1908, déjà un an que le Belem a changé d’armateur. Sa nouvelle destination, la Guyane. Vraiment pas la destination la plus sympathique, et se dire que la Martinique les attend n’est pas fait pour donner le morale à l’équipage. Mais il faut bien s’occuper comme on peut à Cayenne. Entre les bagnards, les matons, la forêt aux animaux mortels et une gente féminine plutôt dangereuse pour la santé, les loisirs sont très restreints. Toutefois, Le Vern pensait avoir de la chance, avec ce cousin habitant dans la mangrove, la semaine pouvait se passer sous les meilleurs hospices. C’était sans la rencontre avec ces trois évadés, une rencontre qui sera fatale pour son gendarme de cousin. Et le voici embarqué dans une fuite des plus dangereuses, avec trois hommes n’ayant rien à perdre mais dont le passé est loin d’être celui de dangereux psychopathes.
Voici donc le troisième tome de cette superbe série qu’est “Belem”. D’abord, Jean-Yves Delitte est un conteur, un Stevenson moderne, un auteur qui réussit à la perfection à vous plonger dans ce début du XXème siècle. C’est une véritable histoire de marin doublée de celle de ces hommes qui avaient perdu leur droit d’êtres humains en posant leurs pieds enchaînés sur cette terre maudite de Guyane. Pour une fois, la mer n’est pas l’héroïne de ce volume, c’est bien la mangrove, la foret guyanienne qui sera fatale à beaucoup de bagnards.
Jean-Yves Delitte nous retrace la vie de misère de ces hommes avec la même émotion et le même réalisme que Franklin J. Schaffner dans son très beau film “Papillon”. Delitte est aussi bien conteur qu’historien dans cette série qui fait remonter mon sang breton dans mes veines. Tueur de prêtre pédophile, double peine, anarchiste, le bagne de Cayenne était loin d’être exemplaire aussi bien par ses condamnés que par ses gardiens. Même si nous ne faisons qu’effleurer le quotidien de ces hommes, Delitte nous résume parfaitement en peu de temps cette prison dont très peu de détenus réussirent à survivre, qui ne ferma ses portes, théoriquement en 1938 mais, Seconde Guerre Mondiale oblige, qu’en 1945 dans les faits. Delitte fait une nouvelle fois œuvre d’historien en dépeignant cette fin de règne de ce terrible bagne.
Et que dire de ses dessins sinon : magnifiques. Car Jean-Yves Delitte est un auteur complet. Si “Belem” est une série si réaliste et si forte, c’est aussi parce que Delitte s’occupe de tout et peut donc réellement donner vie à ses idées. C’est une graphisme dans le plus beau style franco-belge, hyper réaliste, avec des dessins comparables à de vrai peinture à la gouache, des couleurs respectant parfaitement le crayonné, un rendu idéal qui malheureusement se fait maintenant submerger par le 100% ordinateur.
Oui, “Belem” est une œuvre rare, preuve du talent de Jean-Yves Delitte, un tome à lire devant une cheminée, la pipe à la main et un bon verre de rhum pas loin. A savourer sans modération.
(T3) Le Yacht du Bagne
Série : Belem
Scénariste : Jean-Yves Delitte
Dessin et couleurs : Jean-Yves Delitte
Éditeur français : Glénat
Collection : Chasse-Marée
Format : 240x 320
Pagination : 48 pages
Date de parution : 3 novembre 2009
Numéro ISBN : 2-72347-223-4
Prix : 13 €
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