originale (chez Hoebeke) en bibliothèque, intrigué par ce petit lutin sur la couverture étonnement sobre. Dévoré en quelques jours d’été, captivé par le style et la langue déployés, je l’ajoutais à ma bibliothèque idéale, mais sans le chercher à tout prix. Et sur une étagère de mon libraire, je l’ai découvert l’an dernier, ressorti en poche.
À ma place, qu’auriez-vous fait ?

Ellen Kushner est une voix majeure de la fantasy merveilleuse, hélas bien rare en français. Alors ne passez pas à côté de ce magnifique « Thomas le Rimeur », qui saura vous enchanter à coup sûr.

P.S :Si vous cherchez quelque chose de plus enlevé, rehaussé de panache, alors « À la pointe de l’épée » saura mieux vous contenter. Folio SF l’a également ajouté à son catalogue Fantasy, conservant au passage la très belle couverture signée Alain Brion. Premier tome d’une série, il ne vous laissera cependant pas trop sur votre faim.


Titre : Thomas le Rimeur (Thomas the Rhymer, 1990)
Auteur : Ellen Kushner
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Béatrice Vierne
Couverture : Eikasia
Éditeur : Gallimard (première édition : Hoebeke, 2000)
Collection : Folio SF
Numéro : 116
Site internet : page roman (site éditeur), édition originale
Pages : 367
Format (en cm) : 11 x 17,8 x 1,7
Dépôt légal : octobre 2002
ISBN : 2-07-042064-7
Prix : 7,10 €



À lire également sur la Yozone :
- la chronique de « À la pointe de l’épée », d’Ellen Kushner, édité par Calmann-Lévy et ressorti récemment en poche chez Folio SF Fantasy.


Nicolas Soffray
22 juillet 2010


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