ndlr : Les titres complets de ces deux albums qui peuvent se lire indépendamment l’un de l’autre ( mais je vous conseille vivement de lire les deux !!) sont :
 http/ ::www.xxeciel.com/mémoires<19>00
 http/ ::www.xxeciel.com/mémoires<20>00

Il aura fallu attendre quatre ans pour qu’Yslaire nous achève en deux tableaux son voyage à travers le XXe siècle. Deux tableaux tellement indissociables qu’ils constituent le premier véritable diptyque de la bande dessinée. Deux bilans sans concession pour une même histoire : la nôtre, avec ses rouges de sang caillé qui font les pestes brunes, avec ses bleus de rêve avorté et sa révolution des fleurs.
Deux bilans qui s’achèvent dans les mêmes tours à l’aube du XXIe siècle. L’un nous dit que souffrir n’interdit ni de rêver ni de construire. L’autre que rêver n’empêche ni la souffrance ni la destruction.

mémoires<19>00 naît à Wien pendant le réveillon de l’an 1900 en même temps que Frank, Erwin et Eva, les triplés Stern dont les deux survivants vont nous emporter dans les tourmentes de ce siècle de flammes. Frank, l’ange qui renaît sans cesse des cendres dont les bourreaux recouvrent l’Europe depuis les cheminées des camps d’extermination nazis. Eva qui survit à ces mêmes camps et redécouvre la vie entre Kerrouac et Cassidy sur une route du Kansas. Frank, en témoin, photographie l’horreur dans les yeux des hommes. Eva, en thérapeute, fouille leurs subconscients au bras de Timothy Leary.

mémoires<20>00 s’ouvre en 1916 quand Frank et Farouge fuient vers l’Eden que promet la Russie. Mais c’est Lucienne Dezee qui va démêler l’histoire d’Eva Stern à travers les bugs de l’ordinateur de la psychanalyste et la mémoire de ses amis de Berkeley.
Eva se laisse mourir avec le siècle sur un lit d’hôpital. Ses amis se souviennent du Flower Power, de la guerre du Viet Nam, de l’amour libre, du LSD et de Frank Stern, l’ange qui prend les photos. L’ange ira jusque dans l’espace avec Apollo 18, mais sa dernière photo est celle d’une brèche en flammes dans une tour new-yorkaise, une brèche qui dessine le pire aigle qu’on puisse évoquer.

Il n’est ni possible, ni souhaitable de refermer ces Mémoires indemne. Qu’Yslaire ait choisi de les présenter sous forme de clichés, au sens propre du terme, devrait inspirer ceux qui décident des clichés, dans un sens hélas beaucoup plus figuré, dont on truffe l’histoire enseignée dans les écoles. Et ces photographies en pièces jointes, qui hantent le récit d’un bout à l’autre de cette dichotomie historique, ne seraient rien sans les négatifs, les repentirs, les esquisses, les images pixélisées, les crayonnés, les effets de flou, les sur -et les sous-expositions qui se conjuguent dans un kaléidoscope graphique ne se limitant jamais au formel.
Au final, quitte à faire preuve de subjectivité, Yslaire a poussé la sienne jusqu’à nous en offrir deux visions éclatées, imbriquées, contradictoires, réciproquement critiques, qui nous engagent à un peu plus de recul, parfois même de méfiance vis-à-vis de nos propres mémoires.

Dès le début, il n’y a pas de commencement...

Ayerdhal

Albums précédents :
 XXe Ciel.com (T1) mémoires98 (1999)
 XXe Ciel.com (T2) mémoires99 (2001)
 Coffret deux tomes plus un CDRom (2001)

Site officiel d’Yslaire : XXeciel