On le regrette un peu (voire beaucoup, soyons francs), il ne nous est donné l’opportunité de partir à la (re) découverte de Natacha qu’au moment de la parution de ce troisième volume des éditions Dupuis consacré à la plus jolie blonde du neuvième art.
Nous aurions aimé vous en parler plus tôt, mais les arcanes des services de presse étant ce qu’ils sont, l’affaire est sans doute remise à plus tard (en tout cas, nous faisons tout pour cela).
Une belle blonde, et après ?
Savant dosage de multiples influences féminines, il ne faut pas chercher à trouver dans le personnage Natacha une personnalité plutôt qu’une autre, ni un archétype idéalisé de la femme.
Certes, Natacha est blonde, belle, dotée de formes généreuses qui ne seront jamais révélées au grand jour dans les albums classiques de la série, mais l’héroïne qui sublime l’imaginaire de nombreuses générations de lecteurs depuis plus de quarante ans est avant tout une personne qui réfléchit vite et agit tout aussi rapidement.
Alors oui, être confronté à une hôtesse de l’air a de quoi susciter les pensées les plus folles de la gent masculine, mais Natacha est avant tout une machine à rêver beaucoup plus qu’à fantasmer (quoique !).
Évidemment, le dessin enjoué et volontiers narquois de François Walthéry est pour beaucoup dans cette volonté de décalage entre une lecture enfantine, franchement marrante, et un œil adulte qui s’attardera sur d’autres détails (on va dire ça comme ça !).
D’ailleurs, il ne faut pas comprendre autrement la présence de son fidèle compagnon d’épopée, le steward Walter avec qui elle entretient des relations que l’on ne jugera même pas platoniques. Compères d’aventures, amis, l’une ne va pas sans l’autre et l’on comprend très vite que François Walthéry se cache souvent derrière ce personnage masculin. Comme son créateur d’ailleurs, Walter est un passionné de musique (jazz & blues) et un fervent collectionneur de BD.
Là où Natacha est à elle seule un révélateur socioculturel du monde occidental post soixante-huit, c’est qu’elle est une femme indépendante qui concilie sa féminité d’adulte épanouie avec une vie aventureuse qu’elle a choisi de A à Z.
Si l’on met à part la Barbarella de Jean-Claude Forrest apparue dès 1962, mais qui ne fut jamais un personnage développé sous forme de série graphique, seules Yoko Tsuno et Franka partagent les mêmes rayonnages de nos bédéthèques avec Natacha.
Passé, humour et science fiction
Les aventures qui composent ce “Voyages à Travers le Temps” sont issues des volumes 7, 8 et 9 de la série, leurs publication s’étalonnant de 1979 à 1983. Personnage plus mâture, intrigues bien ficelées, la série est entrée dans sa majorité.
Bonus bienvenus de cette intégrale, de nombreuses informations complémentaires sur la création de la série et du personnage sont présentées dans les trente premières pages de ce volume. On y retrouve également une pléthore de dessins introuvables et plusieurs histoires courtes dont la très sympathique “Natacha à Moscou”.
Ambiances rétros au programme (in “L’Hôtesse et Mona Lisa”).
Deux histoires, scénarisées par Walthéry et Mittéï, composaient le septième tome de la série Natacha.
“L’Hôtesse et Mona Lisa” présente un chapitre du passé des ancêtres communs de Natacha et de Walter où le grand-père de l’un et la grand-mère de l’autre se rencontrent en 1929 suite à une sombre histoire de vol de La Joconde.
L’humour très cartoonesque lié au graphisme aérien ainsi qu’aux bouilles hilarantes de multiples personnages est un des principaux attraits d’une histoire qui connaît une conclusion avec un possible rebondissement dans le présent.
“Natacha et les Petits Miquets” peut être lue comme un gros clin d’œil de l’auteur à ses nombreuses passions ainsi qu’à ses amis. En effet, Natacha et l’avion de la compagnie sur laquelle elle travaille, la Bardaf (terme symbolisant un crash dans l’aviation, chez nos amis Belges), sont détournés vers l’île d’un millionnaire. Le « méchant » pirate de l’air souhaite que les passagers, tous futurs participants d’un salon de la BD, écrivent une histoire inédite pour ses deux petites filles jumelles !
L’humour est là aussi le moteur du récit, une case est tout particulièrement explicite, nous offrant la vision de l’éditeur des dessinateurs en train de siroter quelques boissons en compagnie du kidnappeur et des pilotes de la Bardaf tout en remerciant le millionnaire d’avoir eu cette merveilleuse idée pour faire travailler son pool de créateurs de « petits miquets » !
François Walthéry dessine tous les copains de la grande maison ! (in “Natacha et les Petits Miquets”).
Il y a aussi et bien sûr la scène de l’évasion de Natacha (page 74), naïade fascinante, fuyant l’île en tenue très légère et disposant d’une cambrure de rêve, mais aussi de multiples séquences où tous les copains, que des grands noms de la BD franco-belge, font une apparition. Léger comme une brise marine estivale et franchement marrant.
“Instantanés pour Caltech” (décors de Jidéhem et histoire de Étienne Borgers) originellement intitulée “Les Machines Incertaines, première partie”, va transporter notre hôtesse de l’air préférée aux USA.
Une étrange lueur surgit dans les cieux durant le vol transatlantique, Walter en prend une photo et nos deux héros vont essayer de découvrir ce qu’était ce phénomène visuel et aérien. Les services secrets américains, une équipe de scientifiques à la pointe de la recherche, des robots humanoïdes et un vaisseau spatial sont entre autres, les nombreux éléments composant une intrigue sans réel temps mort.
Histoire purement SF, portant des thématiques et des questionnements plus adultes qu’il n’y paraît, c’est dans “Les Machines Incertaines” que tous les suspenses seront dénoués.
Le ton humoristique global de la série est toujours là, mais de nombreuses cases font appel à des scènes d’action très adultes (combats, poursuites,contrôle de la pensée, etc.).
Si le graphisme d’ensemble peut sembler simple ou par instant très stylisé, on comprend très vite qu’il s’agit avant tout de ne pas noyer le lecteur sous une somme d’informations visuelles inutiles. Quand il faut de la complexité et des détails (cf. page 135, par exemple), le travail de composition saute aux yeux.
Ce couple d’albums (tomes 8 et 9) tient toujours la distance, les thématiques SF sont toujours crédibles et le plaisir de la lecture ne s’est en rien affaibli avec le temps.
À l’image des intégrales Yoko Tsuno, Spirou et Fantasio ou Johan et Pirlouit, le travail des éditions Dupuis est un vrai régal qui justifie à lui seul l’achat de ce volume.
Ce “Voyages à Travers le Temps” s’avère donc tout aussi intéressant à lire qu’à feuilleter. Apprendre des choses sur une héroïne de la BD, redécouvrir des histoires sur lesquelles on ne s’était pas attardé depuis longtemps, lire et relire, se détendre et se marrer franchement sont autant de facteurs qui légitiment l’investissement.
Natacha Intégrale 3 Voyages à travers le Temps
Série : Intégrale Natacha
Auteur (dessin et scénario) : François Walthéry
Scénario, décors : Mittéï, Borgers, Jidéhem, P. Séron,
Couleurs : Vittorio
Textes (dossier) : Alain de Kuyssche
Maquette (et composition graphique) : Françoise Michaux
Éditeur : Dupuis
Collection : Intégrale Natacha Dupuis
Sites Internet : Natacha (site officiel), L’Hôtesse et Mona Lisa (T7), Instantanées pour Caltech (T8), Les machines Incertaines (T9), Natacha Intégrale 3 Voyages à travers le Temps
Pages : 179
Format (en cm) : 22 x 2,5 x 30 (cartonné)
Dépôt légal : juin 2009
Code prix : DU10
ISBN : 978-2-8001-4272-2
Prix : 19€
Sommaire des histoires présentes dans ce volume :
Bill a Disparu
Contribution de 4 pages en couleur
Spirou Spécial « Boule et Bill » n° 2173 (06/12/1979). Publication dans « Bill à disparu » et publication dans « Natacha & Co », Editions Dupuis 1987
Attention, un coup de foudre peut en cacher un autre
Un page en couleur dans Tintin « Super 20 » (1983). Publication dans « Natacha & Co », Editions Dupuis 1987
Natacha et Natacha (ou Natacha à Moscou)
Scénario de Jujubart et décors d’Eric Maltaite
Six pages en couleur dans Tintin Super 9 (1980). Publication dans « Natacha & Co », Editions Dupuis 1987
Bon anniversaire Buddy
Un page en couleur dans Tintin n°336 (1982). Publication dans « Natacha & Co », Editions Dupuis 1987
La Naissance de Natacha
Trois pages en couleur dans Spirou n°2121 (07/12/1978). Publication dans « Natacha & Co », Editions Dupuis 1987
L’hôtesse et Monna Lisa
Scénario de Mittéi et décors de Seron
Vingt-deux pages en couleur dans Spirou n°2069 (08/12/1977). Publication dans l’album broché « L’hôtesse et Monna Lisa » Editions Dupuis 1979. Réédition en album cartonné.
Natacha et les Petits Miquets
Scénario de Mittéi
Vingt-quatre pages en couleur dans Spirou n °2122 (14/12/1978) au n°2132(22/02/1979). Publication dans l’album broché « L’hôtesse et Monna Lisa » Editions Dupuis 1979
Instantanées pour Caltech ou Les Machines Incertaines (1ère partie)
Scénario d’Etienne Borgers et Décors de Jidéhem
Quarante-quatre pages en couleur dans Spirou du n°2195 (08/05/1980) au n°2212 (04/09/1980). Publication dans l’album broché « Instantanés pour Caltech ». Editions Dupuis 1981. Réédition en album cartonné.
Les Machines Incertaines (2e partie)
Scénario d’Etienne Borgers et décors de Jidéhem
Quarante-quatre pages en couleur dans Spirou du n°2297 (22/04/1982) au n°2313 (12/08/1982). Publication dans l’album « Les machines incertaines » Editions Dupuis 1983
NATACHA SUR LA YOZONE
Natacha nous la fait intégrale...
Natacha, Yoko Tsuno, Tif et Tondu, Bloche, Jérémiah...
© Illustrations et extraits albums : remerciements à François Walthéry & éditions Dupuis, 2009.
