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Dolis
Maki Kusumoto
Kana

Une lecture transversale de ce livre a de quoi sidérer et décontenancer, au gré de l’apparent laisser-aller graphique que déroule une créatrice dont on nous suggère que la carrière serait en plein essor international et qu’elle aurait Munch, Andy Warhol et Egon Schiele pour suprêmes références esthétiques. Alors qu’au fil des pages hâtivement parcourues, on a surtout vu défiler des dessins d’allure maladroite, corps de guingois et esquisses de visages renvoyant plutôt aux lieux communs des publicités nippones et aux mangas sentimentaux qu’aux papes du pop art et de la veine tragico-expressionniste.



Elle a tout faux, Kusumoto ? Absolument pas. Du moins pour ceux qui se donnent la peine de tenter de la lire de A à Z - le A étant en fin de volume -, cette histoire dont les partis pris de déconstruction et de parcellisation ont de quoi déstabiliser le commun des mortels, mortel lecteur que nous sommes.

Un effort est donc requis, qui bien vite se fait moins prégnant, alors que par le biais de courtes séquences ponctuées de dialogues en caractères infinitésimaux, on entre dans l’intimité de Mitsu, beauté anorexique qui se taillade soigneusement les veines entre deux séances de pose pour l’un ou l’autre peintre et s’obstine à suivre des cours à la fac envers et contre le chaos de sa vie mentale. Mitsu, une beauté destroy qui a tôt fait, par ses œillades et ses silences, de ravir le cœur de Kishi, joli garçon qu’on verrait bien faire du gringue à une kyrielle de gothic lolitas. Au lieu de quoi le voici prêt à tout, même à se mutiler, pour la fatale Mitsu qui semble rester de glace tout en se donnant à lui. Mitsu, dont le surnom Dolis semble vouloir consacrer un fragile équilibre entre douceur et douleur...

Et à présent, au fil de pages lentement parcourues, c’est une façon de tragédie adolescente qui se met en place. Un jeu de rôle cruel où rivalisent manque affectif et folle passion, affirmation de soi et désespoir total, révolte radicale et acceptation du pire sur fond de sado-masochisme. Et l’on se prend à penser que oui, il y aurait bien un peu de Schiele dans les poses douloureuses de ces écorchés vifs. Un peu de Schiele mais pas de Warhol, et du Schiele mâtiné de Guido Crepax : lui qui du temps des « sexties », flirtait déjà avec de telles beautés froides et modernes...

Modernes, ou plutôt postmodernes, puisque la confusion des références, à défaut de valeurs, débouche sur une intense déception : pas plus de présent que de futur, quoi qu’on trouve dans le passé... Avec ceci de fascinant, néanmoins, que sous les apparences d’un bricolage graphique, Maki Kusumoto expérimente sous nos yeux un mode de narration résolument neuf, lequel consiste à ne représenter que l’essentiel du dit et du non dit, tout en mettant sur le même pied actes et pensées. Avec, pour toile de fond, des pans de vide aux couleurs ternes ou acides.


Dolis
- Scénario et Dessin : Maki Kusumoto
- Traduction et adaptation française : Pascal Simon
- Adaptation graphique : Eric Montésinos
- Éditeur : Kana
- Collection : Made in
- Dépôt légal : 21 août 2009
- Pagination : 138 pages couleurs
- Format : 14,8 x 21 cm
- ISBN : 978-2-5050-06586-5
- Prix public : 18 €


© Edition Kana - Tous droits réservés



Alain Dartevelle
1er octobre 2009




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