1944, devant l’avancée inexorable de la flotte américaine, l’état major japonais constitua une unité spéciale d’attaque, la Tokkotaï. Les jeunes soldats qui s’enrôlèrent dans cette troupe avaient comme mission de lancer leur avion sur les navires ennemis afin de créer un maximum de dégâts. Ces pilotes furent appelés kamikaze, les vents divins qui, dans la mythologie japonaises, protègent l’ile des invasions.
Syuho Sato nous offre une autre déclinaison de ce patriotisme exacerbé qui baignait dans ce Japon de la Seconde Guerre Mondiale. Nous suivons ici le soldat Watanabe Yuzo. Loin d’être un patriote exemplaire, il s’est engagé pour aider sa famille et leur retirer l’image de mauvais japonais qui leur colle à la peau. Alors se proposer volontaire pour une mission suicide, pourquoi pas ? De toute façon, qu’a-t-il fait de sa vie ? Mais une fois arrivé, il s’interroge sur ce qui a pu pousser des hommes à inventer une arme qui sera de toute façon au moins fatale à ses pilotes. Il va très vite attirer l’attention de Nishima Sekio un des créateurs des Kaiten, petit nom donné aux torpilles humaines. Entre les deux hommes va commencer un jeu de la vérité sur les raisons qui les ont amenés à se retrouver dans le corps d’un missile sans aucune chance de survie.
Syuho Sato réussit à éviter le piège de l’apologie du nationalisme exacerbé, qui semble de nouveau pointer son nez sur l’Ile du Soleil Levant. Il nous offre, au contraire, une réflexion très fine sur ce qui peut pousser un homme à donner sa vie pour une cause. Et plutôt que de rependre l’image très, voire trop, classique des pilotes de Zéro, il nous propose une arme bien plus propice à l’introspection de deux hommes : une torpille. Comme dans un mini sous-marin, les deux pilotes doivent avoir entièrement confiance l’un en l’autre pour atteindre leur cible et ne pas finir au fond de l’océan. Et aucun des deux ne donnera comme explication à leur acte ce patriotisme qui pouvait paraître l’excuse idéale.
La force de ce manga est amplifiée par un dessin hyperréaliste de très grande qualité. Syuho Sato vous immerge avec ses deux héros, allant jusqu’à récréer un subtil sentiment de claustrophobie. Le lecteur est réellement dans le cœur de la torpille, témoin impuissant de la mort de deux pauvres gars subissant les désastres de la guerre. L’ambiance souvent sombre est parfaitement rendue par le noir et blanc et un coup de crayon très sûr.
“L’Ile des Téméraires” entre avec brio dans la collection des mangas « témoignage » comme “Enfant Soldat”. A lire impérativement !
L’Ile des Téméraires
Auteur : Syuho Sato
Traducteur : Thibaud Desbief
Éditeur français : Kana
Collection : Big Kana
Format : 127 x 180, noir et blanc - sens de lecture original
Pagination : 208 pages
Date de parution : 21 aout 2009
Prix : 8,50 €
Numéro ISBN : 2-5050-0666-4
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