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Matrix Reload en attendant la Révolution
en attendant la Révolution


Quatre ans après un premier volet explosif qui dynamitait les codes et lois de la cinématographie, et quelques mois après son rechargement (« Matrix Reloaded ») qui nous laissait dans l’expectative, la matrice reprend le contrôle de la programmation des salles obscures pour la conclusion tant attendue de la trilogie cyberpunk des frères Wachowski : « Matrix Revolutions ». L’occasion de retracer l’itinéraire de cette remarquable saga de science fiction, une œuvre visionnaire et novatrice qui projetait, dès le printemps 1999, le 7ème Art dans le troisième millénaire.

UN PROJET NOMME MATRIX

C’est en vendant leur premier scénario, « Assassins », que Andy et Larry Wachowski font la connaissance de Joel Silver. Encore inconnus mais sous contrat pour trois films avec la Warner, les deux frères profitent de leur contact privilégié avec le producteur des « Arme fatale » pour lui présenter un projet ambitieux, une sorte de bande dessinée cyberpunk filmée, dont l’histoire, ancrée dans la réalité virtuelle, permettrait de fusionner à l’écran les différents médias de la culture populaire moderne (comic-books, japanimation, film de kung-fu, jeux vidéo, musique techno, ...) en un objet cinématographique à l’approche totalement inédite. La démonstration du duo de Chicago est d’ailleurs tellement convaincante (et eux convaincus) que le requin d’Hollywood, impressionné par les idées et l’audace de l’entreprise, va complètement adhérer à la vision des Wachowski Brothers et endosser le rôle du troisième homme, indispensable à la concrétisation de la trilogie matricielle.
Mais, les pontes de la Warner ne vont pas partager son enthousiasme immodéré pour la Matrice et, après moult discussions, le studio ne commande au duo de Chicago qu’un scénario, pour un seul et unique film, au contenu nettement moins « hermétique » que cette version originale à laquelle personne n’a rien compris (ou pas grand chose). _ Mais la version « révisée » du scénario ne satisfait toujours pas la Warner, et les frères Wachowski, échaudés par l’adaptation assassine de leur « Assassins » (pourtant signée par Richard Donner) insistent pour mettre en scène leur prochain sujet. Un conflit d’intérêt qui va obliger le studio à mettre Matrix au frais et permettre aux frères Wachowski de faire la démonstration de leur talent de réalisateur avec « Bound », un polar à l’esthétisme raffiné et à la direction d’acteur soignée, dans lequel Jennifer Tilly, la poule d’un magnat de la pègre, tombe sous le charme de Gina Gershon, sa voisine de palier.

Du coup, la Warner Bros qui voyait déjà Ridley Scott diriger la Matrice, revient sur ses position et demande aux deux petits génies de l’Illinois une nouvelle mouture du script pour leur en confier la réalisation. Une ultime réécriture qui, une fois n’est pas coutume, va s’avérer bénéfique puisque les frères Wachowski, condamnés à réussir leur coup, vont adoucir la trame cyberpunk par le biais de références aux grands classiques de la littérature enfantine comme « Alice au Pays des Merveilles » ou « Le magicien d’Oz », ajouter quelques personnages d’importances, comme l’Oracle ou Cypher (le Judas de cette cyber métaphore religieuse), et storyboarder le tout avec l’aide de Steve Skroce (Ektokid, Spiderman, Gambit) et Geof Darrow (Hard Boiled) pour éviter les malentendus et les incompréhensions avec la production. Cela n’empêchera pas la Warner Bros de paniquer, juste avant la sortie de « Matrix », et face à la concurrence directe de « Star Wars la menace fantôme », préférer partager les coûts et les recettes de son film avec Village Roadshow, une maison de production australienne.

MATRIX : UNE REVOLUTION VISUELLE

Printemps été 1999. La matrice s’installe peu à peu dans les salles et, tel un virus cinématographique, commence à se propager dans l’Infosphère. Sur Internet, entre amateurs et détracteurs, les débats font rage. Matrix ne laisse personne indifférent. Il faut dire que l’histoire, à la fois simple et étonnant compliquée, est servie par une mise en scène inspirée, une interprétation de qualité, des combats magnifiquement chorégraphiés, un montage millimétré et des effets spéciaux parfaitement maîtrisés. L’association réalité virtuelle, kung-fu et bullet-time est une totale réussite, et la Matrix des frères Wachowski est à la hauteur de ses prétentions : nous proposer du jamais-vu.

Enorme succès critique (le film rafle quatre oscars techniques) et commercial (la production pré-Harry Potter la plus rentable de la firme, 450 M$ de recette pour 65M$ de budget) Matrix, comme « Star Wars » ou « Terminator », va marquer l’imagination collective et influencer durablement réalisateurs et créatifs du cinéma et de la publicité.

Alors que le site officiel du film ne désemplie plus et que le public érige les aventures de Néo, Morpheus et Trinity au rang de mythe, les instances dirigeantes de la Warner, ayant cette fois parfaitement compris la portée du phénomène, proposent un pont d’or aux Wachowski pour conclure leur trilogie. Mais désormais, les exigences des deux frères ont considérablement évolué et il faudra une fois de plus que Joel Silver arrondisse les angles, et surtout que la vente du DVD explose tous les records, pour que le Nebuchanezzer reprenne enfin du service. Suite au pillage intensif qu’à subit leur premier film, les Wachowski, persuadé de pouvoir produire quelque chose d’inédit et d’incopiable (ce qui est assez paradoxal de la part de deux génies du recyclage) s’investissent à fond dans la partie visuelle et les effets spéciaux et choisissent, un peu à la façon du Seigneur des Anneaux, de tourner la suite et la fin de la trilogie comme un grand film à 300 M$. Comme on pouvait s’en douter, les principaux protagonistes du premier opus répondent présent et le tournage, prévu pour un an, débute en mars 2001, suite à quatre mois d’entraînement intensif pour le quatuor vedette. Malheureusement, quelques semaines plus tard, le 25 août pour être exact, la chanteuse actrice Aaliyah, qui devait interpréter Zee à l’écran, quitte les plateaux de Matrix pour ceux de son prochain clip, et trouve la mort dans un accident d’avion (c’est Nona Gaye, la fille de Marvin, qui reprend son rôle). Un malheur n’arrivant jamais seul, le 27 septembre, Gloria Foster, qui vient de terminer les plans de « Reloaded », succombe suite à des complications de son diabète (on ne devrait donc pas revoir l’Oracle sous les traits de l’actrice dans « Revolutions »).
Initialement prévu pour se terminer en février, le tournage s’achève six mois plus tard, le 21 août 2002, jour du 35ème anniversaire de Carrie-Anne Moss,. Un dépassement de temps et de budget qui va amener la star, Keanu Reaves, à revoir son cachet à la baisse pour permettre à certaines scènes de profiter des dernières technologies en matière d’effets spéciaux et obliger la Warner, Joel Silver et les frères Wachowski à reconsidérer les sorties des Animatrix, de Reloaded, du jeu vidéo « Enter the Matrix » et de Revolution, pour faire de l’année 2003 l’année de la Matrix.

05.15 RECHARGEMENT

Alors que le premier épisode mettait en place l’univers et les personnages sur le ton « Neo au pays des machines » ambiancé façon « Jack Kirby meets Mamoru Oshii », « Reloaded » nous plonge au cœur des débats, dans une intrigue cyberpunk à tiroir qui, se faisant l’écho de « Enter the Matrix », emprunterait sa narration à un jeu vidéo. D’entrée, les frères donnent le ton et brouillent les cartes avec une scène d’introduction époustouflante (le futur réalisateur de « Tomb Raider 3 » devrait en prendre de la graine) qui va s’avérer comme l’une des clés d’un récit aux nombreuses surprises et révélations. D’une approche nettement plus abrupte (tant sur le fond que sur la forme) et moins manichéenne (les gentils humains prisonniers des vilaines machines) que le premier volet, cette suite, aux nombreuses métaphores informatiques, n’hésite pas à reconsidérer les relations d’interdépendances hommes/machines (le conseiller Harmann, l’Oracle ou encore l’agent Smith) au sein d’un système plus complexe dans lequel l’Elu serait, selon l’Architecte de la Matrice, une anomalie récurrente se manifestant en fin de cycle. Mais, une autre anomalie, imprévue cette fois, commence à se répandre dans le système. L’agent Smith, qui n’a pas été détruit par Neo dans l’épisode précédent mais plutôt libéré, s’autoclone désormais dans la simulation à la recherche d’un sens à donner à sa nouvelle existence. Tandis que la notion de choix était au centre de l’initiation de Neo, c’est à l’inverse le non-choix, ou plutôt les effets de causalité (comme l’exprime si brillamment Lambert Wilson dans son interprétation jubilatoire du Mérovigien), qui dirige les pas de l’Elu au long de sa quête pour sauver Zion de la destruction dans le monde réel. Un monde réel de plus en plus impalpable depuis son infiltration par l’agent Smith et le discours d’une densité absolue prodigué par l’Architecte à un Neo interdit avant qu’il manifeste ses pouvoirs à l’extérieur de la Matrice. Pour cette suite et fin, les Wachowski (enfin surtout Joel Silver toujours aussi bon vendeur) nous avaient promis encore du jamais vu et il faut reconnaître qu’avec la fusillade en chute libre de l’introduction, les chorégraphies de Woo-Ping Yuen, l’affrontement entre Neo et la centaine de Smith et la monstrueuse poursuite sur l’autoroute, les deux frangins nous en donnent pour notre argent. Certes, si le rythme de « Reloaded », sa structure narrative par tableau (une baston, un indice, une baston, une explication, ...) et son propos ténu balancé à la tête de l’audience au cours de cinq scènes de dialogues (le conseiller Harmann, l’Oracle, l’agent Smith, le Mérovingien et l’Architecte) primordiales à la compréhension du film, ont certainement laissé sur le carreau bon nombre de spectateurs, la conclusion de la trilogie matricielle se promet (enfin on l’espère) au-delà de nos attentes : une révolution.

Bruno Paul (Septembre 2003)
Pour Science Fiction Magazine


Bruno Paul
20 mai 2004



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