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Enchantements d’Ambremer (les)
Pierre Pevel
LGF, Le Livre de Poche Fantasy, roman (France), merveilleux à la Belle Epoque, 350 pages, mars 2007, 6€

J’en appelle ici à ma mémoire, et à votre imagination…

Paris, début du XXe siècle. Mais pas le Paris que vous connaissez. Ce Paris-là cohabite avec l’Outremonde, le royaume des fées, et abrite magiciens, elfes et licornes.
Louis Denizart Hippolyte Griffont est un mage du cercle Cyan, un peu extravagant, limite distrait, mais sans pareil pour dénouer les affaires d’état embrouillées.

Hélas, c’est sans compter sur une fée rousse bien mignonne...



Après avoir revisité la Guerre de Trente Ans dans sa trilogie « Wieldstadt » (Fleuve Noir / Pocket), Pierre Pevel nous ouvre les portes d’un univers féérique, intimement lié au nôtre. Une tour Eiffel en bois blanc, des lampadaires lucioles, des sirènes dans la Seine… et de clubs de gentilshommes pratiquant la magie.

Louis Griffont est un peu l’excentrique du groupe. Âgé de quelques siècles seulement, une puissante pierre enchantée au pommeau de sa canne, il ne sombre pas dans le confort bourgeois de sa demeure parisienne, entre un majordome qui palie à tous ses trous de mémoire et autres distractions, et un chat ailé bougon, philosophe et un peu donneur de leçons. Le mage se passionne pour les progrès techniques, et tente, en vain pour l’instant, de faire carburer une motocyclette à l’énergie outremondienne.
Un de ses amis du cercle Cyan, proche du gouvernement, fait appel à lui pour enquêter sur des meurtres survenus en ville. On aurait vu des gargouilles en liberté… Griffont accepte la mission sans hésiter.
Par contre, un épineux problème se pose : Griffont va devoir faire équipe avec la belle rousse Isabelle de Saint-Gil, une fée bannie d’Outremonde, également espionne et voleuse internationale… et aussi, accessoirement… son ancienne compagne, extrêmement jalouse.

Pierre Pevel sait orchestrer ses aventures avec brio, soucieux du détail historique tout autant que de la qualité de son scénario. En quelques 350 pages, il nous livre une enquête policière, s’offrant au passage une apparition des célèbres personnages des Brigades du Tigre, un roman de fantasy urbaine plein de rebondissements, et le panorama d’un autre monde merveilleux, accompagné bien entendu du bestiaire qui va avec, certaines créatures jouant à contre-emploi ou se glissant avec délices dans les costumes de la Belle Époque.
Par tous ces aspects, « les Enchantements d’Ambremer » penche plus du côté du merveilleux urbain, genre plutôt rare jusqu’à présent, que de la fantasy. On sent Pevel se délecter de verser une bonne louche de magie sur la bonne société du début du siècle (passé), se débarrassant des cuirasses et des armures pour de la dentelle et du velours, posant les épées au profit de piques bien senties et d’allusions cavalières.

Car l’humour est très présent dans ce volume, surtout grâce à la relation conflictuelle entre Louis et Isabelle, et les conseils plus ou moins avisés de leurs compagnons (soit un majordome humain, un chat volant, un gnome chauffeur de décapotable et un fidèle lieutenant à la main lourde) pour tenter de les remettre ensemble… ou pas. Ajoutez à cela que la belle est jalouse en diable, et le mage un peu mal à l’aise avec ce vieil amour mal cicatrisé…

Un humour d’ailleurs bienvenu pour désamorcer la tension de l’enquête, car les enjeux qui se cachent derrière l’affaire remontent aux origines de la magie. Nouvelle preuve du talent de Pierre Pevel, il parvient à tisser une nouvelle mythologie, mi-celtique mi-merveilleuse, de l’Europe, puisant dans la matière de Bretagne (ainsi que l’on nomme les légendes celtiques autour de la Table Ronde, Arthur, Merlin, Lancelot…) pour créer et expliquer comment l’Outremonde et le nôtre (de monde, suivez…) sont liés depuis des siècles.
On regrettera presque que le roman ne fasse pas une petite centaine de pages de plus, car l’auteur livre un univers très fourni, riche en détails historiques, de quoi dérouler des aventures sur plusieurs tomes, et cette histoire, sans nous laisser sur notre faim, nous met l’eau à la bouche. Mais d’aucuns préfèreront cela à une pirouette, voire à une brusque révélation de faits qu’on aurait juste à assimiler.

Désormais introuvable au Pré aux Clercs, ce roman est un des bijoux qui ont ouvert la nouvelle collection Fantasy du Livre de Poche, aux côtés de classiques comme « Bilbo le Hobbit » ou « L’Histoire Sans Fin ». La couverture, signée Johan Camou, flamboie aux couleurs du récit, bien plus que celle de l’édition originale, un peu austère.

Ceux qui voudront prolonger le plaisir et poursuivre un peu leur route avec Louis et Isabelle liront la suite, « L’Élixir d’Oubli » (épuisé au Pré aux Clercs, espérons bientôt réédité en Livre de Poche Fantasy), Prix Imaginales 2005.
L’histoire se scinde entre la Belle Époque et un flash-back au règne de Louis XV, explicitant la genèse de nos héros, leurs premières passes d’armes… et le reste. De l’aveu même de l’auteur (recueilli lors des Imaginales 2009), son “moins bon roman”, trop dispersé, ce qui nuit à l’intrigue, assez complexe. L’auteur est dur avec son œuvre, loin d’être désagréable à lire. Et on y trouve les prémices de la passion de Pierre Pevel pour le roman de cape et d’épée, annonçant « Les Lames du Cardinal » et sa première suite « l’Alchimiste des Ombres » (chez Bragelonne).


Titre : Les Enchantements d’Ambremer (roman, 2003)
Auteur : Pierre Pevel
Couverture : Johan Camou
Editeur : LGF
Editeur original : Le Pré aux Clercs, 2003
Site Internet : fiche du roman
Collection : Le Livre de Poche / Fantasy
Numéro : 27008
Pages : 350
Format (en cm) : 11 x 17,9 x 1,7
Dépôt légal : mars 2007
ISBN : 978-2-253-11585-4
Prix : 6 €


Le Paris des Merveilles :
1 - Les enchantements d’Ambremer
2 - L’Elixir d’oubli
3 - Le Royaume immobile
HS - Contes et récits du Paris des Merveilles


Nicolas Soffray
10 octobre 2009


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Couverture de l’édition originale, au Pré aux Clercs



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