Un premier roman dont le point de départ ressemble étonnamment au génial « Stone Baby » de Joolz Denby, réédité il y a peu chez Folio, mais en inversant le principe. Et encore, une fois, il s’agit de repousser les limites du genre. Suffit-il de parler de crime pour faire un polar ?

En effet, il n’y a pas vraiment de suspense : on sait dès le départ ce qu’il en est, puisque l’action est un long flash-back. Il s’agit donc plutôt d’un roman de littérature générale, puisque l’essentiel est dans la psychologie des personnages, sortes de Bidochon tragiques et parfaitement crédibles.

Existence bien larvaire, puisqu’en émule du Meursault de Camus, cette femme dont on ne nous donne jamais le prénom semble parfaitement satisfaite de son sort et de sa routine quotidienne, jusqu’à ses contradictions qui n’en seront que pour le lecteur. Ses seuls états d’âme relèvent de son obsession de la respectabilité jusqu’à sa trahison finale. L’auteur a d’ailleurs l’intelligence de nous épargner tout sensationnalisme : cette existence close se repliera sur elle-même de façon feutrée, comme le montre la conclusion glaçante dans sa simplicité.

Alors bien sûr, on peut objecter que ce roman, heureusement court, inflige de partager deux heures de son temps avec deux personnages répugnants, comme on soulève une pierre pour voir ce qui grouille dessous. On peut également, et surtout, postuler qu’à force de charger ses deux monstres ordinaires, on n’est pas loin du haïssable stéréotype de Dupont-Lajoie, ce Français de souche forcément beauf, raciste, réac, ringard et haïssable cher à certains rappeurs de bas étage. Et pourtant, on se doute bien que les Darget peuvent être n’importe qui, nos voisins de palier…

Pas un polar donc, mais un étrange roman, une étude psychologique réalisée avec une économie de moyens magistrale, mais dont au final, on ne sait trop que dire ni que penser et qui laisse un goût amer en bouche. Il peut être intéressant de comparer avec le « Stone Baby » précité (qui au contraire, était une ode à l’amitié) pour voir comment une idée plutôt bonne peut être traitée de façon diamétralement opposée !

Titre : La femme du monstre
Auteur : Jacques Expert
Couverture : Bruno Charoy
Éditeur : Le Livre de poche
Collection : Thriller
Première édition française : Éditions Anne Carrière
Site internet : Site éditeur (site éditeur)
Pages : 219
Format (en cm) : 18 x 11
Dépôt légal : octobre 2009
ISBN : 978-2-253-12556-3
Prix : 6 €